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Archives de décembre, 2017

Le froid polaire en attendant Nice

L’an dernier, c’était pour Lise et moi notre premier hiver complet au Québec en sept ans. Au cours des six années précédentes, nous avions passé la saison froide, en tout ou en partie, à Nice, en Floride, au Texas, en Arizona, en Californie ou en Baja California. Pas mal non ! J’en étais si heureux que j’avais écrit que plus jamais nous ne passerions tout un hiver dans la Belle Province. Elle est peut-être belle sous la neige, mais je la préfère en plein été. Toutefois, la fin du caravaning et la décision d’acheter un nouvel appartement avaient modifié nos plans.

Nous étions donc un peu craintifs à la fin de 2016, quand l’hiver s’est amené. Heureusement pour nous, il n’a pas été brutal. Long, presque interminable, mais plutôt doux de bout en bout, de sorte que nous y avons survécu sans trop de mal. S’il avait fallu cependant que le froid fût aussi mordant que cette année, je crois que nous serions morts. Ou peut-être serions-nous partis pour Nice, ce qui constitue une autre façon de partir, mais en douce.

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Deux films français : un bon et un moins bon

Dans «Le sens de la fête», le jeu des acteurs est absolument remarquable, de Jean-Pierre Bacri (ci-dessous), vedette de cette œuvre chorale, au moindre petit rôle.

Je viens de voir coup sur coup deux films français, l’un excellent, l’autre, disons… moins bon. Commençons par le premier, Le sens de la fête. C’est le genre de comédie intelligente que j’aimerais voir plus souvent. Il y a longtemps que je n’avais pas ri d’aussi bon cœur au cinéma. Le film a été réalisé par un tandem composé d’Éric Toledano et d’Olivier Nakache, à qui on doit déjà Intouchables, qui était déjà pas mal lui aussi. Mais leur dernier opus, c’est mieux encore.

Tout dans cette comédie est réussi, à commencer par le jeu des acteurs, absolument remarquable, de Jean-Pierre Bacri, qui tient la vedette de cette œuvre chorale, au moindre petit rôle. Il faut dire que Toledano et Nakache, qui sont aussi scénaristes, ont travaillé avec soin chacun des personnages. Ces deux-là arrivent à faire de la critique sociale, mais sans méchanceté et en faisant rire. C’est un talent rare.

Au revoir là-haut, en revanche, me paraît nettement moins fort. Vous me direz que les spectateurs aiment beaucoup ce film, tant au Québec qu’en France. Tant mieux ! Mais je n’arrive pas à partager leur enthousiasme. Je dois dire que j’ai adoré le roman de Pierre Lemaitre, à qui j’ai fait une place dans ma liste des dix meilleurs romans.  Le film qu’en a tiré Albert Dupontel n’est pas mauvais certes, mais je ne pourrais dire qu’il soit est jouissif, jubilatoire, épatant, savoureux, insolite, saisissant, magnifique, éclairant, picaresque, mordant, émouvant, comme j’avais dit du roman. (suite…)

Le cinéma au temps des mangeurs de pop-corn

J’ai l’habitude d’aller au cinéma en matinée et en semaine. Si l’on excepte les mardis, que j’évite habituellement, nous sommes peu nombreux à le faire. Il m’est même arrivé une fois cette année d’être tout à fait seul dans une des salles du Forum. Le bonheur pour un vieux râleur cinéphile !

C’est loin d’être le cas durant les Fêtes, particulièrement cette année où le froid pousse les vacanciers dans les salles obscures. En principe, je devrais me réjouir qu’elles soient envahies. Si nous n’étions, à longueur d’année, que quelques happy few à les fréquenter, il faudrait bientôt se résigner à ne regarder les films qu’à la télé. Pour un passionné de cinéma, ce serait terrible.

Cela dit, je dois avouer que je deviens facilement ronchon quand j’arrive dans une salle déjà presque pleine, même dans les premières rangées où je m’assoie habituellement. J’ai bien du mal à endurer qu’on parle fort et sans arrêt pendant la projection des bandes-annonces. Même dans les cafés où je m’arrête avant d’aller au cinoche, c’est plus tranquille.

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Le bonheur pour cadeau de Noël

Je ne peux évidemment vous offrir le bonheur en cadeau, car il dépend de chacun de nous. Mais je peux vous conseiller un ouvrage qui en traite. C’est le Plaidoyer pour le bonheur de Matthieu Ricard. Attention toutefois, l’auteur est un moine bouddhiste. Je tiens à le préciser, car je connais les réticences, voire l’hostilité, de nombreux Québécois, notamment de ma génération, à l’égard de tout ce qui de près ou de loin est religieux. Le bouddhisme a beau tenir plus de la philosophie que de la religion, il est possible que le message de ce moine français ne vous touche pas. Mais si les mots bouddhisme, Bouddha ou dalaï-lama ne vous donnent pas d’urticaire, je ne saurais trop vous suggérer la lecture de cet éloge de la félicité. De tous les ouvrages sur le bonheur que j’ai lus (et j’en ai parcouru des masses), celui-là est pour moi le meilleur.

Le Plaidoyer pour le bonheur n’est pas, contrairement à beaucoup de traités sur le sujet, un manuel pour nous aider à réaliser nos désirs. Ceux-ci, estime son auteur, sont sans limites et notre emprise sur le monde, restreinte et bien illusoire.

Certes il vaut mieux, reconnaît le moine, vivre dans un pays où ne règnent ni la misère, ni la famine, ni les massacres. Comme le dit Yvon Deschamps, il est sans doute préférable d’être riche et en santé que pauvre et malade. Mais les habitants de ce « meilleur des mondes » ne sont pas pour autant heureux. Sans doute sont-ils, selon les études et les sondages, plus satisfaits de leur sort que les gens des pays défavorisés. Mais leur « bonheur », fait remarquer Ricard, est « éminemment fragile », car il tient trop aux conditions extérieures. La perte d’un emploi, par exemple, peut faire en sorte que tout s’écroule.

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Nous Montréalais, des nationalistes ?

Bien au chaud près du foyer de notre grande pièce commune, au 9e étage de notre immeuble, j’avais une vue magnifique sur la neige qui balayait le centre-ville de Montréal. (Photo Lise Roy)

Mardi, pendant que les médias s’amusaient à faire peur au monde avec la première tempête de la saison, je suis monté au neuvième étage de notre immeuble, d’où j’avais une vue magnifique sur la neige qui balayait le centre-ville de Montréal. Bien au chaud près du foyer de notre grande pièce commune, je voyais, non sans un malin plaisir, dois-je avouer, les voitures patiner dans la gadoue, tentant péniblement de rallier la Rive-Sud. Boucar Diouf m’accuserait sans doute de traiter les banlieusards de haut.

Le donneur de leçons de Longueuil s’est en effet attaqué samedi dernier aux nationalistes de Montréal. Je fais sans doute partie du lot puisque, quelques jours plus tôt dans la même Presse+, j’avais écrit un article justifiant l’usage du « Bonjour, Hi ! », qu’il fustige. L’emploi du mot « nationaliste » m’a fait sourire, car s’il y a une chose que je me pique de ne pas être, c’est bien nationaliste. Le nationalisme québécois ne me fait pas vibrer. Le nationalisme canadien encore moins.

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Des monologues pour lever le voile

Dès la sortie du livre, j’ai eu envie de lire Les monologues du voile tant les extraits publiés dans La Presse étaient passionnants. Mais ce n’est qu’au Salon du livre que j’ai fini par acheter l’ouvrage de Kenza Bennis. J’en ressors enthousiasmé. C’est le bouquin qu’il faut lire pour mieux comprendre ce sujet, ô combien polémique.

Que les pourfendeurs inconditionnels du foulard se rassurent. Ces monologues ne sont pas un plaidoyer en faveur du hijab. Mais ce n’est pas non plus un réquisitoire contre le port du voile. Kenza Bennis a longuement interviewé 83 Québécoises, de 17 à 75 ans, de milieux économiques divers et de toutes les régions du Québec. Le groupe était composé pour un tiers de non-musulmanes, pour un tiers de musulmanes non voilées et pour un tiers de musulmanes voilées. L’auteure en a tiré 21 monologues très bien écrits, instructifs et fascinants.

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« Bonjour, Hi ! »

Photo La Presse

Cette banale formule d’accueil est devenue le symbole de l’anglicisation de Montréal. À tel point que l’Assemblée nationale, à l’unanimité, a voté la semaine dernière pour que le mot « bonjour » soit désormais utilisé seul dans les commerces. Et c’est ainsi que, dans la Belle Province, on règle un problème en deux coups de cuiller à pot. Une déclaration solennelle de notre auguste Assemblée, et on passe au suivant. C’est fou ce qu’on peut être efficace !

Pour ma part, j’avais fini par m’habituer à ce « Bonjour, Hi ! » si représentatif de notre belle métropole. « Bonjour, Hi ! », ça veut juste dire : « Je peux vous servir en français ou en anglais. » Et dès que vous répondez « Bonjour ! », la conversation se poursuit en français. « What’s the problem ? », demandent d’ailleurs nos Anglos, qui n’en reviennent pas qu’on fasse autant de bruit pour si peu.

C’est sans doute que la majorité francophone aimerait bien que Montréal soit aussi française que…, j’allais dire Paris, mais je ne suis pas sûr que ce soit désormais un très bon exemple. On voudrait, en fait, que le visage de la métropole soit entièrement français. Le bilinguisme, même quand notre langue y est prioritaire, c’est déjà trop pour la plupart. Mais cette nostalgie ne repose sur rien, car la ville n’a jamais été tout à fait française, sinon du temps de Ville-Marie.

Comme l’a souligné Alain Dubuc dans sa chronique de samedi dernier, Montréal est une « ville officiellement française par son statut et par son mode de vie, mais bilingue de facto par sa population et son activité économique ». Non seulement on y trouve une importante communauté anglophone, qui compte des universités, des collèges, des hôpitaux, des postes de télé et de radio, un grand journal et même un théâtre, mais la métropole est notre lien économique, notre avant-poste, avec le reste du monde. C’est également un grand centre pour le jeu vidéo, l’intelligence artificielle, la recherche médicale, le tourisme, l’aviation, toutes activités dont la langue commune est l’anglais. Moi aussi, j’aurais préféré que la « lingua franca » soit restée le français, mais le XIXe siècle est fini depuis bientôt 118 ans.

Le refus du caractère bilingue de Montréal n’est pas que nostalgie, c’est surtout une peur. La peur que nous, petite minorité francophone en Amérique du Nord, disparaissions. Cette crainte obsessive, je peux la comprendre. Mais je ne la partage pas. D’abord parce que le bilinguisme de la métropole n’est pas une menace, mais un élément central de sa vitalité et de son dynamisme. Ensuite, parce que le voisinage de l’anglais et du français n’a pas empêché l’éclosion et le rayonnement d’une culture québécoise francophone et solidement enracinée. Craindre que nous disparaissions, c’est ne pas nous faire confiance.

Bien sûr, tout n’est pas parfait. Il y aura toujours des manifestations d’arrogance comme lors du lancement de la boutique Adidas, mais elles ne sont pas représentatives de la vie montréalaise. Notre statut de minoritaires nord-américains nous obligera toujours à une grande vigilance. Et il faudra continuer à faire respecter la loi 101, notamment à l’école.

Mais nous ne vivons pas en territoire occupé. Le français survivra à Montréal.