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Archives de mars, 2016

Cinéma : bons et mauvais prix

dheepan1En France, le César du meilleur film a été attribué à Fatima. J’ai aimé ce film sur une femme d’origine magrébine qui fait des ménages pour payer les études de ses filles. Mais je n’arrive pas à comprendre qu’on ait pu le préférer à Dheepan (ci-contre). Cette œuvre de Jacques Audiard, un cinéaste que j’aime beaucoup, porte elle aussi sur les problèmes d’intégration d’immigrants. Mais le premier est un petit film sympa, sans grande originalité, qui ressemble à un film tourné pour la télévision. Le second est une œuvre forte, un grand film.

Certains ont accusé l’Académie des arts du cinéma d’avoir fait un choix politique en couronnant Fatima. On peut penser, en effet, que le milieu du cinéma, réputé progressiste, a vu d’un bon œil ce film qui présente une image positive du milieu arabe, à l’heure des attentats terroristes et de la montée du Front national. En revanche, la cause des Sri Lankais, dont il est question dans le film d’Audiard, est presque tombée dans l’oubli. De plus, Dheepan est violent. Il ne flatte pas les bons sentiments, dresse un tableau sombre des quartiers sensibles et met en relief l’échec de l’intégration à la française.

Cela dit, je ne veux pas faire un procès d’intention aux membres de l’Académie. Allez savoir ce qui les a motivés. Peut-être ont-ils été profondément touchés par Fatima. Peut-il ont-ils sincèrement préféré le film de Philippe Faucon. Peut-être ont-ils estimé que celui d’Audiard, Palme d’or au dernier Festival de Cannes, avait-il déjà été suffisamment récompensé. Reste que le second est bien meilleur que le premier.

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Une catastrophe (suite)

Mardi, j’ai publié un carnet où j’exprimais mon pessimisme en matière d’environnement. Je n’avais pas prévu que mon point de vue allait être étayé dès le lendemain par le grand David Suzuki lui-même, qui le jour de ses 80 ans affirmait dans La Presse : « Le mouvement environnemental a échoué.»

Le lendemain, le directeur de la Fondation Suzuki au Québec, Karel Mayrand, écrivait, toujours dans La Presse : «Nous sommes tombés dans le piège de conforter les citoyens dans l’idée que les changements nécessaires pourraient se faire par de petits gestes individuels et par des solutions technologiques plutôt que par des décisions collectives. Nous avons promis le changement dans le confort.» Et il ajoutait : «Cette promesse n’est plus possible.»

Enfin ce matin même, encore dans La Presse, on apprenait que l’étalement urbain se poursuit allégrement au Québec, où «les principaux centres urbains ont vu leur territoire bâti croître de 15% de 2001 à 2011», faisant du coup disparaître les meilleures terres agricoles. La morale de cette histoire : allons vivre de plus en plus loin du lieu où l’on travaille, mais bannissons les sacs en plastique et continuons à nous dire verts.

 

Une catastrophe annoncée

Une montée des océans d’au moins un mètre due au réchauffement climatique est inévitable dans les 100 à 200 ans qui viennent, a prévenu la NASA. Elle pourrait durement toucher de grandes villes situées en bord de mer comme Tokyo et Singapour. Miami, ville chérie des snowbirds québécois, fait aussi partie de la liste des naufragées. «Les glaces du Groenland et d’Antarctique fondent plus vite que jamais, ajoutait la dépêche de l’AFP, mais une certaine incertitude demeure cependant, notamment sur le calendrier exact de la montée des eaux. En effet, les scientifiques ne savent pas à quelle vitesse vont fondre les principales calottes glaciaires des pôles. Des îles vont disparaître, des villes vont être envahies. Mais on ne sait pas quand.»

Pardonnez-moi de vous citer de nouveau Edgar Morin, mais je ne trouve pas de meilleure formule : «Nous n’avons pas encore compris que nous allons vers la catastrophe et nous avançons à toute allure comme des somnambules.» Ce grand sociologue, qui milite pour une vision complexe des choses, est bien conscient que les solutions ne sont pas faciles à trouver et encore moins, à appliquer. Il ne suffit pas d’éliminer les sacs en plastique à l’épicerie ou de recycler les canettes pour stopper le cours des glaciers. Encore moins de pester contre les pipelines quand on a deux autos devant sa porte. Ces petites mesures ou cette indignation facile ne font que nous rassurer, nous évitant de remettre en question notre mode de vie et de production. C’est aussi ce que nous dit l’excellent Pierre-Olivier Pineau, toutes les semaines dans La Presse.

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«Les autres sont des couillons»

Je suis plutôt accro à l’actualité, mais par les temps qui courent, elle est souvent bien déprimante. J’évite souvent, par exemple, de lire sur la situation en Syrie. Depuis cinq ans, rien ne progresse, sinon la destruction de ce pays. Comme le dit ma compagne, si une solution n’est pas trouvée bientôt, il n’y restera plus que des morts et des ruines. Aux États-Unis, Donald «le menteur» Trump continue son avancée vers la Maison-Blanche. Je ne croyais pourtant pas qu’on pourrait trouver pire que George W. Bush. À moins que son rival Ted Cruz ne soit plus dangereux encore. Mon ex-collègue Patrick Lagacé, lui, nous rappelle avec une belle régularité que le monde de l’enseignement a sombré tranquillement dans la médiocrité au Québec. Sur le front de l’environnement, plus de la moitié des Canadiens ne croient pas que l’activité humaine provoque les changements climatiques. Des nouvelles semblables, et la liste est loin d’être exhaustive, me rappellent une interview du grand sociologue Edgar Morin où il disait : «Nous n’avons pas encore compris que nous allons vers la catastrophe et nous avançons à toute allure comme des somnambules.»

Mais n’allez pas vous précipiter du haut d’un pont tout de suite. Selon Umberto Eco, mort récemment, il y aurait du bon à toute cette négativité. Dans une lettre pleine d’humour confiée à L’Espresso, le grand écrivain avait expliqué à un faux disciple, nommé Criton, comment aborder la mort. «La seule façon de s’y préparer, écrit-il, est de se convaincre que tous les autres sont des couillons.» Avouez que les infos nous aident à le faire.

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Un hiver facile, qu’ils disaient

Pendant notre séjour de trois mois au royaume des snowbirds, on n’a cessé de nous dire que l’hiver était facile cette année chez nous. C’était sans doute vrai, mais depuis notre retour rien n’est plus faux. Nous étions à peine sortis de notre Grande bleue qu’une vague de froid, la première de l’année, s’abattait sur le Québec. Passer brusquement de plus 20 à moins 25 degrés Celsius a constitué une initiation assez brutale à l’hiver québécois.

Depuis, nous avons connu d’autres grands froids, mais aussi de la neige, de la pluie, du grésil et du verglas. Bref, depuis notre arrivée, nous avons eu droit à tout ce qu’on déteste l’hiver : le froid, bien sûr, mais aussi les trottoirs givrés, la sloche au coin des rues, l’humidité qui nous transit, les vents polaires qui s’engouffrent entre les gratte-ciel et trouvent des failles dans nos vêtements. À quelques reprises, quelques minutes après avoir mis le nez dehors, on s’est dit que la course que nous avions projetée, après tout, pouvait attendre. Un jour, c’était à cause du froid; le lendemain, de la pluie; le surlendemain, du froid encore. Rien pour nous réconcilier avec l’hiver quoi!

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