La Presse Plus utilise désormais les termes gazouillis et gazouiller pour traduire les termes tweet et tweeter. Ne comptez pas sur moi pour applaudir ; ça m’énerve plutôt. Mon quotidien favori n’est pas le seul à avoir suivi cette recommandation du Bureau de la traduction. Parcs Canada, Développement économique Canada et l’Agence canadienne de développement international ont également versé dans l’anglophobie.
Gazouillis au sens de tweet n’est pas tout à fait inconnu en France, comme le montre cet exemple tiré de L’Express dès le 18 juillet 2012 : « Les gazouillis de Twitter sont-ils dignes des écrivains ? » Mais je serais très étonné que cette traduction se répande dans l’Hexagone, où le mot courriel, pourtant très bien formé, n’est pas parvenu à concurrencer durablement les mots mail ou e-mail. Chez nous, les termes gazouillis et gazouiller auront sans doute plus de succès, surtout s’ils sont appuyés par un puissant média comme La Presse. Mais faut-il pour autant les adopter ?
Vous vous demanderez pourquoi je râle contre une tentative honnête et de bonne foi de remplacer des anglicismes. C’est du pur purisme ! Devant un mot anglais apparu en français, il faut se demander, comme le fait habituellement la maison Larousse, 1) s’il répond à un besoin, 2) s’il s’intègre bien à notre langue. De toute évidence, tweet comble un besoin puisqu’il décrit une réalité nouvelle pour laquelle notre langue n’avait pas de mot. Sa morphologie, en revanche, n’est pas vraiment française. Les mots commençant par un tw en français sont rarissimes et viennent tous de l’anglais. Mais leur intégration ne pose pas vraiment problème comme le montrent des termes comme tweed, twist ou twister. Preuve de son intégration, tweet a rapidement engendré les verbes tweeter et retweeter.
De plus, gazouillis, contrairement à courriel, n’est pas une création brillante. C’est plutôt la traduction littérale d’un mot qui en anglais désigne le « petit bruit agréable que font les oiseaux en chantant ». Avez-vous l’impression, vous, que Donald Trump gazouille quand il met en ligne ses gazouillis furibonds au petit matin ? Bien entendu, les tweets ne sont pas tous des brûlots. Reste que pour moi, le terme gazouillis décrit fort mal ces « micromessages du réseau Twitter dont la taille est limitée à 140 caractères ». À mon avis, il n’y avait pas de bonnes raisons de s’opposer à l’arrivée de tweet dans notre langue.
En matière d’anglicismes, je préfère choisir mes batailles. Il faut lutter avec passion contre ces mots anglais ou ces locutions anglaises qui remplacent, tout à fait inutilement, des termes bien français. Par exemple, news au sens de nouvelles ; low cost au sens de bas prix ; fun au sens de plaisir ; en replay au lieu de en reprise, etc. Il faut aussi se battre contre l’emploi de l’anglais dans les slogans, les publicités ou les titres d’événement. Moi aussi, comme je l’écrivais récemment, je déteste voir des We run Paris ou des Made for sharing.
Mais gazouillis, vraiment ! Peut-on cesser de voir tout emprunt à l’anglais comme une trahison et un enlaidissement de notre belle langue ?