Je suis allé vendredi aux obsèques de ma jeune collègue Marie-Claude Girard. La nouvelle de sa mort m’avait bouleversé. J’ai pourtant perdu bien des compagnons de travail depuis mon arrivée à La Presse, il y a 25 ans. Mais ils étaient tous à peu près de ma génération. C’était, si je puis dire, dans l’ordre des choses. La disparition de cette jeune collègue, dont j’avais suivi les premiers pas dans la salle de rédaction, c’est plutôt dans le désordre des choses. Mais la vie, on le sait, peut être bien désordonnée.
Le salon était rempli de journalistes de La Presse, très émus pour la plupart, même les gars. Sils ont utilisé moins de kleenex que leurs consoeurs, ils n’en étaient pas moins touchés. Martha est venue me faire la bise. «C’est la deuxième fois d’affilée qu’on se voit dans les mêmes circonstances», m’a-t-elle dit, faisant allusion à la mort récente de Liliane Lacroix. «Je commence à être un habitué», lui ai-je répondu. Plus je vieillis, en effet, et plus je me rends à des obsèques. Ainsi je vais rarement à Trois-Rivières, ma ville natale, autrement que pour des enterrements. Et comme j’ai l’intention de vivre jusqu’à 100 ans, je vais sans doute fréquenter encore souvent les salons mortuaires.
La cérémonie était religieuse, mais le prêtre n’a pas pris trop de place. Il a eu le bon sens de laisser la parole à trois collègues, qui ont tracé de la disparue un portrait à la fois juste, touchant, et par moments drôle. Il faut dire que Marie-Claude avait elle-même beaucoup d’humour et un rire qui fait du bien.
Je suis reparti de là rempli d’une belle énergie. J’ai traversé à pied le centre-ville par cette belle journée ensoleillée, comme porté par le pas rapide, gracieux et aérien de Marie-Claude. Le fait d’avoir revu tant de collègues de La Presse y était sans doute pour quelque chose. La Presse, ça reste ma famille. Mais l’âme de Marie-Claude m’accompagnait. Je ne sais pas ce que deviennent les gens après leur mort. Ma réponse a varié selon les âges de la vie. Aujourd’hui, je ne pourrais dire, comme le prêtre qui officiait, que bien des gens nous attendent de l’autre côté pour la Vie éternelle. Il me semble que, s’il existe autre chose, ce n’est pas cela. Mais honnêtement, je n’en sais rien.
Ce dont je suis sûr en revanche, c’est que les disparus restent dans nos cœurs. Et quand ils ont une belle âme, comme Marie-Claude, ils génèrent une énorme énergie, qui continue à nous accompagner. Son amoureux et leurs trois filles en auront sans doute bien besoin.
Chérie, j’ai rapetissé (suite…)