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Archives de novembre, 2022

Ils n’en mouraient pas tous…

covid-19

Image par Tom de Pixabay

« Ils n’en mouraient pas tous, mais tous étaient frappés », dit la fable de La Fontaine. C’est à ce célèbre vers des Animaux malades de la peste que j’ai pensé quand la Covid nous a fauchés, ma femme et moi, il y a quelques jours. Juste auparavant, le virus avait touché ma sœur et son mari, mon frère et sa femme, la moitié de mes amis du groupe d’italien, et j’en passe. On aime croire que ce virus est éradiqué, mais ce n’est pas le cas, malgré les vaccins.

Ce qui me déçoit justement, c’est d’être atteint après quatre doses. Je savais la chose possible. Tous les gens dont je viens de parler étaient eux-mêmes des multivaccinés, pas des covidiots. Sans verser dans le complotisme, il me semble qu’ils ne sont peut-être pas si fameux, ces vaccins sur lesquels on comptait tant pour reprendre une vie normale.

On tente de nous consoler en disant que les symptômes cognent moins fort. Faudrait s’entendre sur ce que cela veut dire. « Moins fort » que la peste ou le choléra, le coronavirus des vaccinés ? Assurément ! Mais pas mal plus fort que le rhume ! Fièvre, toux, courbatures, fatigue, perte de goût, et j’en oublie, tout y est. Certes, ma compagne ne tousse pas des nuits entières et elle ne devrait pas cracher ses poumons encore dans un mois. Du moins, je l’espère, pour elle… et pour moi. Mais tout de même !

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Aurions-nous dû partir ?

avion

Mercredi dernier, premier jour de neige, je me suis demandé en voyant les outardes dans l’eau froide du Saint-Laurent, si elles ne s’étaient pas dit, ce matin-là : « Merde, nous aurions dû partir ! » En tant ex-snowbird, je me suis aussi demandé, un instant, si la saison des frimas n’aurait pas été plus agréable sous des latitudes plus douces. Et puis non ! Je crois que ce premier hiver à L’Île-des-Sœurs se passera bien.

Ne serait-ce que parce qu’il n’est pas nécessaire de patauger dans la gadoue et d’éviter les éclabousses d’automobiles pour gagner un sentier de randonnée, le nôtre passant juste derrière l’immeuble. La piste blanchie par la neige était à la fois ravissante et invitante. Ce jour-là, il fallait juste se méfier des plaques de glace qui s’étaient formées çà et là, particulièrement sur les segments en bois. J’ai failli tomber une fois, en descendant une petite pente, mais j’ai évité la chute grâce à mes bâtons et avec un peu de chance. Je serai plus prudent à l’avenir. La marche le long du fleuve, puis dans le boisé du domaine Saint-Paul était très agréable. Peu d’oiseaux à cette période-ci de l’année, mais quelle splendeur, quelle blancheur, quelle sérénité ! Et le lait (d’avoine) au chocolat au retour, quel délice !

Les grandes questions

Dans notre entrée d’appartement, il y a deux luminaires. Le premier était brûlé, le second éclairait trop faiblement. Il fallait les changer. Lise, juchée sur un petit escabeau, se demandait comment les décrocher. Et de fait, la manœuvre était tout sauf simple. « Comment fait-on ? » m’a-t-elle demandé. « Il est un peu trop tôt pour me poser de grandes questions existentielles », lui ai-je répondu.

Ce n’en était pas une, évidemment. Mais j’aime mieux quand ma compagne me sonde sur les grandes questions de l’existence que sur l’électricité ou la plomberie. Quel est le sens de la vie ? Y a-t-il une vie après la mort ? Se réincarne-t-on ? Je ne dis pas que mes réponses sont les bonnes, ni même que j’en ai. Mais il me paraît plus simple de répondre à « d’où vient-on » et à « où va-t-on » qu’à « quel genre de vis il faut utiliser pour fixer mon babillard » ou à « comment réparer la tablette du placard ».

Heureusement, Lise possède un meilleur sens pratique que le mien. Aussi est-elle parvenue à changer les ampoules. L’immensité du cosmos reste par endroit nébuleuse. Il y a toujours ces immenses trous noirs. Mais notre entrée est maintenant bien éclairée.

chien« Chien blanc »

Nous sommes allés voir « Chien blanc », le nouveau film d’Anaïs Barbeau-Lavalette. Ouf ! Après les dernières images, nous avons laissé défiler tout le long générique. Même après, nous ne nous sommes pas tout de suite relevés, encore sonnés par ce que nous venions de voir. Le scénario est une adaptation du roman éponyme de Romain Gary, un livre fort mais méconnu.

En 1968, le double lauréat du Goncourt vivait à Los Angeles en compagnie de sa femme, l’actrice Jean Seberg. L’écrivain recueille un chien, qui se révèle adorable avec tout le monde. Sauf avec les personnes noires. C’est que Batka est un de ces « toutous spécialement dressés pour aider la police contre les Noirs ». Un « chien blanc » ! Cette découverte plonge Gary dans un profond désarroi. Tout le monde, y compris Seberg, le pousse à faire tuer son clébard. Mais il refuse, s’obstinant, par idéalisme, à le faire rééduquer. Tout cela se déroule sur fond de luttes pour les droits civiques, après l’assassinat de Martin Luther King.

Barbeau-Lavalette a tiré de ce récit autobiographique un film déchirant, troublant et bouleversant sur le racisme.

« Du coup »

Récemment, le cinéaste Cédric Klapisch a accordé une entrevue à Radio-Canada, au cours de laquelle il a utilisé l’expression du coup 15 fois en 23 minutes, note un ami Facebook, Alain Castonguay.  « Du coup, cela m’a un peu distrait », ajoute-t-il avec humour. Il y a quelques années, j’ai moi-même signalé ce tic de langage dans un de mes carnets. Le « du coup » des Français est l’équivalent du « tsé » ou du « fa que » des Québécois.

Ces tics ne sont pas juste agaçants. Ils tendent à appauvrir le langage, car ils remplacent près d’une vingtaine de mots ou de locutions plus précises, comme le fait remarquer un autre ami, Van Nguyen. Notons ainsi, dans ce cas, donc, dès lors, tout à coup, pour le coup, en conclusion, c’est pourquoi, par conséquent, partant, conséquemment, par suite, subséquemment, désormais, aussi, après, soudainement, si je comprends bien, finalement

Et c’est sans compter que ces mots passe-partout cherchent à dissimuler l’hésitation ou l’embarras. En ce sens, du coup est un synonyme de euh. Convenons cependant que du coup fait moins tata ou zozo que euh… De sorte que même un brillant réalisateur peut l’utiliser et en abuser.

Un « snowbird » en hiver

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Il y a tout autour de L’Île-des-Sœurs des colonies d’outardes, qui tardent à s’envoler. C’est du moins ce que je croyais. Mais non ! Apparemment, j’ai tout faux. Elles ne s’attardent pas parce que notre été indien se prolonge cette année. Elles ont choisi de passer l’hiver avec nous. Les eaux calmes de la pointe sud leur paraissent suffisamment accueillantes, même en janvier, pour les dissuader d’entreprendre ces longs vols en V, si beaux à observer mais épuisants et risqués, qui les menaient naguère dans les eaux chaudes du sud des États-Unis ou du Mexique. Ce sont d’ex-snowbirds.

Tout comme moi. Pendant des années, j’ai fui l’hiver québécois dès que la bise fut venue, préférant la Côte d’Azur, la Costa del Sol, la Floride, l’Arizona, la Californie ou la Baja California pour passer la saison froide. Tout palmier me paraissait plus séduisant qu’un érable qui a perdu ses feuilles d’automne. Tout cactus me semblait plus accueillant qu’un sapin chargé de neige. Si j’avais été fabriqué en Chine, ai-je écrit sur mon blogue il y a dix ans, je porterais une petite étiquette où l’on pourrait lire : « Ne supporte pas les températures inférieures à 10 degrés. Rapetisse quand il manque de soleil. Peut rétrécir et plisser sous la pluie. Devient maussade quand le temps est gris. »

Nous étions en Espagne, ma femme et moi, quand la Covid-19 a frappé, nous forçant à rentrer brusquement au pays de la CAQ. Mais à tout prendre, mieux valait être confiné à son appartement de Montréal que dans une chambre d’hôtel de Madrid, quitte à entendre notre premier ministre parler chaque jour des « aînés vulnérables ».

Depuis, nous ne sommes pas repartis. Que s’est-il passé ? Le premier hiver, on s’est dit que c’était trop tôt, le coronavirus se montrant encore menaçant. Pas question de se retrouver piégés dans un petit logement du Vieux-Nice. Le deuxième, on n’avait pas envie d’aller dans le sud de l’Europe quand la guerre rageait dans le nord. Le troisième, on rechigne à partir. Pourquoi ? Allez savoir ! Dans « Blanc », son nouveau récit de voyage, l’écrivain-aventurier Sylvain Tesson écrit que lorsque le goût de repartir disparaît, c’est qu’on a vieilli. Peut-être est-ce simplement ce qui nous arrive.

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Nous avions songé un temps à visiter l’Europe, mais en train. Nous serions partis pendant des mois, voire une année entière, seulement avec nos sacs à dos, allant de ville en ville pour revisiter des lieux qui nous sont chers ou pour en découvrir de nouveaux. C’était un beau projet, qui nous rappelait notre road-trip de vingt mois en Amérique, de l’automne 2013 au printemps 2015. Mais à la réflexion, il m’a semblé que le temps était révolu de nous éloigner si longtemps de nos proches. Avec l’âge, ils nous sont devenus de plus en plus chers.

Nous passerons donc l’hiver au Québec pour la troisième fois d’affilée, mais pour la première fois à L’Île-des-Sœurs. L’automne a été si clément jusqu’ici que l’appréhension n’est, pour l’heure du moins, pas trop grande. Nous espérons que les sentiers enneigés des boisés de l’île nous feront oublier la douceur de la promenade des Anglais à Nice. Nous souhaitons que la beauté spectaculaire des aurores et des crépuscules dissipe la nostalgie des canyons de l’Arizona ou de l’Utah.

Ma frangine, qui est aussi ma voisine, m’assure aussi que de regarder la neige tomber pendant qu’on baigne voluptueusement dans le jacuzzi du Vistal, au rez-de-jardin, est quasiment paradisiaque. Peut-être y chanterai-je :

Ah ! que les temps s’abrègent

Viennent les vents et les neiges

Vienne l’hiver en manteau de froid

Vienne l’envers des étés du roi…

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Une semaine à L’Île-des-Sœurs

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N.B. Ce carnet devait être publié le lundi 7 novembre, mais une erreur s’est produite. Le voici avec quelques jours de retard. Il a déjà paru sur Facebook.

La semaine dernière était seulement notre deuxième à L’Île-des-Sœurs. Mais elle fournit déjà un bon exemple de ce que sera la vie quotidienne dans ce nouveau lieu. Lundi d’abord, j’ai sauté dans le 168 pour me rendre à mon groupe de conversation en italien, au centre-ville. Trente minutes de bus plus une vingtaine de minutes à pied. Pas mal du tout.

J’en ai profité pour aller au cinéma ensuite. L’idée, c’est de regrouper les activités dans la grande ville. Je suis allé voir « Coupez ! », une comédie géniale ou insupportable, c’est selon. Rebelote mercredi, mais cette fois pour mon groupe de conversation en anglais. Je suis encore allé au cinoche, cette fois pour « Les banshees d’Inisherin », un film irlandais original et inclassable, qui ne fera pas l’unanimité non plus.

J’ai ajouté quelques courses à ma sortie montréalaise, car j’ai beau adorer ma nouvelle île, on n’y trouve pas tout, tant s’en faut. C’est d’ailleurs une dimension à laquelle il faudra s’habituer. Fini le temps où il suffisait de descendre au rez-de-chaussée pour acheter son pain chez Ange ou de traverser la cour pour aller à l’épicerie Avril.

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