Anatomie d’une chute ****1/2
Un homme est retrouvé mort au pied de son chalet. Meurtre ou suicide ? Le procureur opte pour la première hypothèse. Commence un long procès où l’épouse se retrouve au banc des accusés et au cours duquel on en apprend beaucoup sur le couple avant de découvrir la vérité. Pas surprenant, car il s’agit autant de la chute d’un couple que de la chute d’un homme.
Le scénario est brillant et l’interprétation est exceptionnelle. Anatomie d’une chute a obtenu la Palme d’Or au Festival de Cannes 2023. Cette palme-là est bien méritée. Le film de Justine Triet est le meilleur que j’aie vu cette année.
Richelieu ****
Quand le générique a commencé à défiler, j’étais au bord des larmes, le cœur gros, incapable de me relever tout de suite. Le film de Pier-Philippe Chevigny est une œuvre très forte. Après avoir vu la bande-annonce, je craignais pourtant une œuvre un peu manichéenne, où un méchant patron exploite sans vergogne de pauvres travailleurs guatémaltèques. Il n’en est rien. Ce n’est pas un gestionnaire impitoyable que Richelieu dénonce. C’est un système où le profit repose sur l’exploitation de la main-d’œuvre.
La réussite du film repose sur un scénario solide. Le cinéaste a d’abord parcouru le Guatemala en compagnie d’Ariane Castellanos, son interprète principale, qui lui a servi d’interprète ! L’actrice, elle-même d’origine guatémaltèque par son père, est remarquable dans le rôle de cette traductrice chargée de transmettre aux Guatémaltèques les ordres de la direction. Son vis-à-vis, Marc-André Grondin, joue avec justesse un gestionnaire à la fois imposant et fragile. Quant aux acteurs hispanophones, ils sont tous excellents, notamment Nelson Coronado dans le rôle difficile de Manuel.
Richelieu est réalisé avec une maturité rare et surprenante pour un premier long métrage. J’ai déjà hâte de découvrir le prochain opus de Chevigny.
Testament ****
J’ai toujours aimé l’humour corrosif de Denis Arcand, car il fait des trous dans nos certitudes et nos croyances. Avec l’âge, l’ironie du réalisateur de 82 ans est devenue encore plus décapante. Ses œuvres ressemblent de plus en plus à des comédies à l’italienne, où l’auteur s’amuse, non sans malice, des travers de notre société.
Ici comme en France, une bonne partie de la critique s’est plu à éreinter le dernier opus d’Arcand. C’est son droit. En revanche, des deux côtés de l’Atlantique, une bonne partie du public a adoré cette satire de la société actuelle qui n’épargne personne : jeunes wokes, bien sûr, mais aussi vieux nationalistes, médias et politiques. Bien sûr, le trait est parfois lourd, souvent moqueur et toujours dur. Mais il n’est jamais loin de la vérité.
Bref, Testament, c’est du Arcand pétillant et jouissif. J’espère que ce n’est ni son testament ni son dernier film.
Ru ****
Souvent, je suis déçu par les longs métrages tirés d’un livre. Ce n’est pas le cas ici, peut-être parce que le film est très différent de l’œuvre de Kim Thuy. Non pas que les scénaristes aient modifié les faits. L’histoire racontée est pour l’essentiel la même : c’est celle d’une famille vietnamienne riche qui a dû fuir Saïgon en catastrophe et qui est venue refaire sa vie dans une petite ville du Québec après un passage atroce et dangereux dans un camp de réfugiés.
Mais le réalisateur Charles-Olivier Michaud et son scénariste Jacques Davidts ont tiré de ce récit autobiographique un film qui s’est affranchi du livre. Ils ont réussi l’adaptation d’une œuvre qu’on disait inadaptable en y restant fidèle, mais sans en demeurer prisonniers. C’est un exploit rare.
De tous les acteurs de ce film choral, je retiens notamment Chantal Thuy, remarquable dans son rôle de mère qui passe de grande bourgeoise à petite ouvrière.
Le temps d’un été ****
Le plus grand succès québécois de l’été est bien mérité. Bien sûr, il ne manque pas de gens qui, à l’instar de Gide, estiment qu’on ne fait ni de la bonne littérature ni de bon cinéma avec de bons sentiments. Et pourtant, c’est possible. Le temps d’un été fait partie de ces films que les Américains qualifient de « feel good movie ». On en ressort la larme à l’œil, mais le cœur léger.
On s’attache vite à cette bande bigarrée de laissés-pour-compte qu’amènent en vacances dans le Bas-du-Fleuve un curé idéaliste et une religieuse débrouillarde. Les obstacles sont nombreux et les tensions sont souvent vives, autant entre les sans-abri qu’avec les résidents du village, mais tout finit par s’arranger, conformément aux conventions immuables de la comédie dramatique. Laissons-nous emporter, cela fait du bien.
Le scénario de Marie Vien est solide, la réalisation de Louise Archambault, brillante et le jeu des comédiens, exceptionnel.
Barbie ****
Je n’ai pas résisté à la tentation d’aller voir Barbie. Par curiosité, bien sûr. Pour Margot Robbie aussi, car j’imaginais difficilement une autre actrice pour donner vie à l’écran à la poupée mythique. Et je n’ai été déçu ni par Barbie ni par Margot.
Les gens qui voient dans ce film de Greta Gerwig un manifeste féministe ont bien raison. Il ne faut pas s’étonner que les conservateurs américains lui aient déclaré la guerre tant le machisme et le patriarcat en prennent pour leur rhume. Mais tout cela n’a rien de didactique, de militant ou d’artificiel. Au contraire, ce Barbie est une comédie intello, pleine d’humour, de fantaisie, d’inventivité et de créativité. C’est drôle, marrant, ludique, enlevant, excentrique. Une mention spéciale à Ryan Gosling, qui a créé un bijou de Ken.
Pour finir, quels films regardés sur les plateformes.
Un triomphe ****1/2
Ce film français attachant et touchant raconte la mise en scène de En attendant Godot par un groupe de prisonniers. Dans le rôle du comédien-professeur, Kad Merard est inoubliable. (Ici.Tou.TV)
Le monde après nous ****
Cette œuvre audacieuse de Sam Esmail ne fait pas l’unanimité, tant s’en faut. Mais je suis de ceux qui ont beaucoup aimé cette fable apocalyptique sur le monde qui pourrait survenir après nous. Ce film dérangeant nous fait ressentir la peur que nous avons éprouvée au cours d’une année où l’invasion de la bande de Gaza s’est ajoutée à la guerre en Ukraine, et où les forêts ont flambé au cours de l’été le plus chaud de l’histoire de l’humanité. (Netflix)
La vraie famille ****
Dans ce film de Fabien Gorgeart, Diane élève Simon, que l’Assistance sociale lui a confié, comme son propre enfant. Quand le père biologique veut le reprendre, quelques années plus tard, toute la famille est bouleversée. À mon avis, Mélanie Thierry trouve dans cette œuvre émouvante son plus grand rôle. (Ici.Tou.TV)