« C’est le cœur qui meurt en dernier » (****)
J’ai trouvé réussi et touchant ce film Alexis Durand-Brault inspiré par un livre de Robert Lalonde. De prime abord, on aurait pu penser que le réalisateur aurait confié le scénario au romancier. Mais il a plutôt délégué cette tâche au comédien principal, Gabriel Sabourin, qui s’en est fort habilement acquitté.
C’est le cœur qui meurt en dernier raconte la relation trouble d’un fils chéri avec sa mère adorée. Au moment où débute le film, il vient de publier un livre qui raconte son enfance. Elle vient d’être hospitalisée, souffrant de la maladie d’Alzheimer. Ils ne se sont pas vus depuis la mort du père, huit ans plus tôt. Manifestement, il y a entre eux tous un lourd secret de famille qu’on découvrira peu à peu. Le scénario nous balade abruptement entre le passé et le présent. Il faut rester bien attentif pour ne pas s’y perdre, d’autant que de nombreux personnages apparaissent. Mais l’histoire s’éclaire peu à peu, sans pour autant révéler tous ses mystères.
On a beaucoup vanté, et avec raison, le jeu de Denise Filiatrault, qui fait à 85 ans un grand retour au cinéma. Mais à mon avis, le rôle le plus difficile est celui tenu par Sabourin, qui joue un personnage blessé, secret et introverti. Son interprétation tout en nuances est remarquable.
Un petit mot aussi pour souligner la qualité de la musique de Cœur de pirate. Bref, un très beau film. Un de mes films québécois préférés depuis un bon moment.
Frantz (****)
Osons, s’est dit Ozon (si vous me permettez ce mauvais jeu de mots) en concevant ce film qui a pour théâtre les lendemains de la Première Guerre mondiale. Il fallait du culot en effet pour convaincre les producteurs d’investir dans un film tourné pour l’essentiel en noir et blanc et dont la moitié des dialogues sont en allemand. Apparemment, ce ne fut pas sans mal. Mais les audacieux ont souvent raison ; son pari est pleinement réussi.
Frantz est un remake de Broken Lullaby, réalisé par Ernst Lubitsch en 1932. Mais Ozon en a tiré une œuvre personnelle en adoptant le point de vue de la jeune veuve plutôt que celui du jeune soldat. La dernière partie est de plus du pur Ozon.
L’histoire, que je ne vous raconterai surtout pas, est forte et les acteurs sont tous remarquables, en particulier Pierre Niney, presque à contre-emploi, qui pour ce film a appris l’allemand, le violon et la valse. À noter aussi la jeune Allemande Paula Beer, que certains voient comme la future Romy Schneider. Je ne sais pas si elle se rendra aussi loin. Mais dans Frantz, elle crève l’écran.
La femme du gardien du zoo (***1/2)
Ce film est lui aussi inspiré par la guerre, mais par la seconde, celle qui a pour toile de fond l’Holocauste. Je rate rarement un film sur ce sujet qui continue à me bouleverser, peut-être parce que je suis né à la toute fin de cette grande guerre. La femme du gardien du zoo se situe dans la lignée de La liste de Schindler. Il ne s’agit pas, bien sûr, d’une œuvre aussi réussie. Mais ce film de Nick Caro n’en est pas moins intense et poignant. Je pense notamment à cette scène où de jeunes enfants, en toute confiance, lèvent les bras pour être hissés dans des trains qui les mèneront dans les camps de la mort.
Le film s’inspire de faits véridiques. Il raconte l’histoire de Jan Zabinski, gardien d’un zoo de Varsovie, et de sa femme Antonina, à qui quelques centaines de juifs emprisonnés dans le ghetto de Varsovie doivent la vie. C’est le ventre noué et la larme à l’œil qu’on suit pendant deux heures le récit de leur héroïsme.
Ma seule réserve : le doublage de Jessica Chastain n’a m’a pas paru très bon. Si votre anglais est solide, vaut mieux voir la version originale.
Cézanne et moi (*)
Difficile d’être plus raté que ce dernier opus de Danièle Thompson censé raconter la relation difficile entre Émile Zola et Paul Cézanne. Je sais bien qu’un réalisateur qui s’inspire de personnages célèbres jouit d’une certaine liberté. Mais pas d’une liberté totale. Thompson aurait dû écrire au générique : « Toute ressemblance avec des personnages ayant réellement existé ne peut être que le fruit du hasard. » Pour peu que l’on connaisse l’écrivain et le peintre, on verra vite que les portraits qu’en trace la réalisatrice sont hautement fantaisistes, voire franchement ridicules. Et le jeu des comédiens, en particulier celui de Guillaume Canet, prisonnier de ce personnage figé, qui ressemble autant à Zola que moi à M. Univers, est à l’avenant. Reste quelques belles images. C’est bien peu !
(*) Pas du tout. (**) Un peu. (***) Bien. (****) Beaucoup. (*****) Passionnément.