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Archives de juin, 2022

Chant des oiseaux et bruit

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Dimanche dernier, retour au Jardin botanique, toujours magnifique ! À l’entrée, il est vrai, les tulipes, abondantes et colorées le mois dernier, avaient laissé leur place à des fleurs qui n’ont pas encore atteint leur maturité. La floraison des lilas, des magnolias et des rhododendrons était aussi terminée. En revanche, la roseraie, en dormance il y a peu, était splendide.

Mais ce qui m’a le plus frappé cette fois, c’est le chant des oiseaux. La gent ailée serait-elle sortie de la pandémie elle aussi ? Contrairement au centre-ville, il n’y a pas que des moineaux ici. Je ne pouvais identifier tous ces gazouillis qui me ravissaient, mais ils étaient enchanteurs. On les entendait d’autant mieux qu’une fois dans le Jardin, le bruit des autos s’estompe jusqu’à disparaître. On a l’impression de ne plus être dans une grande ville.

Près d’un des étangs, nous nous sommes installés sur un banc, Lise et moi, pour casser la croûte. Quatre jeunes ont fait de même, mais ils avaient glissé, entre leurs sandwiches, leur musique et un haut-parleur. Leur choix n’était pas mauvais ; il était même assez près de nos goûts. Mais nous vivons à l’angle des rues Viger et de Bleury, là où passent, outre le flot incessant des autos, des camions, des bus, des motos, des ambulances, des camions de pompiers, et c’est sans compter des voitures survoltées. Je ne me plains pas ; c’est notre choix. Mais quand on vient au Jardin, ce n’est pas pour entendre de la musique. C’est pour le chant des oiseaux, le vent dans les fleurs, le silence. D’autant qu’on a pour voisine une terrasse où sévissent, plusieurs jours par semaine, des DJ.

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En croisant Pierre Lapointe

mauve3Il y a quelques jours, pour faire mes courses, j’avais choisi Pierre Lapointe pour m’accompagner. Or devinez qui je croise, rue McGill ? Eh oui, Lapointe lui-même. Un moment, j’ai pensé à l’arrêter pour lui dire, avec enthousiasme, que j’étais en train d’écouter « L’heure mauve », qu’il a créé pour la très belle exposition de Nicolas Party, au Musée des Beaux-Arts. Mais je n’ai pas l’habitude de jouer les groupies. Aussi ai-je eu peur de l’importuner. D’autant qu’il marchait vite, le nez dans son cellulaire.

Très beau disque que « L’heure mauve » ! On y trouve quelques compositions de l’auteur. Ma favorite est « Aujourd’hui la neige revient », que j’écoute en boucle sans jamais me lasser. Mais Lapointe est aussi un excellent chanteur, capable d’interpréter avec bonheur tant Charles Aznavour que Claude Léveillée ou même Félix Leclerc. Cela dit, sa voix convient mieux aux deux premiers.

À noter : une interprétation très personnelle et très belle de la célébrissime « Gnossienne no1 » d’Éric Satie.

La chance d’une récession ?

reces2François Legault nous annonce que nous avons « 50 % de chance d’être frappé par une récession ». Quelle chance, en effet, de voir l’économie fléchir pendant au moins six mois, au risque d’y perdre une partie de ses économies ! On a bien raison de dire qu’on ne connaît pas sa chance !

En fait, notre bon premier ministre, qui n’en est pas à un calque près, utilise ici le mot « chance » dans son sens anglais.

À l’origine, chance, terme du jeu de dés, signifie « hasard ». Le mot chance a conservé ce sens dans une locution comme tenter sa chance, dont l’issue peut être heureuse ou malheureuse. La chance de réussir implique dans ce cas la possibilité d’échouer. « Mais, comme le souligne le linguiste Hanse, chance ne se dit plus guère aujourd’hui que d’un hasard heureux. »

On ne peut donc employer chance si la seule éventualité est un danger, un risque, un inconvénient, un malheur, une maladie ou une récession. En ce sens, chance est un emprunt sémantique à l’anglais. Un fumeur, par exemple, court plus de risques (et non de chances) de mourir d’un cancer du poumon qu’un non-fumeur. À l’inverse, on court davantage la chance (et non le risque) d’avoir du beau temps en voyageant l’été.

« Si tu veux être quiet, man… »

humaniti

Il y a une page Facebook pour les locataires du complexe Humaniti à Montréal. Quand nous avons eu des problèmes avec le bruit engendré par la terrasse du restaurant, je m’en suis servi pour faire part de mes doléances et pour me faire des alliés. Ma démarche a été dans l’ensemble bien accueillie, mais elle a suscité ce commentaire : « Vivre et laisser vivre, bon sens (sic), si tu veux un endroit quiet tu as juste à pas venir vivre au centre-ville. » Mon « sens », pardon mon « sang », n’a fait qu’un tour.

Selon cette logique libertaire, si je vais vivre en banlieue et que mon voisin possède deux pitbulls qui jappent sans arrêt, il me faudra fermer ma gueule. (Remarquez, ce serait peut-être plus prudent.) Ou si mes voisins prolongent leur barbecue jusqu’aux petites heures du matin en invitant toute leur parenté, il me faudra acheter des bouchons d’oreille.

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On nous promet « la fin du bruit »

Récemment, j’ai dit avoir l’impression de vivre à côté d’une discothèque depuis que le restaurant h3 avait rouvert sa terrasse au complexe Humaniti. Mais la situation s’est nettement améliorée. À tel point qu’on peut espérer que le problème est résolu.

À la suite de mon énième courriel de plainte, l’Administration du complexe m’avait répondu être « désolée pour le désagrément causé par la terrasse du h3 ». Le message m’assurait qu’une rencontre était prévue « afin de trouver des solutions convenant à tous afin de réduire l’impact sur tous les résidents ».

Comme le dit le proverbe, chat échaudé craint la musique forte. Je n’étais donc pas tout à fait rassuré, d’autant que, l’été dernier déjà, on m’avait promis des solutions, qui n’étaient jamais venues.

Mais j’ai reçu un autre message, écrit celui-là par le directeur des opérations du restaurant h3 lui-même et intitulé « La fin du bruit ». Après les excuses d’usage, M. Duchesne, avec beaucoup de classe, s’est engagé « à rendre le bruit raisonnable sur la terrasse ». Signes de la bonne foi de son organisation, son directeur m’a fait remarquer que le niveau de décibels avait été réduit à 80 et que les haut-parleurs avaient été déplacés de façon à diriger le son vers le bar et non vers les résidents.  De plus, me disait-il, « nos DJ savent que nous sommes soucieux du bien-être des locataires, avec qui nous voulons vivre en harmonie ».

De 11 h à 18 h, le volume a été réduit largement sous les 80 décibels, à tel point qu’on n’entend plus rien, les portes fermées, et un tout petit fond sonore, les portes ouvertes. On peut maintenant profiter de nos deux balcons, situés de l’autre côté de la cour, à la même hauteur que la terrasse.

Vers 18 h, le volume remonte, en particulier les soirs de DJ, mais cela reste, comme promis, acceptable. Après tout, on vit au centre-ville. Rien à voir avec le ramdam qui nous accablait à la réouverture de la terrasse. Fini, les « boum boum boum » assourdissants des notes graves. Fini, l’impression de vivre à côté d’une boîte de nuit. On peut regarder désormais la télévision ou écouter notre propre musique sans entendre les beuglantes des chanteuses du pays des armes à feu.

Hugo Duchesne a terminé son message en me souhaitant un « magnifique été ». J’avoue voir venir la belle saison avec plus de sérénité. D’autant que je n’avais pas vraiment envie de devenir le vieux grincheux préparant une plainte au Tribunal du logement ou téléphonant à la police.

Notre nationalisme est-il identitaire ?

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J’ai évidemment regardé avec grand intérêt le nouveau documentaire de Francine Pelletier, « Bataille pour l’âme du Québec ». Quand on voit que plus de trois sur francophones quatre s’apprêtent à voter pour des partis identitaires cet automne, il saute aux yeux que le nationalisme québécois est devenu profondément conservateur.

Comme la plupart des Québécois francophones de ma génération, je n’ai pas échappé au nationalisme. J’ai même plongé dans l’indépendantisme très tôt, en lisant le Pourquoi je suis séparatiste, de Marcel Chaput. En 1966, quand j’ai voté pour la première fois, j’ai tracé mon X sur le RIN de Bourgeault.

Je ne suis pas sûr que mon nationalisme ait été aussi progressiste que j’aimerais le croire. Il y avait chez moi, comme chez beaucoup de militants, une méfiance certaine à l’égard de ceux qu’on appelait les Anglais, et parfois même les maudits Anglais. Je me souviens aussi qu’on ne tenait pas en haute estime les Italo-Québécois à l’époque de la bataille de Saint-Léonard.

En revanche, le nationalisme défendu par des politiques comme René Lévesque et Gérald Godin n’était pas conservateur, mais pluraliste et inclusif. Ce nationalisme, comme le montre le documentaire de Francine Pelletier, s’est beaucoup perdu, d’abord sous l’assaut de la Charte des valeurs du PQ, puis avec le duplessisme de la CAQ.

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Une babysitter formidable !

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Nadia Tereszkiewicz

Après avoir bien aimé « La femme de mon frère », premier long métrage prometteur de Monia Chokri, je me suis précipité pour voir son deuxième opus, « Babysitter ». Ça commence sur les chapeaux de roue avec une série de gros plans serrés et rapides pendant lesquels sont projetées à vive allure des brides de dialogues. C’est plutôt dérangeant, d’autant que la sono est super forte. Je comprends que ce montage audacieux était une bonne façon de décrire en quelques images la misogynie et la masculinité toxique, principaux thèmes de ce film inspiré d’une pièce de théâtre. Mais c’était à la limite du supportable.

Le générique passé, le rythme se calme. Nous voilà dans une comédie réaliste où des personnages paumés se débattent avec leurs contradictions dans une maison de banlieue. Mais l’arrivée d’une babysitter très spéciale (formidable Nadia Tereszkiewicz, qui crève l’écran) fait basculer le film dans une autre dimension, qu’on pourrait qualifier de conte moral fantaisiste. Télérama parle d’un « conte de fé(e)minisme », une belle trouvaille.

Tout cela est plutôt enlevant, souvent drôle, tantôt jouissif, tantôt profond. Mais dans la dernière partie, le propos, il me semble, devient un peu confus et le scénario commence à piétiner.

Toutefois l’ensemble, rassurez-vous, laisse une belle impression de légèreté, de joliesse et de bonne humeur.

Les vins du bas

saqJ’ai profité d’un rendez-vous au centre-ville pour m’arrêter à la grande SAQ du boulevard de Maisonneuve, près de La Baie. J’ai découvert que la succursale avait déménagé juste en face, de l’autre côté de la rue. Le lieu m’a semblé un peu plus petit, mais la réserve des vins reste abondante et agréable à arpenter.

Je cherchais des vins rouges, français ou italiens, de préférence bio, entre 20$ et 30$. Il y en a, mais vous devez regarder à vos pieds. À la hauteur des yeux, les bouteilles dépassent le plus souvent les 100$, voire les 150$. Sans doute pour que les friqués n’aient pas à se pencher. Ils n’ont qu’à tendre le bras et à glisser la bouteille dans leur panier. En plus d’être un exemple scandaleux d’inégalité sociale, c’est une injustice à l’égard des vieux qui, comme moi, doivent risquer le lumbago pour mettre la main sur la dive bouteille.

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Nadal et moi

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Je dois avouer, même si je n’en suis pas fier, que j’ai longtemps détesté Rafael Nadal, qui vient de remporter Roland-Garros pour la quatorzième fois. Pourquoi ? Sans doute parce qu’il battait trop souvent mon favori, Roger Federer, que j’idolâtrais.

Je trouvais tous les défauts à Rafa. Je jugeais son jeu trop défensif, donc ennuyeux. Ses nombreux tics et ses non moins nombreux tocs m’agaçaient. Je le soupçonnais de doper sa musculature aux stéroïdes. Même sa célèbre modestie me paraissait fausse. Bref, pendant les sept ans où j’ai couvert le tennis pour le site web de La Presse, je me suis montré peu gentil à l’égard de ce grand champion.

Puis peu à peu, mon regard a changé. J’ai vu son jeu évoluer. Nadal a amélioré son service et sa volée. Je suis devenu admiratif de sa légendaire combativité ainsi que de sa vive intelligence du jeu. Alors que ses rivaux français Richard Gasquet et Gaël Monfils, issus de la même génération, trouvaient toujours une nouvelle façon de perdre, le Majorquin inventait sans cesse une nouvelle façon de gagner. Dans ce dernier Roland-Garros où il est arrivé sans être au sommet de sa forme et où il a été souvent bousculé, il a démontré qu’aucun joueur de tennis ne savait gérer mieux que lui les points importants.

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