Fuir Montréal ou l’aimer
On apprenait il y a quelques jours que Montréal avait perdu 25 000 personnes au profit de la banlieue en 2018. Une fois de plus. Ce n’est pas demain la veille que l’étalement urbain va s’arrêter. Chaque année, cette mauvaise nouvelle, car c’en est une, m’attriste.
Je ne blâme pas les gens qui partent. J’aime trop la liberté pour ne pas accepter qu’on aille vivre là où l’on veut. Je les critique d’autant moins que j’ai déjà moi-même cédé aux sirènes de la banlieue. En 1982, en effet, ma compagne et moi avons quitté Québec pour aller vivre à Neuville, un charmant village de la Rive-Nord. Trente-sept ans plus tard, il m’arrive encore de le regretter.
Pourtant, nous habitions une jolie maison sur la plus haute colline du village. De notre grande terrasse, nous pouvions admirer le Saint-Laurent sur une soixante de kilomètres, depuis les ponts de Québec jusqu’à Lotbinière. Derrière, des champs de maïs s’étendaient à perte de vue. Et au bout de rue, il y avait une belle pente où l’on pouvait aller glisser l’hiver.
À la différence d’Ulysse, le chant des sirènes ne nous avait pas entraîné vers des récifs, mais dans d’interminables bouchons de circulation où l’on perdait un temps fou et qui généraient un stress aussi considérable qu’inutile. En particulier en hiver, où nous avons connu notre large part de verglas, de tempêtes et de giboulées.