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Archives de avril, 2024

Cinq heures aux urgences

Le titre vous fait peut-être penser à une nouvelle histoire d’horreur, mais ce n’en est pas une, bien au contraire. Tout a commencé vers 11 h samedi quand j’ai reçu un coup de fil. C’était une inconnue qui m’annonçait que ma compagne venait de faire une vilaine chute en allant courir le long du sentier de la Pointe-Sud. Dans ma tête, j’ai entendu les premières mesures, jouées fortissimo, de la 5e Symphonie de Beethoven.

La dame du téléphone et les siens ont ramené Lise à la maison. Il y a de bien bons samaritains à L’Île-des-Soeurs ! Mon amoureuse était visiblement amochée. Ses vêtements étaient pleins de terre et elle tenait péniblement son bras droit. Il n’était pas nécessaire d’être médecin pour deviner que l’épaule droite était disloquée. Encore moins pour voir que Lise souffrait. Je la connais bien : elle est dure au mal. Mais là, ses limites étaient dépassées. Elle n’en menait pas large. Moi non plus d’ailleurs.

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Sur la terre comme au ciel ***1/2

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La bande-annonce de Sur la terre comme au ciel m’avait interpellé. Le film de Nathalie Saint-Pierre ne m’a pas déçu. C’est l’histoire de Clara, une adolescente qui vit avec sa sœur et ses parents à la campagne, au sein d’une secte religieuse. J’allais ajouter « fermée », mais ce serait redondant, car un tel groupe peut-il exister sans intransigeance et sans contrainte ?

Lorsque son aînée disparaît, Clara part en secret pour Montréal dans l’espoir de la retrouver. Il faut la voir arriver dans la grande ville bruyante, munie d’une petite photo de sa sœur Sarah et de l’adresse de sa tante Louise, qui ne l’a jamais vue et qui se montrera fort surprise de la voir subitement débarquer.

Clara aura dix jours pour retrouver Sarah, mais il ne s’agit pas d’une suspense, on s’en doute. Sur la terre comme au ciel est plutôt le récit d’une belle initiation à la liberté et au libre arbitre. On pourrait dire que Clara aura dix jours pour se retrouver, elle.

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Quand Gemini hallucine

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J’aime bien me servir des outils de l’intelligence artificielle que les grands de l’informatique mettent à notre disposition. J’utilise Copilot depuis que Microsoft l’a intégré à ses logiciels, l’année dernière. Et depuis quelque temps, je recours aussi à Gemini, que Google a couplé à son célèbre moteur de recherche. L’un et l’autre sont devenus mes fidèles collaborateurs pour la rédaction de mes carnets.

Dans la majorité des cas, les informations que m’apportent ces deux robots, je pourrais les trouver moi-même. Mais il me faudrait bien plus de temps. Une des belles qualités de l’IA, c’est sa stupéfiante rapidité.

Il faut ajouter que l’IA m’apporte parfois des réponses que je n’aurais pas dénichées autrement. Je me souvenais, par exemple, d’une étude célèbre sur la soumission à l’autorité. L’ennui, c’est que cette recherche datait des années soixante et que j’avais beau avoir écrit un article sur le sujet, j’avais oublié le nom de son auteur, le psychologue Stanley Milgram. Qu’importe ! J’ai fait la demande avec le peu d’informations dont je disposais et, bingo ! Gemini a retrouvé les renseignements que je cherchais.

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Français : pas de catastrophisme !

Dans mon dernier carnet, je déplorais que la récente étude de l’OQLF indiquant que l’utilisation du français est restée stable dans l’espace public, et ce depuis 15 ans, soit passée pour ainsi dire inaperçue. Mais aujourd’hui, et je m’en réjouis, La Presse y consacre deux textes.

Stéphanie Grammond souligne d’abord que la proportion d’allophones utilisant le français dans l’espace public a augmenté de 3,2 points de pourcentage, entre 2016 et 2022. Chez les anglophones, ajoute l’éditorialiste, la hausse a été de 5,6. On est loin, comme je l’écrivais, du discours pessimiste sur le déclin du français au Québec.

Professeur associé au département de sociologie de l’Université Laval, Jean-Pierre Corbeil souligne pour sa part qu’« au moins 85 % des Québécois utilisent aujourd’hui principalement le français dans les commerces de proximité, les centres commerciaux ou au restaurant ». Autre donnée importante : entre 2010 et 2023, l’usage général (au moins 90 % du temps) du français au travail est demeuré stable,

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De la musique et du français

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L’Orchestre à cordes des jeunes dirigé par Thomasine Leonard.

Samedi, je suis allé entendre l’Orchestre à cordes des jeunes au Conservatoire de musique. J’y étais parce que j’aime la musique, bien sûr, mais aussi parce que je connais la cheffe, Thomasine Leonard, qui sait tirer une belle musicalité de ses jeunes instrumentistes. Mais mon carnet d’aujourd’hui ne porte pas sur la musique.

Ce qui m’a d’abord frappé au dos du programme, c’est la composition de l’orchestre. Peu de Bergeron ou de Lalonde. Mais beaucoup de Peng, de Wang, de Sun, de Nguyen, d’El-Chabab, de Dubovitckii ou de Karlicek. Il n’y a rien là de particulièrement surprenant. Nous sommes à Montréal, ville que les francophones de souche ont largement désertée, préférant l’herbe verte de la banlieue. De plus, la musique nécessite une discipline que l’on cultive sans doute davantage dans les familles immigrantes.

Deuxième constat : ces jeunes musiciens issus de l’immigration étudient la musique en français, langue qu’ils maîtrisent apparemment très bien. Chacune des pièces du concert était présentée par un musicien (deux d’entre eux n’avaient pourtant que huit ans) en français, bien sûr, et qui plus est, dans un excellent français. Je n’ai rien contre le français joualisant qu’on entend beaucoup dans nos séries, nos films ou nos pièces de théâtre, mais il n’est pas souhaitable que ce français « tabarnak » devienne notre langue commune.

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« Hôtel Silence », le très beau film de Léa Pool

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Sébastien Ricard et Lorena Handschin dans « Hôtel Silence ».

On peut d’abord voir Hôtel Silence comme le drame d’un homme désespéré qui envisage de mettre fin à ses jours. Mais très rapidement, la perspective s’élargit. C’est aussi un film sur notre monde incertain et troublé, sur ses guerres. On pense, bien sûr, à Gaza ou à l’Ukraine. Mais aux autres conflits également, car ils finissent tous par se ressembler, dressant les uns contre les autres, suscitant la haine, engendrant peines, douleurs, peurs, souffrances, destructions et traumatismes.

La réalisatrice Léa Pool est parvenue très habilement à recréer cette atmosphère de guerre à partir d’un hôtel qui reprend vie peu à peu et de quelques rues amochées. C’est dans ce climat trouble, au contact de survivants d’un conflit à peine terminé, que le personnage principal d’Hôtel Silence parviendra à donner un sens à son existence. C’est une belle histoire de résilience, touchante, émouvante, pleine d’espoir et d’humanité.

Sébastien Ricard brille dans son rôle de dépressif. La jeune actrice suisse Lorena Handschin, qui lui donne la réplique, se révèle quant à elle une fort belle découverte.

Un mot en terminant sur la musique, qui, comme dans toutes les œuvres de Léa Pool, occupe une grande place. La bande sonore de Mario Batkovic est très réussie, à la fois envoûtante, profonde et bouleversante.

Hôtel Silence ****

Encore un biopic invraisemblable

Transatlantic

 

Je n’aime pas beaucoup les biopics, comme je l’ai déjà dit. Mais chaque fois que le sujet en paraît intéressant, je me laisse prendre. Ce fut encore le cas avec Transatlantique, qui raconte l’histoire vraie, nous assure-t-on, de Varian Fry et Mary Jayne Gold, ainsi que du Comité de sauvegarde d’urgence (Emergency Rescue Committee). Ces gens-là auraient aidé plus de 2000 réfugiés, artistes et intellectuels pour la plupart, à fuir le régime de Vichy pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Alléchant, bien sûr ! Mais c’était sans compter les coups de rabot donnés dans un scénario typiquement américain. Un exemple parmi tant d’autres. Une des personnes qui collabore avec le Comité raconte avoir trouvé un chemin secret pour mener les réfugiés à pied en Espagne. On voit la belle Lisa partir vaillamment avec de petits groupes et les amener dans les Pyrénées en une journée. L’ennui, c’est que plus de 300 kilomètres séparent la ville française des montagnes espagnoles. So what ! se sont sans doute dit les scénaristes. Qui saura en Inde, au Congo ou en Argentine qu’il faudrait plusieurs jours pour franchir une telle distance à pied ?

Autre exemple : tout le monde parle anglais dans cette série, et fort bien. Même les Français. À l’occasion, on entend bien quelques mots dans notre langue. Mais pour l’essentiel, on se croyait dans Emily à Paris. So what ! On évite ainsi ces sous-titres que les Américains trouvent si barbants. Et tant pis pour la vraisemblance ! Après tout, est-ce si grave si l’écrivain André Breton et le peintre Marcel Duchamp discourent dans la langue de Netflix ?

Un dernier exemple : Fry, qui a été marié deux fois et qui a eu trois enfants, est présenté ici comme homosexuel. Selon un de ses fils, Fry était un gay resté dans le placard. Peut-être bien, allez savoir. Mais il serait étonnant que le responsable du Comité de sauvegarde d’urgence ait profité de son séjour marseillais pour vivre une aventure homosexuelle torride, qui aurait mis en péril et sa mission et son entourage. D’autant que l’homosexualité était interdite dans la France de Vichy. Mais so what !

Ah ! j’allais oublier cette scène où Miss Gold joue les James Bond pour faire évader trois prisonniers britanniques d’une prison française. Mais je m’arrête, car la liste des contre-vérités pourrait être longue.

Dans ces conditions, faut-il s’étonner que l’interprétation soit peu convaincante et que l’histoire, bien qu’inspirée de faits réels, paraisse si invraisemblable ?

Je veux bien admettre que Transatlantique compte moins d’extravagances et d’énormités que Catherine de Medicis, autre biopic censé raconter la vie de cette reine française venue de Toscane. Il reste que ces deux séries sont si éloignées de la réalité qu’elles me font penser aux contrefaçons qu’on vend dans les quartiers touristiques de l’Italie. Dans les deux cas, c’est du toc.

Bien sûr, les scénaristes peuvent se permettre quelques libertés. Mais quand ils écrivent une série qui se réclame de l’histoire, un minimum de vérité, il me semble, serait bienvenu.