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Archives de juin, 2020

Rues piétonnes (bis)

Une des choses qui me fait beaucoup sourire en ce moment, ce sont ces témoignages de banlieusards qui, découvrant les expériences de piétonnisation de Montréal, jurent qu’ils n’y mettront plus les pieds, alors qu’ils fuient la métropole depuis des années déjà. À ceux-là, j’aimerais dire, sans agressivité : laissez-nous réorganiser notre ville comme on l’entend.

La pandémie, qui a touché les grandes cités plus durement, les force à apporter des correctifs. Pendant tout le XXe siècle, elles ont commis l’erreur d’accorder aux chevaux-vapeur une trop grande place. C’en était fini du crottin, mais le début d’une pollution, qui au fil des ans est devenue énorme, gigantesque. Le confinement provoqué par le Covid-19 l’a montré à l’évidence. À New Delhi, par exemple, les gaz à effet de serre ont chuté de 70 % et les enfants ont pu voir, pour la première fois de leur vie, les montagnes à l’horizon. La circulation automobile entraîne aussi bruits, bouchons et engorgements, et c’est sans compter les dangers pour les piétons et les cyclistes.

C’est pourquoi les métropoles du XXIe siècle ne peuvent plus aller dans cette direction. C’est un cul-de-sac. Comme l’a écrit Justin Gillis, dans le New York Times, les cités doivent désormais être pensées en fonction du bien-être et de la santé de leurs populations, et non pour les véhicules.

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J’ai enfin retrouvé ma coiffeuse

Je suis enfin retourné chez la coiffeuse cette semaine. Cela faisait cinq mois déjà. Elle était en vacances quand je suis parti pour l’Espagne où, un mois plus tard, le confinement a été décrété pour cause de Covid-19. Puis le Québec était déjà confiné quand je suis revenu. Mes cheveux étaient condamnés à pousser. Pendant cinq longs mois !

J’avais depuis un bon moment dépassé le stade d’un Félix Leclerc vieillissant. Ma compagne disait que je ressemblais à Einstein, ce qui eut été plus flatteur si elle avait désigné ce que ce génie avait dans la tête et non sur la tête. Pour ma part, je redoutais de plus en plus le look rebelle attardé du bon Dr Raoul. Et franchement, je ne me voyais pas buvant du Lestoil le matin en avalant ma chloroquine.

J’ai beau ne pas sortir souvent par les temps qui courent, j’avais bien hâte de me sentir un peu plus présentable, ne serait-ce qu’à mon miroir.

Comme ma coiffeuse ne faisait pas partie des employés des gouvernements payés à ne rien faire, elle était ravie de reprendre le travail. Il en allait de même pour le propriétaire du salon, qui m’a dit, avec son bel accent italien : « Ça été un peu long. » Cathy trouvait aussi que trois mois de fermeture, c’était « un peu » excessif. Vous aurez compris que les « un peu » étaient un peu ironiques.

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Rues piétonnières

La rue de la Commune est enfin fermée à la circulation dans le Vieux-Montréal, mais sur un petit bout seulement.

On a présenté comme révolutionnaires les quelque 300 kilomètres de rues et d’artères commerciales réaménagés pour faire plus de place aux piétons et aux cyclistes en cet été de coronavirus à Montréal. C’est sans doute audacieux dans une ville qui a eu besoin d’une vingtaine d’années de discussions et de consultations avant de fermer un petit bout de la rue Saint-Paul, et même pas en permanence.

Je suis quant à moi plutôt frappé par la timidité du projet, du moins dans le Vieux-Montréal. La rue de la Commune est maintenant fermée la circulation, il est vrai, mais seulement de Bonsecours à Saint-Laurent ; bref, trois fois rien. Ailleurs dans le quartier, les voitures continuent à faire un tapage d’enfer dans des rues qu’on a pavées à grands frais, qui se détériorent à la vitesse grand V et où les piétons restent cantonnés à des trottoirs si petits qu’il est difficile de s’y croiser.

Même si la circulation n’y est pas fluide, la métropole demeure une ville aménagée pour les véhicules.

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Nos vies en photos

Ma compagne et moi avons profité du confinement pour numériser nos vieilles photos. Entendez par là nos clichés antérieurs à 2006, année de notre premier appareil numérique. Nous en avions presque 2000 à faire, une grosse tâche. C’est pourquoi nous nous sommes mis à deux. Lise numérisait les photos et rédigeait les légendes. Je récupérais le tout dans Google Photos, où je recadrais et retouchais les images au besoin avant de les classer. Nos vies entières tiennent maintenant dans une soixante d’albums, dont plus de la moitié relatent nos nombreux voyages.

Ce qui montait à la fin de ce travail de moine, outre la satisfaction d’être passé à travers, ce n’était pas la nostalgie. Non, plutôt un grand sentiment de gratitude, le sentiment d’avoir beaucoup vécu et d’en être rempli. Car, comme le dit bien le philosophe Épicure, il ne faut pas pleurer pour ce qui n’est plus, mais se réjouir de ce qui a été.

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Séries policières

Une scène de SUBURRA.

Est-ce à cause du confinement ? Toujours est-il que nous regardons beaucoup de séries policières en ce moment. Il faut croire que, en ces temps de pandémie, nous n’avons pas trop envie de nous prendre la tête. Après « Ozark » et « Il Processo », dont j’ai déjà parlé, nous nous sommes lancés dans « Secret City » et « Suburra ».

La première est australienne. Elle s’étend sur deux saisons de six épisodes chacune et met en vedette une journaliste politique, qui enquête, non sans mal, sur un monde politique dévoyé et sans morale. C’est assez manichéen, il faut le dire, mais on se laisse facilement porter par ces intrigues complexes, pleines de rebondissements. La série est si agréable qu’on a avalé les deux saisons en moins d’une semaine, sans indigestion.

« Suburra » nous amène aussi dans le monde politique, mais pas seulement. Nous sommes ici à Rome, où la mafia, qui est au centre du récit, tisse ses liens avec les politiciens, bien sûr, mais aussi jusqu’au Vatican. Nous sommes au royaume de la corruption.

Je craignais que cette série italienne ne soit trop brutale, et il est vrai qu’elle n’est pas destinée aux enfants de chœur. Mais je n’ai pas vu de complaisance dans la violence, même si les meurtres et les passages à tabac sont nombreux et souvent crus. C’est la loi du milieu.

Le scénario met plutôt l’accent sur les rivalités et les complicités mouvantes, qui opposent ou unissent les personnages principaux de cette œuvre chorale. Chaque soir, on avait hâte de retrouver mafieux et corrompus. C’était passionnant !

Du moins la première saison. Dans la deuxième, qui se termine en queue de poisson, les scénaristes n’ont pu résister au piège de la surenchère dans la méchanceté, la violence, l’amoralité et le cynisme. Ça reste excitant, mais le récit perd en vraisemblance.

Espérons que la troisième ressemblera plus à la première qu’à la deuxième.

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Les écouteurs de retour

Comme je pars marcher tous les matins depuis que je suis sorti de la quarantaine, il y a deux mois, j’ai repris les écouteurs. Depuis quelque temps, mon esprit se mettait à tourner comme le hamster dans sa roue. Je n’arrivais plus à le stopper. Pendant quelques jours, j’ai écouté en boucle Joan Baez. J’avais délaissé « la reine du folk » depuis des décennies. Mais après lu que plusieurs fans de Pomme trouvaient des similitudes entre la voix de la jeune Française et celle de la célèbre Américaine, j’ai eu envie d’entendre si la comparaison tenait la route. Et c’est bien le cas. Il n’y a pas des tonnes de chanteuses populaires capables de se hisser allégrement dans les aigus avant de redescendre, comme si de rien n’était, dans ces graves si difficiles à maîtriser. Ces deux sopranos à la voix céleste savent magnifiquement le faire.

La comparaison est frappante quand on compare les deux voix au même âge, c’est-à-dire au début de la vingtaine. Écoutez, par exemple, « Donna, Donna ». C’est une jolie chanson de Baez que Pomme pourrait intégrer à son répertoire.

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Une découverte : Graeme Allwright

Il y a des destinées atypiques. Ce sont souvent celles qui me plaisent le plus. Prenez Graeme Allwright. Je l’ai découvert grâce à Spotify, qui lui a trouvé des ressemblances avec Joan Baez. Il arrive que l’intelligence, même artificielle, ne soit pas stupide.

Ce Néo-Zélandais immigre d’abord à Londres pour y étudier le théâtre, en s’engageant comme mousse sur un bateau. C’est là qu’il rencontre Catherine Dasté, qu’il suit en France et qu’il épouse. Après avoir exercé de très nombreux métiers, il finit par se lancer dans la chanson. Il a 39 ans quand sort son premier disque, grâce à Mouloudji. C’est le début d’une carrière longue mais discrète, Allwright fuyant la célébrité. Dans son répertoire, les titres personnels alternent avec des traductions, notamment de Cohen et de Dylan.

Allwright chantait, disait-il, pour rendre les gens heureux. C’est ce que j’éprouve en l’écoutant : un grand bonheur.

La leçon des morts

Au moment où l’actualité n’est plus monopolisée par la seule pandémie, voilà que la place libérée est occupée par l’assassinat du Noir américain George Floyd, pour cause de racisme, par des policiers, blancs. On est encore dans la fatalité. Et dans ce cas-ci, dans une mort aussi triste que révoltante. D’autant que le führer Trump, plus furieux que jamais, ne cesse d’attiser les tensions raciales qui font flamber son pays.

Et pourtant en marchant récemment, je me suis senti particulièrement heureux. J’ai pensé à cette citation de Sylvain Tesson dans « Une très légère oscillation » : « La seule leçon que nous donnent les morts, c’est de nous hâter de vivre. De vivre plus, de vivre avidement. De s’échiner à un surplus de vie. De tout rafler. De bénir tout instant. Et d’offrir ce surcroît de vie à eux, les disparus, qui flottent dans le néant alors que la lumière du soir transperce les feuillages. »

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Magasiner avec son char

De grosses voitures, conçues pour le désert ou la montagne, circulent dans les rues de Montréal.

Devant la grogne des commerçants de la Petite Italie, la Ville a reculé. Ce secteur ne sera donc pas inclus dans les quelque 300 kilomètres de rues et d’artères commerciales réaménagés pour faire plus de place aux piétons et aux cyclistes en cet été de coronavirus. Apparemment, c’est la présence de la Fruiterie Milano, devenue un supermarché au gré des agrandissements, qui a fait reculer les élus.

Dans La Presse, Yves Boisvert a défendu cette décision avec le brio qu’on lui connaît. Selon le chroniqueur, le boulevard Saint-Laurent ne fait pas partie des rues que l’on devrait piétonniser, même temporairement. Peut-être a-t-il raison ?

Cependant, je suis moins impressionné que mon ex-collègue par tous ces commerçants qui crient au loup dès qu’on fait disparaître une place de stationnement devant leur porte. Ils vivent, il me semble, dans le passé, encore convaincus en 2020 que l’automobile est nécessaire pour faire ses courses. C’est sans doute vrai, malheureusement, pour les grands centres commerciaux, où les immenses parkings occupent plus d’espace que les boutiques. Mais dans les artères commerciales d’une grande ville comme Montréal, le mélange magasinage et char est toxique.

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