Le nouveau Woodie est arrivé
Le nouveau Woodie est arrivé, comme on dit le Beaujolais nouveau est arrivé. Quoique, dans le cas d’Allen, il faudrait plutôt parler de champagne ou de mousseux. C’est selon les crus. Certaines années, le Woodie nouveau est incontestablement un champagne, comme pour Minuit à Paris ou Match Point. D’autres fois, comme pour La haute société ou L’homme irrationnel, c’est un bon mousseux. Mais comme je l’ai déjà écrit, il y a toujours des bulles.
Dans ce nouvel opus, on se promène du Hollywood mythique des années trente à un club à la mode à New York. C’est agréable, toujours. C’est léger aussi, même si l’on retrouve à travers cette histoire d’amour improbable quelques-uns des interrogations existentielles chères au cinéaste. «Vis ta vie comme si chaque journée était la dernière», dit un des personnages, ajoutant «et ça finira par être vrai». Chez Woodie, la rigolade, l’ironie et la dérision ne sont jamais loin. On philosophe, bien sûr, mais toujours avec le sourire.
Il y a en effet chez le Woodie de la vieillesse une légèreté qui, contrairement à celle de Kundera, est loin d’être insupportable. Je parlerais plutôt de l’indispensable légèreté de l’être, sans laquelle le vieillissement, il me semble, doit être insupportable.
Bonheur d’occasion, dont je viens de terminer la relecture, c’est au contraire du lourd, du très lourd. J’avais lu ce premier roman de Gabrielle Roy pour la première fois quand j’étudiais en lettres à l’université, il y a près de 50 ans. J’ai trouvé que cette œuvre qui a pour théâtre le quartier ouvrier de Saint-Henri, au début de la Deuxième Guerre mondiale, avait bien vieilli. Je n’ai pas connu cette époque, étant né à la fin de cette guerre. Je n’ai pas vécu non plus pareille misère, car mon père avait hérité d’une petite entreprise prospère. Mais la misère était tout autour. On la voyait à l’école ainsi que dans bien des rues de notre paroisse. Des familles de 10 enfants qui vivaient dans des appartements de deux chambres, j’en ai connu, y compris dans ma parenté proche. (suite…)