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Archives de mars, 2020

Quarantaine : jour 6

Le plus difficile depuis deux jours, c’était moins le confinement que l’absence de lumière, en raison de la pluie et des nuages. Comme je l’ai déjà dit, nous avons un bel appartement, mais qui donne sur cour. Nous l’avions choisi pour la tranquillité, mais depuis le début, la vue et l’ensoleillement nous manquent. Et encore davantage en quarantaine.

On compte plus d’une centaine d’appartements sur la cour intérieure. On sent davantage la présence de nos voisins en ce moment. Habituellement le jour, ils vont travailler à l’extérieur pour payer hypothèques ou loyers, laissant seuls les rares retraités de l’immeuble. Mais le confinement décrété par le gouvernement en a contraint plus d’un au télétravail quand il ne les a pas réduits au chômage. Aussi les voit-on davantage, en particulier les fumeurs des balcons.

Cependant, on les connaît trop peu pour sentir une présence chaleureuse. Même lorsqu’ils sortent sur leur balcon, les gens ne se saluent pas. On ne voit pas non plus, comme en Espagne, en France ou en Italie, les gens venir à la fenêtre à 20 h, pour applaudir, siffler ou chanter. Ce serait sympa pourtant.

Quand nous sommes revenus chez nous il y a une semaine, Lise était si contente qu’elle trouvait que notre appart était « le plus beau du monde ». Mais sept jours plus tard, on comprend pourquoi on a choisi de le vendre pour aller s’installer au 8e étage du complexe Humaniti, avec vue sur la place Riopelle.

Néanmoins, cette proximité avec nos voisins a quelque chose de rassurant, surtout le soir quand les fenêtres sont éclairées. Nous ne sommes pas seuls.

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Quarantaine : jour 5

Fini les promenades de santé pendant la quarantaine. Ce que le premier ministre avait autorisé vendredi, sa vice-première ministre l’a interdit le lendemain. Heureusement, nous n’avions pas regardé la conférence de presse de Geneviève Guilbault. On a donc pu faire une sortie supplémentaire. Mais pour les dix jours qui restent, on se limitera au balcon.

À mon avis, c’est néanmoins une mesure inutile, qui vise surtout à rassurer ceux qui craignent que les rapatriés les contaminent. Il n’y avait aucun risque, en effet, ni d’être infecté ni d’infecter qui que ce soit en allant marcher au grand air, à bonne distance les uns des autres. Au contraire, en période de confinement, aller prendre l’air, c’est à la fois bon pour le moral et pour le physique. La sédentarité est un des problèmes majeurs de notre époque. Ne nous l’a-t-on pas répété à satiété ? Mais la peur excessive engendre des mesures irrationnelles. L’interdiction totale de sortir pendant la quarantaine en est une.

Je ne suis pas en train de vous dire que le Covid-19 n’est pas dangereux. Je ne suis ni Donald Trump, ni Boris Johnson, ni Jair Bolsonaro. Cette pandémie est grave et, si on ne la combat pas, elle peut devenir incontrôlable. Mais j’essaie d’éviter qu’une crainte saine et normale ne se métamorphose en une angoisse terrifiante et paralysante.

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Quarantaine : jour 4

Photo CTV.news

Les gens qui me connaissent savent que je n’avais pas une très haute opinion de François Legault. Je l’ai d’ailleurs critiqué à plusieurs reprises dans mes carnets ou sur Facebook. Je ne crois pas que la pandémie me fera changer d’idée quant à ses orientations politiques. Je ne lui ai toujours pas pardonné la loi 21 sur les signes religieux et, en bon écolo, je deviens vert quand je l’entends dire que le troisième lien à Québec sera une mesure environnementale. C’est trop fort de café ! Bref, je ne suis pas sur le point de voter pour la CAQ.

Cela dit, il est vrai que notre premier ministre se comporte admirablement bien dans cette crise. Séjournant en Espagne au moment où le coronavirus a commencé à frapper le Québec, j’avais raté ses conférences de presse quotidiennes. Mais des proches, qui ne sont pas non plus des admirateurs, m’en avaient dit le plus grand bien.

De retour dans la Belle Province, nous nous sommes installés, mon amoureuse et moi, devant notre téléviseur à 13 h cette semaine. J’avais peur d’être déçu, ne serait-ce qu’un peu, car je partage rarement nos grands emballements collectifs. Les appuis massifs me rendent généralement méfiant. Mais non, pas cette fois. J’ai été séduit moi aussi.

J’ai trouvé que cet homme était capable de se montrer sérieux sans être sinistre, ferme sans être autoritaire, encourageant sans être jovialiste, apaisant sans être lénifiant. En un mot, le ton est juste. De plus, on le sent honnête et transparent. Chez lui, pas de populisme outrancier, pas de manipulations, pas de faux-fuyants. Tout au plus quelques cachotteries. À 13 h, chaque jour, on a (presque) l’heure juste. C’est sans doute pourquoi ce politique inspire la confiance.

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Quarantaine : jour 3

Vous êtes plusieurs à m’avoir signalé qu’au Québec les voyageurs, même en quarantaine, étaient autorisés à aller prendre l’air, à condition bien entendu de respecter la distance sanitaire de deux mètres. Il n’en fallait pas plus, le soleil aidant, pour que j’aille marcher le long du canal de Lachine hier après-midi.

Ai-je eu quelques hésitations ? Non ! L’enjeu, c’est de ne pas contaminer qui que ce soit, tout en évitant d’être soi-même contaminé. Objectif facile à atteindre si l’on ne se colle pas sur les gens. J’ai noté que les marcheurs ne se suivaient pas de trop près. En revanche, la plupart ne font pas beaucoup d’efforts pour s’écarter quand ils se croisent. J’ai donc zigzagué pour deux. Deux fois un mètre = les deux mètres sécuritaires. M. Legault aurait été content.

Je sais que notre premier ministre, par ailleurs admirable dans cette pandémie, aimerait beaucoup que nous, les vieux de plus de 70 ans, restions à la maison. Nous serions tellement vulnérables. S’il y a une chose qui m’agace dans cette crise, c’est bien cette association vieux = vulnérable.

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Quarantaine : jour 2

Lise et moi ne sommes pas du genre à avoir deux frigos et un congélateur. Nous n’avons qu’un réfrigérateur, au demeurant petit. Et la plupart du temps, il n’est même pas plein. En temps normal, ça ne m’inquiète pas, car nous sommes entourés de trois supermarchés, de deux boulangeries et de quelques épiceries fines. Même la perspective de manquer de papier-cul ne m’affole pas.

Mais nous ne vivons pas des temps normaux. En pleine pandémie et à l’aube de notre quarantaine, nous sommes confinés dans notre appartement, dont on ne peut sortir que pour une petite promenade de santé. Il nous est interdit, et cela va de soi, de se rendre à l’épicerie. Bref pour manger, il nous faut compter sur les autres ou sur les services en ligne.

Pour les premiers jours, nous pouvions compter sur les courses que Laurence et Étienne avaient faites pour nous. Pour la suite, nous misions sur Métro. Mais son site web est surchargé. Mercredi, impossible de trouver une plage horaire pour la livraison. Nous nous sommes dit : on essayera tôt jeudi matin. Mais à 7 h 45 hier matin, nous avons buté sur le message suivant : « En raison d’une très forte demande envers le service d’épicerie en ligne, toutes les plages horaires sont présentement occupées. Nous vous encourageons à revérifier le site web demain matin afin de connaître la mise à jour des disponibilités. »

Je me suis dit, à ce rythme, il va falloir se résigner à jeûner. Tant et si bien que j’ai été soudain effrayé à l’idée de manquer de nourriture. Mon opulence d’Occidental toujours bien nourri depuis sa naissance était soudain menacée.

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Quarantaine : jour 1

Hier matin, quand je me suis levé, il était 7 h 15. Comme je m’étais couché après le bulletin de nouvelles de RDI, qui est si ennuyeux qu’il constitue un merveilleux somnifère, ça me faisait une bonne nuit. Le décalage horaire ne devrait pas être dur.

Lise, elle, était déjà debout depuis 4 h. C’est habituel pour mon amoureuse quand on revient d’Europe. Avec son efficacité légendaire, elle avait déjà fait ses étirements, sa méditation et lu La Presse, en plus de vider les valises, de faire une première lessive et de laver la vaisselle empilée depuis la veille. Je me suis d’ailleurs levé juste à temps, elle venait de terminer.

Ma compagne était prête pour le petit-déjeuner. Moi, je le suis toujours. J’étais tellement content de retrouver mon café au lait de soya, après six semaines de café du matin plus ou moins bon. Ça m’avait manqué plus que je le croyais. Nous étions aussi tous les deux très heureux, pour entamer notre premier jour de quarantaine, d’avoir du bon pain plutôt qu’un sandwich froid, sous plastique, au pain blanc et au mauvais jambon.

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Coronavirus : le retour

Hier matin à l’aéroport de Madrid, les Québécois qui attendaient le vol TS-395, en direction de Montréal, paraissaient soulagés de pouvoir enfin rentrer au pays. Près de la porte d’embarquement, les conversations s’engageaient spontanément, même si les gens conservaient le mètre de distance, comme nous y exhortaient, toutes les cinq minutes, les haut-parleurs. La bonne humeur était au rendez-vous, la perspective du vol faisant oublier les frustrations, les inquiétudes et l’amertume des derniers jours.

Quand Air Transat a enfin annoncé le début de l’embarquement, les gens se sont empressés de rejoindre la porte d’entrée B24. Juste à côté de moi, j’ai vu un vieil homme grimacer, puis se plaindre haut et fort, avec un fort accent français, de ce non-respect scandaleux de la distance sanitaire.

Après sept jours d’attente à l’hôtel, j’ai été à deux doigts de lui lancer : « Faites pas chier ! » Mais je me suis retenu, me bornant à lui dire, sèchement tout de même, que dans l’avion, de toute façon, nous serions les uns sur les autres. Ça l’a relancé de plus belle. Le ronchon s’est mis à gesticuler avec sa canne. Je lui ai dit, non sans une pointe d’ironie : « Allez, mon cher Monsieur, passez devant moi. Je vous laisse deux mètres, si vous voulez. » Je ne sais pas si ça l’a calmé ou surpris, mais il a cessé de vociférer. Je l’ai suivi dans le couloir menant à l’avion, à une bonne distance tout de même, me disant qu’il était assez énervé pour me donner un coup de canne.

Me suivait une bande de gais lurons, qui lançaient des cris de joie. J’ai entendu : « On est du Lac-Saint-Jean et on est contents. » La rime était facile, mais agréable à mes oreilles. Je me suis retourné et levé le pouce en leur direction. Dans l’avion, nous avons été accueillis par un groupe de jeunes agentes de bord particulièrement gentilles.

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Coronavirus : à un dodo du retour

Petit moment de confusion hier. Le téléphone sonne dans notre chambre. Qui donc peut nous appeler en Espagne ? C’est la voisine de la chambre à côté, une Québécoise croisée à la réception de l’hôtel Tryp Alameda. Elle m’a reconnu à cause de mon témoignage paru dans La Presse récemment. Elle et son mari, tout comme nous, devaient partir hier par le vol Madrid-Malaga-Montréal. Mais leur départ à eux aussi a été remis à demain, mardi.

Elle me dit que le vol TS-785, que nous devions prendre, est en route pour Montréal. Elle se demande pourquoi nous avons été largués. Du coup, je commence à m’inquiéter aussi. Mais je me cramponne à ce que m’a affirmé la préposée d’Air Transat : notre vol a été annulé et remplacé par celui de mardi. Mais un courriel d’un ami coincé à Torremolinos vient relancer mes doutes. Lui aussi craint que le vol TS-785 nous ait laissé tomber.

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Coronavirus : à deux dodos du retour

À midi, nous avons quitté le Ibis de l’aéroport de Madrid avec soulagement. Certes, il nous fallait refaire nos valises et nous déplacer. Puis attendre l’avion encore deux jours. Mais le personnel de l’hôtel, à une exception près, était si froid, quand il n’était pas carrément désagréable, qu’on s’est dit que ça ne pouvait être pire au Tryp Almaneda.

Ce matin encore, quand nous avons vu le mauvais café qui avait percolé bien trop longtemps, j’ai demandé à la jeune femme qui nous servait si on ne pouvait avoir mieux. J’avais remarqué qu’il y avait à la réception, à dix mètres à peine, une belle machine à café italienne. Mais nada ! Tout ce qu’elle m’a proposé, c’est d’ajouter de l’eau chaude à un mélange dégueu.

Je suis conscient que l’hôtel ferme et que le personnel se retrouvera au chômage pour un temps indéterminé. Mais est-ce une raison pour être si peu serviable ? De notre voyage en Espagne, je retiendrai surtout les mots « nada » et « no ». Je ne veux pas être injuste en ces temps de coronavirus galopant. Reste que tout cela ne donne pas très envie de revenir au pays des toréadors et du flamenco.

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Coronavirus : avancer en arrière

 

Nous partons demain, comme je vous l’annonçais, pas plus tard que ce matin, mais non pas pour Montréal. Plutôt pour un autre hôtel, le Tryp Alameda, situé à 180 mètres du Ibis, ou si vous préférez, à trois minutes de marche. Vous ne comprenez rien. Non aussi, nous avons mis un moment à saisir de quoi il retourne. Reprenons les choses une à une.

Ce matin, nous avons reçu d’Air Transat une confirmation du vol Madrid-Malaga-Montréal demain, le 22 mars. J’ai alors mis en ligne avec joie le carnet « Coronavirus : à un jour du départ ». Puis ce soir, juste après avoir terminé nos valises, j’ai reçu un autre courriel du transporteur, nous annonçant une modification à notre itinéraire. Je ne sais pas qui écrit les messages d’Air Transat, mais il ou elle aurait eu intérêt à suivre la formation que je donnais naguère aux jeunes journalistes de La Presse. Car il ne s’agissait pas tant d’une modification à notre itinéraire qu’un changement à notre horaire.

Lise et moi ne partirons plus demain le 22, mais mardi le 24. J’étais à la fois énervé, très énervé même, et surtout furax. Je ne comprenais pas qu’on ait pu nous expulser du vol du 22, pour lesquels nous avions déjà acheté des billets. J’ai tout de suite envoyé un courriel à l’adresse qu’on m’avait laissée, demandant un éclaircissement de la situation le plus rapidement possible. Je n’ai toujours pas obtenu de réponse.

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