Michèle Ouimet en reportage pour La Presse.
J’ai beau avoir été journaliste pendant 45 ans, je n’ai jamais été grand reporter. Tant s’en faut ! À vrai dire, j’ai fait peu de reportages et quand j’en ai fait, c’était plutôt pépère. Du moins si l’on compare mes petites tribulations à la vie des correspondants de guerre, tels qu’on peut les voir, par exemple, dans « Sympathie pour le diable », un film consacré à Paul Marchand, ce journaliste français qui a suivi pendant plusieurs années les guerres civiles du Liban et de la Bosnie.
Pour l’essentiel, j’ai fait ma carrière dans le confort du pupitre, où le pire risque qu’on court, c’est de se faire engueuler par un reporter pour un titre. Au total, je suis sorti deux fois du Québec pour les besoins du métier. La première fois, c’était pour couvrir le Festival du cinéma francophone à Dinard, où je suis descendu dans un hôtel cossu dont le restaurant était digne du Guide Michelin. La seconde, c’était pour la couverture du tournoi de Roland-Garros, où l’on vous traite aux petits oignons. On est à Paris, après tout !
Bien sûr, dans de tels événements, les journées de travail sont longues ; il faut avoir l’étoffe du marathonien. Mais on ne couche pas sous la tente, sur un matelas dur, entouré de souris ou de moustiques. On n’est pas condamné au jeûne ou nourri de plats infects. On n’a pas besoin d’un somnifère pour dormir la nuit, car on a ingurgité suffisamment de vin rouge. On ne va pas dans des chiottes, mais dans des toilettes en marbre. On n’est pas obligé de compter sur la Croix-Rouge pour rentrer au pays. On ne porte jamais de gilet pare-balles. On ne risque pas d’être emprisonné par les talibans ou les mollahs, arrêté par des policiers brutaux et corrompus, menacé par des extrémistes religieux ou par des groupes armés violents. On ne craint jamais pour sa vie. Tout au plus s’inquiète-t-on parfois pour sa réputation.
Tout ceci pour dire toute mon admiration pour les reporters et photographes de guerre en général et pour Michèle Ouimet en particulier, qui vient de publier « Partir pour raconter », chez Boréal. Pendant 25 ans, mon ex-collègue a souvent laissé sa fille Sophie et son compagnon André à Montréal pour aller témoigner de guerres, de révolutions, de génocides ou de désastres aux quatre coins du globe.
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