Le dictionnaire Oxford a fait de post-truth son mot de l’année après l’élection de Donald Trump, dont la campagne a été marquée par de nombreux mensonges et par d’abondantes fausses nouvelles, relayées notamment par les médias sociaux.
En français, on traduit parfois littéralement post-truth par post-vérité. De quoi s’agit-il? Oxford définit la post-vérité comme une époque où l’opinion publique est plus influencée par l’émotion que par la réalité et où les croyances l’emportent sur les faits. Selon Marc Thibodeau, dans La Presse, «le terme aurait d’abord été utilisé dans ce sens par un écrivain serbo-américain dans un essai paru en 1992 dans la revue The Nation et portant sur la première guerre du Golfe».
Je me suis demandé si nous avions besoin d’un terme nouveau, car le français, comme l’anglais du reste, est déjà riche pour désigner le mensonge. Dans notre langue, par exemple, on peut parler de demi-vérité, de fausseté, de fausse nouvelle, d’information erronée ou de tromperie. Mais selon Vinay Menon, de Star Touch, la post-vérité diffère de la traditionnelle falsification de la vérité en ce sens qu’elle rend secondaire la véracité. Autrement dit, la perception devient plus importante que la réalité. C’était déjà un grand classique de la politique, mais il a atteint des sommets sous Trump.
Quand les préjugés sont profondément enracinés, comme l’a montré Yves Boisvert dans sa brillante tournée des États trumpistes, parue dans La Presse, la vérité et les faits n’ont plus d’importance. C’est aussi ce qu’a soutenu le président Barack Obama en expliquant que Trump comprenait très bien «le nouvel écosystème médiatique». Les gens peuvent croire dur comme fer, comme l’a noté Alexandre Sirois, dans un éditorial très juste, que le pape François a appelé les fidèles à voter pour le milliardaire ou que des courriels obtenus par le site WikiLeaks prouvent hors de tout doute qu’Hillary Clinton a vendu des armes au groupe État islamique. Pourquoi s’embarrasser de la vérité, surtout si elle dessert la cause pour laquelle on milite?
Reste que, même à l’ère de la post-vérité, ceux qui diffusent ces informations erronées sont des menteurs et que ceux qui les croient sont au mieux des naïfs, au pire des ignares.
Cela dit, que l’on parle de post-truth ou de post-vérité ne me paraît pas génial. Le terme désinformation, qui désigne l’«utilisation des techniques de l’information pour induire en erreur, cacher ou travestir les faits» pourrait remplacer avantageusement post-vérité. On pourrait aussi parler de l’ère de l’illusion, de l’irréalité, du mensonge ou même de l’ère de la téléréalité ; voire carrément, si l’on tient à créer un néologisme, de l’ère de la trumperie.
Le dictionnaire Oxford a également entériné le terme alt-right, qui désigne un groupe idéologique «associé à un point de vue extrêmement conservateur ou réactionnaire». Je ne vois pas l’intérêt de traduire ce terme par droite alternative, car le français dispose déjà de l’expression extrême droite, qui dit bien ce qu’elle veut dire. Droite alternative m’apparaît comme une sorte d’euphémisme, aussi insignifiant qu’inutile. Il est vrai, comme le note Marc Thibodeau, que cette droite «rejette les partis politiques traditionnels et utilise les médias en ligne pour diffuser ses positions controversées». Mais c’est aussi ce que fait l’extrême droite, il me semble.
En revanche, j’aime bien brexiteer (en français brexiteur), qui découle de Brexit, terme né de la contraction de Britain et de exit. Il s’agit d’un synonyme britannique du mot isolationniste, qui décrit les tenants d’une politique d’isolement. Ils sont, comme on le voit un peu partout, de plus en plus nombreux. Hélas!