Je soufflerai en ce lundi mes 79 bougies. Façon de parler, bien sûr, car il n’y a pas de gâteau assez grand pour en contenir autant. Et il me paraît peu probable que mon souffle parviendrait encore à toutes les éteindre.
Quelques petits malins de mon entourage se sont fait un plaisir de me souligner que j’entreprendrai du coup ma 80e année. La chose est incontestable. Cela dit, pour fêter mon entrée dans le quatrième âge, j’attendrai à l’an prochain, si vous le voulez bien. Non que cette arrivée dans le grand âge me fasse peur ; je serai prêt. Mais laissez-moi encore un an parmi les septuagénaires, le temps de boucler une décennie que j’ai beaucoup aimée. Ce fut même la plus belle de toute ma vie.
Bien sûr, comme je l’ai souligné dans mon bilan de fin d’année, j’ai trouvé l’actualité bien lourde en 2023, avec ses guerres sanglantes et une accélération du dérèglement climatique. À tel point que je me suis parfois senti coupable d’être à ce point heureux. Les nouvelles étaient si mauvaises !
Malheureusement, je ne m’attends pas à ce qu’elles soient bien meilleures en 2024. Ma boule de cristal ne voit pas toujours pas de fin à la guerre en Ukraine et le siège de la bande de Gaza risque d’être encore bien long. En revanche, la boule laisse voir très clairement feux de forêt, canicules, inondations, ouragans, sécheresses, tornades et typhons. Dans ces conditions, l’optimisme m’apparaît comme un déni de la réalité, comme un jovialisme qui nous aveugle. Tout compte fait, je préfère le « gai désespoir » du philosophe André Comte-Sponville, qui nous invite non pas à espérer, mais à agir.
Pour ma part, j’aspire cette année à retrouver plus de légèreté. Grâce à l’humour, bien sûr. Grâce à l’amour, assurément. Grâce à la méditation, évidemment, Grâce à la musique aussi.
J’écoutais récemment l’Adagio du concerto pour clarinette de Mozart. Wolfang, dont c’était le dernier opus, nous amène haut, très haut. J’ai l’impression de me retrouver dans l’œil du puissant télescope James Webb, qui nous a révélé un univers de 13 milliards d’années. Notre Terre paraît soudain si minuscule. Ce n’est qu’une petite planète qui tourne autour d’une étoile comme il en existe entre 200 et 400 milliards, juste dans notre galaxie. Or des galaxies, on en compte au moins 2000 milliards, et ce recensement date de Hubble, avant Webb. Bref, l’univers est tellement grand que j’en ai le tournis. Trop grand en fait pour que je puisse, avec ma petite tête d’homme, en saisir l’immensité.
Le catholicisme de mon enfance nous mettait au centre de l’univers. Les images de Webb rendent cet « astrocentrisme » ridicule. Nous sommes plutôt des poussières d’étoiles, comme le disait si bien le grand Hubert Reeves, mort l’an dernier. Des poussières d’étoiles filantes, auraient ajouté les Cowboys Fringants.
Ces poussières, il me plaît de les imaginer légères, si légères. Et tellement lumineuses !