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Archives de décembre, 2019

Mes livres de 2019

Les gratitudes ****1/2

L’an dernier, je vous avais parlé des « Loyautés », un roman où Delphine de Vigan s’affirmait de plus en plus comme une des grandes romancières de notre temps. Cette année, la Française nous fait le cadeau d’une œuvre tout aussi forte, « Les gratitudes ». Si le précédent était noir, à la limite du pessimisme et du supportable, malgré une fin ouverte, le second est beaucoup plus lumineux, même s’il y est question de mort.

L’éditeur résume bien l’intrigue : Michka, une vieille dame, est en train de perdre l’usage de la parole. Autour d’elles, deux personnes se retrouvent : Marie, une jeune femme dont elle est très proche, et Jérôme, l’orthophoniste chargé de la suivre. De Vigan en a tiré un récit aussi passionnant que bouleversant ! C’est mon livre de 2019.

 

« La mort d’un père » ***1/2 et « Un homme amoureux » ****

C’est cette année que j’ai découvert Karl Ove Knausgaard. Ce Norvégien est devenu célèbre pour avoir publié une série de six romans autobiographiques, regroupés sous le titre « Mon combat ». À ce jour, cinq ont été traduits en français. Je viens de lire les deux premiers.

Je suis d’abord sorti avec une impression mitigée de « La mort d’un père », consacrée à sa relation difficile avec un papa autoritaire, où des pages souvent remarquables sont alourdies par des descriptions pointilleuses, voire carrément superflues.

Ce que Wikipédia appelle son réalisme rigoureux peut en effet virer à l’obsession du détail. En voici un bon exemple : « Je vidai mon verre et m’en resservis un, puis tirai un papier à cigarette, y déposai une ligne de tabac, l’aérai un peu pour un meilleur tirage, le roulai, l’enfermai dans le papier, léchai la colle, ôtai les bouts de tabac qui dépassaient, les remis dans le paquet, mis la cigarette un peu tordue à ma bouche et l’allumai avec le briquet vert et à moitié transparent d’Yngve. » C’est ce style de narration qui a éloigné plusieurs lecteurs assidus à qui j’en ai parlé. Je peux les comprendre, mais c’est dommage, car Knausgaard vaut beaucoup mieux.

Heureusement dans « Un homme amoureux », le style, tout en restant hyperréaliste, devient plus limpide. Il y a bien çà et là quelques dialogues trop longs ou quelques réflexions socio-philosophiques un peu pesantes. Mais dans l’ensemble, j’ai été passionné par cette période où Karl Ove devient amoureux de Linda et fait avec elle trois enfants. Certes, dira-t-on, il ne se passe pas grand-chose dans leur existence. Mais c’est tout le talent de Knausgaard de savoir rendre savoureuse la description d’une fête d’enfants, d’une promenade en poussette, de la préparation d’un repas ou d’une conversation dans un café.

Cela dit, la comparaison avec Proust, pour l’instant du moins, me paraît exagérée et sans doute lourde à porter.

 

Il pleuvait des oiseaux ****1/2

Ce roman date de quelques années déjà, mais il a été remis dans l’actualité par la sortie du film de Louise Archambault. Bonne raison pour le lire ou le relire, car le livre est encore plus fort. Cette histoire de vieux ermites bien cachés dans la forêt québécoise, près d’un lac, pour vivre ce qu’il reste de leur existence, touche à l’universel. Elle fait du bien parce qu’elle incarne magnifiquement la liberté. « La liberté qu’on peut se donner, celle qu’on prend, le fait qu’on est responsable de notre vie et de notre mort aussi », a dit fort justement l’autrice à Josée Lapointe, dans une belle entrevue accordée à La Presse.

 

La Panthère des neiges ****

Comme la plupart des ouvrages de Sylvain Tesson, « La Panthère des neiges » est inspiré par un voyage. Cette fois, l’écrivain aventurier nous amène au Tibet, où il a suivi son ami Vincent Munier. Ce grand photographe animalier voulait photographier la magnifique panthère qui survit encore, bien que menacée, dans les montagnes de cette contrée.

On y retrouve ce qui fait le charme des récits de voyage de cet écrivain. D’abord, une écriture extraordinaire. Tesson est peut-être le meilleur styliste de la langue française depuis Colette, ce qui contribue à rendre ses observations passionnantes, même quand il ne se passe pas grand-chose. Dans ce dernier livre, par exemple, l’écrivain et ses amis écoulent des heures à attendre un félin, qui ne vient pas, du moins pas souvent. Pendant tout leur séjour au Tibet, ils ne verront la merveille que trois fois.

Le reste du temps, l’écrivain nous parle de la nature et des animaux, qui continuent à le fasciner, ainsi que du genre humain, qui continue à le désespérer. Pour lui, Dieu a joué aux dés avec l’être humain, et il a perdu. Tout le progrès nous a menés aux embouteillages et à l’obésité.

Mais tout cela est dit avec humour et élégance. Avec beaucoup d’autodérision aussi. À la fois écolo et antimoderne, l’auteur se montre désenchanté, mais je trouve quant à moi son pessimisme plus souriant que désespérant.

 

Le triomphe des lumières ****

J’ai consacré cette année une longue recension, très élogieuse, à cet essai de Steven Pinker. Cet ex-Montréalais devenu professeur de psychologie à Harvard y soutient que l’humanité, en dépit de problèmes inévitables et de solutions imparfaites, ne s’est jamais mieux portée. Dans un élan d’enthousiasme devant le brio de la démonstration, j’ai écrit que cet ouvrage colossal allait changer ma vie. Depuis cependant, je suis revenu à une inquiétude qui m’est plus familière.

Non pas que le Pr Pinker soit tout à fait à côté de la plaque. Mais comme tous les optimistes, il a tendance à citer les statistiques qui étayent sa thèse. Il est vrai, par exemple, que l’espérance de vie est passée en un peu plus d’un siècle de 30 ans à 71 ans et que dans les pays développés, elle dépasse les 80 ans. Ce que l’auteur ne dit pas, en revanche, c’est que cette espérance a commencé à plafonner dans plusieurs pays, et même à régresser aux États-Unis. Ou encore, il est indiscutable que le taux d’extrême pauvreté a chuté de 75 % au cours des trente dernières années. Vu sous cet angle, le progrès semble spectaculaire. Sauf que les pauvres extrêmes sont devenus des pauvres. Au lieu de vivre avec moins d’un dollar par jour, ils vivent avec un peu plus d’un dollar pendant que le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, lourd de ses 154 milliards, est plus riche à lui seul que des dizaines de pays.

Ce qui m’a fait le plus tempérer mes espoirs, c’est l’année qui vient de s’écouler. Malgré le phénomène Greta, la lutte contre les changements climatiques piétine, comme vient de le montrer la récente Conférence de Madrid. Pire elle régresse. Les émissions de CO2 continuent d’augmenter et la biodiversité est de plus en plus menacée.

Par ailleurs, les réactionnaires autoritaires et populistes, élus ou non, sont bien en selle et continuent à sévir. Qu’on pense à Xi, à Poutine, à Bolsonaro, à Erdogan, à Orban, à Duterte, et j’en passe. Le dangereux Trump risque d’être réélu en 2020. Netanyahou, accusé de corruption, vient pourtant d’être encore choisi par son parti. Et Salvini, le politique le plus populaire d’Italie, attend son heure pour reprendre le pouvoir.

Dans ces circonstances, et vous m’en voyez désolé, il me paraît bien difficile d’affirmer, comme le fait Pinker, que « le monde a fait des progrès spectaculaires dans chaque domaine mesurable du bien-être humain, sans exception ».

À tout prendre, je préfère encore le pessimisme tonique de Tesson.

 

Partir pour raconter ****

J’ai beau avoir été journaliste pendant 45 ans, je n’ai jamais été grand reporter. D’où mon admiration pour les reporters et photographes de guerre en général et pour Michèle Ouimet en particulier, qui vient de publier « Partir pour raconter », chez Boréal. Pendant 25 ans, mon ex-collègue a souvent laissé sa fille Sophie et son compagnon André à Montréal pour aller témoigner de guerres, de révolutions, de génocides ou de désastres aux quatre coins du globe.

Michèle explique son « besoin irrépressible de partir, d’être à l’autre bout de la planète, loin, très loin… par l’impression enivrante de (se) sentir vivante ». Ce qui ne l’empêche pas d’avoir connu la peur, parfois omniprésente « comme un mal de tête », ce qui la rendait prudente. Encore que la prudence soit un mot très relatif quand on lit le récit passionnant et haletant de ses aventures et mésaventures. Si elle n’avait pas peur de mourir, mon ex-collègue craignait d’être blessée ou d’être kidnappée. Et c’était sans compter, pour cette perfectionniste, « la peur de ne pas être à la hauteur ».

C’est d’ailleurs le stress qui a fini par venir à bout de sa détermination et de son courage. Avec le temps, la griserie, l’effervescence et l’excitation se sont sans doute changées en nervosité, en agitation et en épuisement. Désormais, elle se consacre chaque matin à l’écriture de ses romans. La Presse a certes perdu une grande correspondante, mais nous avons gagné une écrivaine.

 

Manam ***1/2

Cinq ans après « Pas envie d’être arabe », Rima Elkouri, une autre ex-collègue, publie son premier roman « Manam ». Dans ce récit, apparemment inspiré par la vie de la grand-mère de l’autrice, une enseignante profite d’un congé scolaire pour se rendre à la frontière de la Turquie et de la Syrie dans l’espoir de faire resurgir le passé de sa famille. Elle nous amène peu à peu, à travers ses recherches et ses rencontres, à découvrir toute l’horreur du génocide arménien, que la Turquie s’entête à nier, un siècle plus tard.

Toutefois, si ce roman est touchant, nous amenant parfois au bord des larmes, il ne verse jamais dans le mélodrame. Comme dans ses chroniques, où elle trouve toujours le ton juste même quand elle aborde les sujets les plus délicats, Rima arrive à décrire la tragédie du peuple arménien sans pathos, sans atermoiements et sans exagérations.

Il faut dire que, au-delà de l’horreur, « Manam » est surtout une belle histoire de résilience, comme on dit aujourd’hui. Une histoire donc de courage, d’espérance et de survivance. Une histoire de bienveillance plutôt que de la haine, de joie plutôt que de tristesse, de gratitude plutôt que d’amertume.

Mes films de l’année 2019

(1) Parasite ****1/2

Comment définir cet étonnant « Parasite » ? Je l’ai vu comme une comédie noire. Le réalisateur, lui, présente son œuvre comme « une tragicomédie impitoyable et cruelle ». Quelle que soit la définition retenue, disons que le nouvel opus du réalisateur sud-coréen appartient à un genre casse-gueule, particulièrement difficile à maîtriser. Mais quand c’est réussi, et c’est le cas ici, c’est absolument jubilatoire !

On trouve dans ce bijou de film, le meilleur de l’année 2019 à mon sens, des influences multiples, mais bien assumées. On pense, bien entendu, aux frères Cohen, notamment à ce chef-d’œuvre qu’est « Fargo », à Quentin Tarantino pour la violence stylisée, à Woodie Allen pour l’humour philosophique, ou encore au Ettore Scola de « Affreux, sales et méchants » pour l’humour sociologique. Comme on le voit, on est en bonne compagnie.

(2) Dolor y Gloria ****1/2

À Cannes, « Douleur et gloire » s’est fait doubler par « Parasite ». Le dernier-né de Pedro Almodovar risque de se faire jouer le même tour pour l’Oscar du meilleur film étranger. C’est pourtant un grand film, un des meilleurs du réalisateur espagnol. Il est sans doute moins déjanté que des œuvres comme « Parle avec elle » ou « Talons aiguilles », mais plus personnel, toujours juste, généreux et sincère, très touchant et d’une grande tendresse.

Almodovar a choisi de nous raconter une histoire faite de souvenirs de sa propre vie. Antonio Banderas se glisse brillamment dans la peau de ce réalisateur célèbre, malade et vieillissant, qui réfléchit sur l’existence.

Le film est traversé par une Penelope Cruz particulièrement solaire. Elle y joue le rôle de la mère du réalisateur quand il était enfant.

(3) Les éblouis ****1/2

Ce long métrage pourrait avoir pour sous-titre : « Comment une secte qui vous promet le ciel vous mène tout droit en enfer ». L’histoire que nous raconte la comédienne Sarah Suco, dans son premier film comme réalisatrice, est beaucoup inspirée de la sienne. On y suit un couple bien-pensant, ébloui et aveuglé, qui entraîne ses trois enfants dans une petite communauté spirituelle où vivent côte à côte prêtres, religieux et laïques. Le glissement devient vite insidieux, anxiogène et toxique, notamment pour les enfants qui, embrigadés par la force des choses, se retrouvent incapables de mener une vie normale. C’est un récit-choc dont je suis sorti secoué et ébranlé.

Sarah Suco a su tirer de son enfance un scénario bouleversant, oppressant et suffocant. Et elle a su mener ses interprètes à de grandes performances. Camille Cottin, connue pour ses comédies, se dépasse dans ce contre-emploi de mère catho inconsciente. Mais Céleste Brunnquell, en adolescente qui veut sauver ses frères, Éric Caravaca, en père faible et bien intentionné, et Jean-Pierre Darroussin, en chef spirituel autoritaire, sont eux aussi extraordinaires.

(4) Les misérables ****

Vous voulez saisir ce qui se passe dans les quartiers dits sensibles de la banlieue de Paris, où la police craint de se rendre et où sont parqués Maghrébins et Africains, allez voir ce film coup de poing. C’est mieux qu’un traité de sociologie.

Ladj Ly, qui est né dans ces quartiers et qui y vit toujours, a créé une fiction basée sur des choses vécues, notamment sur l’arrivée d’un nouveau flic et sur l’histoire d’un drone qui surveille le travail des policiers.

Pendant la première partie du film, on se balade dans un milieu que l’on découvre. C’est filmé sans clichés sur la banlieue, sans simplification outrancière et sans manichéisme. Comme le dit le réalisateur, ce n’est pas « les gentils jeunes contre les méchants flics ou le contraire ». Ly montre sans juger. Les gens, dit-il encore, sont « tour à tour sympas, dégueulasses, humains ».

Puis brusquement, tout s’accélère, tout devient dur et brutal. La tension, presque insoutenable, monte de plusieurs crans. Du grand cinéma, digne de s’appeler « Les misérables » !

(5) Le meilleur reste à venir ****

J’ai écrit récemment, en commentant « La belle époque », que pour les films qui reposent sur une bonne idée, mais sur une seule, deux heures, c’est trop long. J’ai craint que ce soit également le cas du « Meilleur reste à venir ». Mais cette fois, le scénario tient la distance, sans s’épuiser.

Le point de départ, pourtant, était assez mince : à la suite d’un énorme malentendu, un ami est convaincu que son pote est sur le point de mourir. Mais les réalisateurs et scénaristes Alexandre de La Pattelière et Matthieu Delaporte parviennent à faire de cette comédie de situation un petit chef-d’œuvre d’humour et de tendresse, sur l’âge et la maladie, sur l’amitié et l’amour, où l’on rit beaucoup et où parfois on pleure. J’adore !

La réussite repose sur un scénario bien ficelé et sur des dialogues à la française, percutants comme je les aime, sans le moindre remplissage. Mais elle tient aussi au jeu génial de Fabrice Luchini et de Patrick Bruel, qui nous convainquent en quelques plans de la solidité de leur improbable amitié. Le premier se glisse dans la peau d’un de ces névrosés dont il a le secret ; le second incarne avec brio le raté flamboyant et sympathique.

Une magnifique surprise ! La critique française a un peu boudé son plaisir. Ne boudez surtout pas le vôtre.

(6) Nous finirons ensemble ****

La critique française et la critique québécoise ont également snobé « Nous finirons ensemble », jugé trop petit-bourgeois. En revanche, dans la Belle Province comme dans l’Hexagone, les spectateurs ont été ravis de redécouvrir la bande d’amis neuf ans plus tard. C’est aussi mon cas. D’autant que la suite, chose rare, m’a paru supérieure au premier opus. Un critique a reproché à ce film d’osciller entre le drame et la comédie. C’est justement ce qui m’a plu. Canet a su faire revivre sa bande de potes en dosant finement rires et émotions. Dans « Nous finirons ensemble », il est toujours question d’amitié, de fidélité, de séparations, d’accidents de la vie, mais avec au compteur une dizaine d’années de plus. C’est tantôt drôle, tantôt touchant, mais ça fait toujours du bien !

(7) Tout ce qu’il me reste de la révolution ****

Quelle belle surprise que ce « Tout ce qu’il me reste de la révolution » ! Elle prouve au moins deux choses. Primo, il n’est pas indispensable de disposer de grands moyens pour produire un grand film : un bon scénario et de bons comédiens suffisent. Surtout, un bon scénario. Secundo, on peut aborder les sujets les plus graves avec grâce et légèreté, comme nous le prouve la scénariste Judith Davis, qui est aussi réalisatrice et comédienne principale (quel talent !). La thématique du film est riche. Il y est question, entre autres, des luttes idéalistes des années 60-70, du difficile militantisme d’aujourd’hui, de parentalité, d’amour et d’amitié. Mais un thème ressort encore davantage : le monde du travail, vu comme précaire ou comme aliénant. Mais on ne se prend pas pour autant la tête. On rit beaucoup, surtout au début. Puis à la fin, on est ému aux larmes. « Tout ce qu’il me reste de la révolution » est une comédie politique pleine d’humour et d’amour. Un petit bijou, qui fait lui aussi du bien !

(8) Antigone ****

Pour créer son « Antigone » des temps modernes, Sophie Deraspe s’est inspirée à la fois de la célèbre pièce de Sophocle et de l’affaire Fredy Villanueva, mort en 2008 d’une bavure policière à Montréal-Nord. La réalisatrice s’est donc permis beaucoup de libertés par rapport au mythe originel. Mais elle a conservé l’essentiel : Antigone, la sœur cadette, se dressant devant une justice injuste et plaçant son amour pour la fratrie au-dessus des lois des hommes.

L’opération était risquée, d’autant que le chef-d’œuvre de Sophocle a déjà été repris par des auteurs aussi imposants qu’Anouilh et Brecht. Mais l’audace de Deraspe a été récompensée. Son « Antigone » est à mon avis un des films les plus forts du cinéma québécois.

(9) Il pleuvait des oiseaux ****

Je craignais un peu que le long métrage ne soit pas à la hauteur de l’excellent roman de Jocelyne Saucier, même si Louise Archambault, à qui on doit le touchant « Gabrielle », m’inspirait confiance. Habituellement, je préfère voir le film d’abord. Les adaptations sont souvent décevantes. Mais dès que j’ai su que les principaux personnages allaient être joués par Andrée Lachapelle, Gilbert Sicotte et Remy Gérard, j’ai été rassuré. Non seulement parce que ce sont de formidables acteurs, mais parce que tous les trois avaient le physique de l’emploi.

La réalisatrice s’est montrée fidèle à l’œuvre, même si elle s’est permis quelques libertés. J’ai trouvé son adaptation très touchante. J’en suis heureux, car le roman de Jocelyne Saucier méritait une mise en images aussi respectueuse.

(10) Ma vie avec John F. Donovan ****

« Ma vie avec John F. Donovan » a été si mal accueilli par la critique nord-américaine, lors de sa sortie au Festival de Toronto, que je redoutais un bide complet. En France, il est vrai, le film a été mieux reçu, même si la critique est plutôt divisée. Pour me faire ma propre opinion, je me suis finalement décidé à voir cette œuvre qu’on descend en flammes ou qu’on porte aux nues. Mon avis : de tous les films du jeune Québécois surdoué, c’est mon préféré ! Le scénario est inspiré, raconte-t-on, de la vie de Xavier Dolan lui-même. À huit ans, il a écrit une lettre à son idole Leonardo DiCaprio, qui ne lui a pas répondu. Mais dans « Ma vie avec John F. Donovan », la lettre ne reste pas sans réponse. La vedette de cinéma et son jeune admirateur entreprennent même une correspondance qui s’étend sur plusieurs années et devient la trame du film. Pour peu qu’on aime le style de Dolan, c’est tout à fait réussi. « Ma vie avec John F. Donovan » est de bout en bout un film inspiré, profond et prenant. Excellent metteur en scène, le Québécois a très bien dirigé ses interprètes, dont plusieurs sont des stars du cinéma américain.

 

The Crown : on a volé ma reine !

Ci-dessus, Claire Foy en Élisabeth II. Ci-dessous, sa remplaçante Olivia Colman.

Je n’aurais jamais cru me passionner pour une série qui raconte la vie de la reine Élisabeth II et de son entourage. Pour les Québécois de ma génération, la reine d’Angleterre, c’est le samedi de la matraque et une photo à chapeau, pas très attrayante, sur la monnaie canadienne. Mais le créateur de la série, Peter Morgan, connaît bien son sujet et sait le rendre captivant.

Claire Foy, qui incarne Élisabeth pour les deux premières années, y est pour beaucoup. Par son jeu subtil, l’actrice a su donner profondeur, complexité et même charme au personnage de la reine. Elle parvient à être réservée et effacée, comme le lui commande son rôle de représentante de la monarchie, tout en se montrant par ailleurs curieuse, attentive et attachante.

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Une « Belle Époque » un peu décevante

Daniel Auteuil et Guillaume Canet.

Comme tous les films qui reposent sur une bonne idée, mais sur une seule, deux heures, c’est trop long. Rapidement, l’idée qui paraissait géniale s’épuise, laissant dans son sillage des longueurs, des trous, des chutes de rythme, des temps morts et un peu d’ennui. C’est ce qui arrive avec cette « Belle Époque » où un homme âgé revit, grâce à la magie d’une reconstitution en studio, l’heureux jour où il a rencontré sa femme en 1974.

Doria Tillier : le sourire plus radieux depuis la Julia Roberts de « Pretty Woman ».

C’est loin d’être mauvais. Il y a même çà et là de beaux moments de cinéma, parfois drôles, parfais touchants. Mais ce n’est pas un grand film. Les « réussite totale » et autres « absolument magistral » qu’a lancés une partie de la critique ne me paraissent absolument pas mérités. D’autant que la fin est banale, sage et vertueuse. La morale est sauve. Bref, je suis un peu déçu et vous m’en voyez désolé, car j’attendais davantage de ce deuxième film de Nicolas Bedos.

Cela dit, les comédiens sont excellents. À commencer par Daniel Auteuil, qui trouve ici un rôle à la mesure de son talent. Guillaume Canet, que je n’aime pas toujours comme comédien, est excellent dans ce personnage de producteur qui se prend pour Dieu. Et la sublime Doria Tillier illumine l’écran dès qu’elle apparaît. Le cinéma n’avait pas connu de sourire plus radieux depuis la Julia Roberts de « Pretty Woman ».

Van Gogh, chefs-d’œuvre et selfies

On peut voir « Imagine Van Gogh » au centre Arsenal art contemporain.

J’ai longtemps eu dans ma chambre d’adolescent, au sous-sol de la maison familiale, une reproduction de Van Gogh, celle de la chambre de l’auberge Ravoux. J’adorais la peinture de ce génie fou mais sublime, qui du fond de sa détresse nous faisait découvrir la beauté du monde. Soixante ans plus tard, il reste mon peintre favori. Pourtant, l’exposition immersive « Van Gogh, La nuit étoilée », que j’ai vue cette année à l’Atelier des lumières à Paris, m’avait un peu déçu. Je l’avais trouvée nettement moins inspirée que celle consacrée à Gustav Klimt l’année précédente.

Quand j’ai su que le grand peintre néerlandais passerait l’hiver à Montréal, j’ai craint qu’il s’agisse de la même exposition. Mais ce n’est pas le cas. « Imagine Van Gogh », qu’on peut voir au centre Arsenal art contemporain, est aussi une exposition immersive. Comme à l’Atelier des lumières ou aux Baux-de-Provence, on peut donc se promener entourée d’images géantes tirées de tableaux et projetées sur les murs. Mais j’ai trouvé la réalisation d’Annabelle Mauger et de Julien Baron bien plus réussie.

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