La rue de la Commune est enfin fermée à la circulation dans le Vieux-Montréal, mais sur un petit bout seulement.
On a présenté comme révolutionnaires les quelque 300 kilomètres de rues et d’artères commerciales réaménagés pour faire plus de place aux piétons et aux cyclistes en cet été de coronavirus à Montréal. C’est sans doute audacieux dans une ville qui a eu besoin d’une vingtaine d’années de discussions et de consultations avant de fermer un petit bout de la rue Saint-Paul, et même pas en permanence.
Je suis quant à moi plutôt frappé par la timidité du projet, du moins dans le Vieux-Montréal. La rue de la Commune est maintenant fermée la circulation, il est vrai, mais seulement de Bonsecours à Saint-Laurent ; bref, trois fois rien. Ailleurs dans le quartier, les voitures continuent à faire un tapage d’enfer dans des rues qu’on a pavées à grands frais, qui se détériorent à la vitesse grand V et où les piétons restent cantonnés à des trottoirs si petits qu’il est difficile de s’y croiser.
Même si la circulation n’y est pas fluide, la métropole demeure une ville aménagée pour les véhicules.
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Nos vies en photos
Ma compagne et moi avons profité du confinement pour numériser nos vieilles photos. Entendez par là nos clichés antérieurs à 2006, année de notre premier appareil numérique. Nous en avions presque 2000 à faire, une grosse tâche. C’est pourquoi nous nous sommes mis à deux. Lise numérisait les photos et rédigeait les légendes. Je récupérais le tout dans Google Photos, où je recadrais et retouchais les images au besoin avant de les classer. Nos vies entières tiennent maintenant dans une soixante d’albums, dont plus de la moitié relatent nos nombreux voyages.
Ce qui montait à la fin de ce travail de moine, outre la satisfaction d’être passé à travers, ce n’était pas la nostalgie. Non, plutôt un grand sentiment de gratitude, le sentiment d’avoir beaucoup vécu et d’en être rempli. Car, comme le dit bien le philosophe Épicure, il ne faut pas pleurer pour ce qui n’est plus, mais se réjouir de ce qui a été.
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Séries policières
Une scène de SUBURRA.
Est-ce à cause du confinement ? Toujours est-il que nous regardons beaucoup de séries policières en ce moment. Il faut croire que, en ces temps de pandémie, nous n’avons pas trop envie de nous prendre la tête. Après « Ozark » et « Il Processo », dont j’ai déjà parlé, nous nous sommes lancés dans « Secret City » et « Suburra ».
La première est australienne. Elle s’étend sur deux saisons de six épisodes chacune et met en vedette une journaliste politique, qui enquête, non sans mal, sur un monde politique dévoyé et sans morale. C’est assez manichéen, il faut le dire, mais on se laisse facilement porter par ces intrigues complexes, pleines de rebondissements. La série est si agréable qu’on a avalé les deux saisons en moins d’une semaine, sans indigestion.
« Suburra » nous amène aussi dans le monde politique, mais pas seulement. Nous sommes ici à Rome, où la mafia, qui est au centre du récit, tisse ses liens avec les politiciens, bien sûr, mais aussi jusqu’au Vatican. Nous sommes au royaume de la corruption.
Je craignais que cette série italienne ne soit trop brutale, et il est vrai qu’elle n’est pas destinée aux enfants de chœur. Mais je n’ai pas vu de complaisance dans la violence, même si les meurtres et les passages à tabac sont nombreux et souvent crus. C’est la loi du milieu.
Le scénario met plutôt l’accent sur les rivalités et les complicités mouvantes, qui opposent ou unissent les personnages principaux de cette œuvre chorale. Chaque soir, on avait hâte de retrouver mafieux et corrompus. C’était passionnant !
Du moins la première saison. Dans la deuxième, qui se termine en queue de poisson, les scénaristes n’ont pu résister au piège de la surenchère dans la méchanceté, la violence, l’amoralité et le cynisme. Ça reste excitant, mais le récit perd en vraisemblance.
Espérons que la troisième ressemblera plus à la première qu’à la deuxième.
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Les écouteurs de retour
Comme je pars marcher tous les matins depuis que je suis sorti de la quarantaine, il y a deux mois, j’ai repris les écouteurs. Depuis quelque temps, mon esprit se mettait à tourner comme le hamster dans sa roue. Je n’arrivais plus à le stopper. Pendant quelques jours, j’ai écouté en boucle Joan Baez. J’avais délaissé « la reine du folk » depuis des décennies. Mais après lu que plusieurs fans de Pomme trouvaient des similitudes entre la voix de la jeune Française et celle de la célèbre Américaine, j’ai eu envie d’entendre si la comparaison tenait la route. Et c’est bien le cas. Il n’y a pas des tonnes de chanteuses populaires capables de se hisser allégrement dans les aigus avant de redescendre, comme si de rien n’était, dans ces graves si difficiles à maîtriser. Ces deux sopranos à la voix céleste savent magnifiquement le faire.
La comparaison est frappante quand on compare les deux voix au même âge, c’est-à-dire au début de la vingtaine. Écoutez, par exemple, « Donna, Donna ». C’est une jolie chanson de Baez que Pomme pourrait intégrer à son répertoire.
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Une découverte : Graeme Allwright
Il y a des destinées atypiques. Ce sont souvent celles qui me plaisent le plus. Prenez Graeme Allwright. Je l’ai découvert grâce à Spotify, qui lui a trouvé des ressemblances avec Joan Baez. Il arrive que l’intelligence, même artificielle, ne soit pas stupide.
Ce Néo-Zélandais immigre d’abord à Londres pour y étudier le théâtre, en s’engageant comme mousse sur un bateau. C’est là qu’il rencontre Catherine Dasté, qu’il suit en France et qu’il épouse. Après avoir exercé de très nombreux métiers, il finit par se lancer dans la chanson. Il a 39 ans quand sort son premier disque, grâce à Mouloudji. C’est le début d’une carrière longue mais discrète, Allwright fuyant la célébrité. Dans son répertoire, les titres personnels alternent avec des traductions, notamment de Cohen et de Dylan.
Allwright chantait, disait-il, pour rendre les gens heureux. C’est ce que j’éprouve en l’écoutant : un grand bonheur.