Mon premier café sur la terrasse
L’an dernier, j’ai pris le thé dans notre loggia le 20 mars. Cette année, j’ai attendu le 7 mai, un mois et demi plus tard, pour y prendre mon premier café, la faute à un printemps tardif, froid, pluvieux et tristounet. En un mot, moche.
La première sortie sur notre petite terrasse, c’est toujours un beau moment de notre vie à L’Île-des-Sœurs. Certes, toute l’année, nous pouvons voir, grâce aux grandes fenêtres de l’appartement, le magnifique Saint-Laurent et, à nos pieds, le parc de L’Orée-du-Bois. Mais contempler le même paysage à l’extérieur procure des joies différentes, ne serait-ce que parce qu’on y entend les oiseaux. Les vocalises des cardinaux rivalisent avec les trilles des carouges ou avec le chant mélodieux des merles ou des mésanges. Quel beau concert ! Les jours de grand vent, nous nous laissons charmer par le bruit tout doux, un peu feutré, de son passage dans les feuilles.
La vue de l’autre côté de notre immeuble est aussi très belle. À vos pieds, le golf de l’île ; à l’horizon, le centre-ville de Montréal, le mont Royal et le soir, le pont Jacques-Cartier illuminé. C’est très beau, je vous assure. Mais de notre côté, c’est plus nature, plus paisible, plus serein. Après vingt ans passés dans le Vieux-Montréal, à Griffintown et dans le Quartier international, c’est ce dont Lise et moi avions besoin.
Bien sûr, pour se rendre en ville, il nous faut désormais prendre l’autobus, le REM et parfois le métro. Mais c’est un petit prix à payer pour tant de calme et de beauté. Je n’ai pas pris en grippe le centre de la métropole, qui me permet de courir les magasins, d’aller au cinéma, au musée ou au concert, ou encore, de participer à mes groupes. Mais que de bruit, que de chaos ! Jeudi dernier, quand nous sommes allés voir « Le choix d’Irena », nous avons été accueillis par le bruit tonitruant des camions de pompiers à la sortie du REM. Nous avons souri. « Nous sommes bien à Montréal », m’a lancé ma compagne. En sortant de l’Odéon Quartier Latin, ce fut au tour du son alarmant d’une ambulance de nous agresser.
Quand je traverse les rues, dans la grande île, je reste toujours sur le qui-vive. Le feu a beau virer au vert, j’attends d’être sûr que toutes les voitures sont arrêtées pour m’engager. Heureusement, je marche encore assez vite. Mais je plains celles et ceux qui, appuyés sur une canne, peinent à traverser pendant les 16 secondes qui sont dévolues aux piétons. À Montréal, pour se rendre de l’autre côté avant que les autos ne vous foncent dessus en tournant, il faut être un vieux vite en titi, je vous le dis. Si la Ville veut empêcher que s’allonge encore la longue liste des piétons blessés, voire tués, il faudra faire mieux.
Hier, le mercure a atteint 21 degrés. Mais aujourd’hui, retour à la pluie et au froid. Les prévisions de la météo pour les dix prochains jours n’incitent pas à sortir son maillot ou son bikini. Pas une seule journée au-dessus des 20 degrés. Ce n’est pas demain la veille qu’on va se saucer dans la belle piscine du Vistal. Mais au moins, pas trop de pluie. C’est déjà ça.
Et surtout, pas de bombes, pas de blindés. C’est formidable, non, quand on y pense !