Monsieur le Premier ministre,
Je vous fais une lettre, que vous lirez peut-être, si vous avez le temps (1). Je viens d’aller au cinéma. Vous me l’auriez déconseillé sans doute tant vous avez hâte qu’on s’encabane pour 28 jours. Mais j’ai voulu profiter des deux journées de grâce que vous nous avez laissées avant que ne débute le deuxième confinement, un mot dont vous avez caché le nom.
Je n’avais pas l’intention de rester chez moi pendant le prochain mois. Mais où voulez-vous que j’aille maintenant ? J’adore le cinéma ; vous venez de fermer les salles. J’aime me rendre dans les musées : fermées aussi. J’avais recommencé à fréquenter les restaurants et les cafés ; je ne pourrai plus le faire. J’étais tout content de retourner entendre des concerts cet automne ; je devrai me contenter de Spotify. Je m’apprêtais à passer un deuxième hiver au Québec en dix ans, auprès de mes proches ; vous m’interdisez de les voir, sinon un à la fois et dans des circonstances extrêmes. Si je vous écoutais, je ne pourrais même plus prendre l’ascenseur avec mes voisins, fussent-ils masqués.
En annonçant ce confinement déguisé, vous avez dit avoir le cœur gros. Moi, je suis plutôt en colère. Contre vous. Sans doute voulez-vous mon bien, comme celui de toute la population. Je m’efforce de ne pas douter de votre bonne foi. Mais les mesures que vous nous imposez se révéleront, dans la majorité des cas, aussi inutiles que néfastes.