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Une année difficile, le dernier rejeton du tandem Éric Toledano et Olivier Nakache, à quoi l’on doit notamment Le sens de la fête et Intouchables, hésite entre la comédie sociale et la comédie romantique.  Au début, c’est la première qui domine. Les scènes décrivant l’invasion d’une boutique, perturbée par des militants écologistes, un Vendredi fou, sont aussi spectaculaires qu’intenses.

À l’avant-plan, la surconsommation et son pendant, le surendettement. C’est là qu’on voit apparaître deux paumés surendettés, Albert et Bruno (brillamment interprétés par Pio Marmaï et Jonathan Cohen), qui vont par opportunisme se greffer aux militants écologistes. Autre personnage digne de mention, leur conseiller financier (formidable Mathieu Amalric). En revanche, les écolos m’ont paru plutôt caricaturaux.

Peu à peu malheureusement, la comédie à l’italienne cède le pas à la comédie sentimentale à l’américaine, et le film s’enlise dans la banalité.

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L’an dernier, j’ai pris le thé dans notre loggia le 20 mars. Cette année, j’ai attendu le 7 mai, un mois et demi plus tard, pour y prendre mon premier café, la faute à un printemps tardif, froid, pluvieux et tristounet. En un mot, moche.

La première sortie sur notre petite terrasse, c’est toujours un beau moment de notre vie à L’Île-des-Sœurs. Certes, toute l’année, nous pouvons voir, grâce aux grandes fenêtres de l’appartement, le magnifique Saint-Laurent et, à nos pieds, le parc de L’Orée-du-Bois. Mais contempler le même paysage à l’extérieur procure des joies différentes, ne serait-ce que parce qu’on y entend les oiseaux. Les vocalises des cardinaux rivalisent avec les trilles des carouges ou avec le chant mélodieux des merles ou des mésanges. Quel beau concert ! Les jours de grand vent, nous nous laissons charmer par le bruit tout doux, un peu feutré, de son passage dans les feuilles.

La vue de l’autre côté de notre immeuble est aussi très belle. À vos pieds, le golf de l’île ; à l’horizon, le centre-ville de Montréal, le mont Royal et le soir, le pont Jacques-Cartier illuminé. C’est très beau, je vous assure. Mais de notre côté, c’est plus nature, plus paisible, plus serein. Après vingt ans passés dans le Vieux-Montréal, à Griffintown et dans le Quartier international, c’est ce dont Lise et moi avions besoin.

Bien sûr, pour se rendre en ville, il nous faut désormais prendre l’autobus, le REM et parfois le métro. Mais c’est un petit prix à payer pour tant de calme et de beauté. Je n’ai pas pris en grippe le centre de la métropole, qui me permet de courir les magasins, d’aller au cinéma, au musée ou au concert, ou encore, de participer à mes groupes. Mais que de bruit, que de chaos ! Jeudi dernier, quand nous sommes allés voir « Le choix d’Irena », nous avons été accueillis par le bruit tonitruant des camions de pompiers à la sortie du REM. Nous avons souri. « Nous sommes bien à Montréal », m’a lancé ma compagne. En sortant de l’Odéon Quartier Latin, ce fut au tour du son alarmant d’une ambulance de nous agresser.

Quand je traverse les rues, dans la grande île, je reste toujours sur le qui-vive. Le feu a beau virer au vert, j’attends d’être sûr que toutes les voitures sont arrêtées pour m’engager. Heureusement, je marche encore assez vite. Mais je plains celles et ceux qui, appuyés sur une canne, peinent à traverser pendant les 16 secondes qui sont dévolues aux piétons. À Montréal, pour se rendre de l’autre côté avant que les autos ne vous foncent dessus en tournant, il faut être un vieux vite en titi, je vous le dis. Si la Ville veut empêcher que s’allonge encore la longue liste des piétons blessés, voire tués, il faudra faire mieux.

Hier, le mercure a atteint 21 degrés. Mais aujourd’hui, retour à la pluie et au froid. Les prévisions de la météo pour les dix prochains jours n’incitent pas à sortir son maillot ou son bikini. Pas une seule journée au-dessus des 20 degrés. Ce n’est pas demain la veille qu’on va se saucer dans la belle piscine du Vistal. Mais au moins, pas trop de pluie. C’est déjà ça.

Et surtout, pas de bombes, pas de blindés. C’est formidable, non, quand on y pense !

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Certains voient The Old Oak comme le film d’un cinéaste de 87 ans dont le meilleur est derrière lui. Ce n’est pas mon cas. Je considère au contraire cet opus, le dernier peut-être d’une œuvre immense, comme un grand film.

Il faut du génie pour parvenir à recréer dans un village du nord-est de l’Angleterre un film si révélateur de notre monde tourmenté. C’est ce qu’ont réussi le réalisateur Ken Loach et son scénariste Paul Laverty. D’un côté, des habitants d’un village jadis prospère, aujourd’hui dévasté par le capitalisme sauvage de Margaret Thatcher et la mondialisation néo-libérale. De l’autre, des familles syriennes chassées de leur pays par la guerre impitoyable de Bachar el-Assad pour se maintenir au pouvoir.

Les deux misères s’arriment mal. C’est d’ailleurs sur de telles frictions, là comme ailleurs, que se développe l’extrême droite. « Il y avait deux communautés vivant l’une à côté de l’autre et souffrant de graves problèmes, a confié Loach. Mais l’une avait subi un traumatisme, pleurait ses morts et s’inquiétait pour ceux restés sur place. Ils étaient étrangers dans un pays qu’ils ne connaissaient pas. »

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La promesse d’Irena n’est pas le meilleur film de Louise Archambault. J’ai nettement préféré Gabrielle, Le temps d’un été et, plus encore, Il pleuvait des oiseaux. Cette fois, il m’a fallu du temps avant d’être touché par l’histoire de cette jeune Polonaise qui, au risque de sa vie, a caché une douzaine de travailleurs juifs chez l’officier allemand qui l’employait.

Mais je ne suis pas étonné outre mesure de cette demi-réussite, ne serait-ce que parce qu’il s’agissait du premier film en anglais de la réalisatrice québécoise. Le sujet était ambitieux, mais le budget n’était peut-être pas conséquent. De plus, Louise Archambault devait composer avec un scénario, celui de Dan Gordon, lisse et convenu. Résultat : la mise en scène est académique et les rôles secondaires manquent pour la plupart de profondeur (certains sont même un brin caricaturaux).

En revanche, Sophie Nélisse est intense et lumineuse dans le rôle principal. Sa performance remarquable finit par insuffler de l’émotion dans cette œuvre trop sage, tout comme la musique inspirée d’Alexandra Stréliski. À noter aussi le superbe générique de la fin, très touchant, qui vaut la peine de s’attarder.

N.B. – J’ai vu le film en version française. Même si le doublage est bon, il aurait sans doute mieux valu opter pour la version originale anglaise ou pour la version anglaise avec sous-titres français.

Le titre vous fait peut-être penser à une nouvelle histoire d’horreur, mais ce n’en est pas une, bien au contraire. Tout a commencé vers 11 h samedi quand j’ai reçu un coup de fil. C’était une inconnue qui m’annonçait que ma compagne venait de faire une vilaine chute en allant courir le long du sentier de la Pointe-Sud. Dans ma tête, j’ai entendu les premières mesures, jouées fortissimo, de la 5e Symphonie de Beethoven.

La dame du téléphone et les siens ont ramené Lise à la maison. Il y a de bien bons samaritains à L’Île-des-Soeurs ! Mon amoureuse était visiblement amochée. Ses vêtements étaient pleins de terre et elle tenait péniblement son bras droit. Il n’était pas nécessaire d’être médecin pour deviner que l’épaule droite était disloquée. Encore moins pour voir que Lise souffrait. Je la connais bien : elle est dure au mal. Mais là, ses limites étaient dépassées. Elle n’en menait pas large. Moi non plus d’ailleurs.

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La bande-annonce de Sur la terre comme au ciel m’avait interpellé. Le film de Nathalie Saint-Pierre ne m’a pas déçu. C’est l’histoire de Clara, une adolescente qui vit avec sa sœur et ses parents à la campagne, au sein d’une secte religieuse. J’allais ajouter « fermée », mais ce serait redondant, car un tel groupe peut-il exister sans intransigeance et sans contrainte ?

Lorsque son aînée disparaît, Clara part en secret pour Montréal dans l’espoir de la retrouver. Il faut la voir arriver dans la grande ville bruyante, munie d’une petite photo de sa sœur Sarah et de l’adresse de sa tante Louise, qui ne l’a jamais vue et qui se montrera fort surprise de la voir subitement débarquer.

Clara aura dix jours pour retrouver Sarah, mais il ne s’agit pas d’une suspense, on s’en doute. Sur la terre comme au ciel est plutôt le récit d’une belle initiation à la liberté et au libre arbitre. On pourrait dire que Clara aura dix jours pour se retrouver, elle.

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Quand Gemini hallucine

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J’aime bien me servir des outils de l’intelligence artificielle que les grands de l’informatique mettent à notre disposition. J’utilise Copilot depuis que Microsoft l’a intégré à ses logiciels, l’année dernière. Et depuis quelque temps, je recours aussi à Gemini, que Google a couplé à son célèbre moteur de recherche. L’un et l’autre sont devenus mes fidèles collaborateurs pour la rédaction de mes carnets.

Dans la majorité des cas, les informations que m’apportent ces deux robots, je pourrais les trouver moi-même. Mais il me faudrait bien plus de temps. Une des belles qualités de l’IA, c’est sa stupéfiante rapidité.

Il faut ajouter que l’IA m’apporte parfois des réponses que je n’aurais pas dénichées autrement. Je me souvenais, par exemple, d’une étude célèbre sur la soumission à l’autorité. L’ennui, c’est que cette recherche datait des années soixante et que j’avais beau avoir écrit un article sur le sujet, j’avais oublié le nom de son auteur, le psychologue Stanley Milgram. Qu’importe ! J’ai fait la demande avec le peu d’informations dont je disposais et, bingo ! Gemini a retrouvé les renseignements que je cherchais.

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Dans mon dernier carnet, je déplorais que la récente étude de l’OQLF indiquant que l’utilisation du français est restée stable dans l’espace public, et ce depuis 15 ans, soit passée pour ainsi dire inaperçue. Mais aujourd’hui, et je m’en réjouis, La Presse y consacre deux textes.

Stéphanie Grammond souligne d’abord que la proportion d’allophones utilisant le français dans l’espace public a augmenté de 3,2 points de pourcentage, entre 2016 et 2022. Chez les anglophones, ajoute l’éditorialiste, la hausse a été de 5,6. On est loin, comme je l’écrivais, du discours pessimiste sur le déclin du français au Québec.

Professeur associé au département de sociologie de l’Université Laval, Jean-Pierre Corbeil souligne pour sa part qu’« au moins 85 % des Québécois utilisent aujourd’hui principalement le français dans les commerces de proximité, les centres commerciaux ou au restaurant ». Autre donnée importante : entre 2010 et 2023, l’usage général (au moins 90 % du temps) du français au travail est demeuré stable,

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L’Orchestre à cordes des jeunes dirigé par Thomasine Leonard.

Samedi, je suis allé entendre l’Orchestre à cordes des jeunes au Conservatoire de musique. J’y étais parce que j’aime la musique, bien sûr, mais aussi parce que je connais la cheffe, Thomasine Leonard, qui sait tirer une belle musicalité de ses jeunes instrumentistes. Mais mon carnet d’aujourd’hui ne porte pas sur la musique.

Ce qui m’a d’abord frappé au dos du programme, c’est la composition de l’orchestre. Peu de Bergeron ou de Lalonde. Mais beaucoup de Peng, de Wang, de Sun, de Nguyen, d’El-Chabab, de Dubovitckii ou de Karlicek. Il n’y a rien là de particulièrement surprenant. Nous sommes à Montréal, ville que les francophones de souche ont largement désertée, préférant l’herbe verte de la banlieue. De plus, la musique nécessite une discipline que l’on cultive sans doute davantage dans les familles immigrantes.

Deuxième constat : ces jeunes musiciens issus de l’immigration étudient la musique en français, langue qu’ils maîtrisent apparemment très bien. Chacune des pièces du concert était présentée par un musicien (deux d’entre eux n’avaient pourtant que huit ans) en français, bien sûr, et qui plus est, dans un excellent français. Je n’ai rien contre le français joualisant qu’on entend beaucoup dans nos séries, nos films ou nos pièces de théâtre, mais il n’est pas souhaitable que ce français « tabarnak » devienne notre langue commune.

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Sébastien Ricard et Lorena Handschin dans « Hôtel Silence ».

On peut d’abord voir Hôtel Silence comme le drame d’un homme désespéré qui envisage de mettre fin à ses jours. Mais très rapidement, la perspective s’élargit. C’est aussi un film sur notre monde incertain et troublé, sur ses guerres. On pense, bien sûr, à Gaza ou à l’Ukraine. Mais aux autres conflits également, car ils finissent tous par se ressembler, dressant les uns contre les autres, suscitant la haine, engendrant peines, douleurs, peurs, souffrances, destructions et traumatismes.

La réalisatrice Léa Pool est parvenue très habilement à recréer cette atmosphère de guerre à partir d’un hôtel qui reprend vie peu à peu et de quelques rues amochées. C’est dans ce climat trouble, au contact de survivants d’un conflit à peine terminé, que le personnage principal d’Hôtel Silence parviendra à donner un sens à son existence. C’est une belle histoire de résilience, touchante, émouvante, pleine d’espoir et d’humanité.

Sébastien Ricard brille dans son rôle de dépressif. La jeune actrice suisse Lorena Handschin, qui lui donne la réplique, se révèle quant à elle une fort belle découverte.

Un mot en terminant sur la musique, qui, comme dans toutes les œuvres de Léa Pool, occupe une grande place. La bande sonore de Mario Batkovic est très réussie, à la fois envoûtante, profonde et bouleversante.

Hôtel Silence ****