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Archives de Mai, 2021

La chatte qui m’avait choisi

J’ai passé ensuite bien des années sans animal de compagnie. Mes parents ont fini par avoir un chien, un beau cocker blond, plutôt rigolo, mais j’étais déjà parti étudier à Québec. Slogo était très content de me voir quand je retournais à Trois-Rivières, et c’était réciproque. Mais ce n’était pas mon chien.

Devenu journaliste, je suis allé un soir chez Ron, un ami de mon frère Gilles. Il vivait avec une chatte d’Espagne, qu’il avait baptisée Vous-autres, allez savoir pourquoi, et qui n’arrêtait pas de tourner autour de moi. Elle s’installait sur mes cuisses en ronronnant, elle me poussait de la tête pour que je m’occupe d’elle. Bref, c’était le coup de foudre.

Le lendemain, j’ai reçu un coup de téléphone de Ron. Depuis quelques mois déjà, son propriétaire voulait qu’il se débarrasse de sa chatte. Mais Ron attendait d’avoir trouvé la bonne personne. Et cette personne, eh bien, c’était moi. Dire qu’il m’offrait Vous-autres ne serait pas vraiment juste. Dire qu’il me l’imposait, non plus. Ron était ce qu’on peut appeler un personnage. Au demeurant un personnage éminemment sympathique, comme j’ai eu l’occasion de le découvrir par la suite. Il avait senti entre moi et sa chatte quelque chose de tellement fort que je ne pouvais refuser de lui ouvrir ma porte.

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Le merveilleux Noiraud

noiraud

À côté de moi, notre petit Noiraud, mes frères Raymond et Gilles, ma soeur Jocelyne et notre grand-père Zéphirin. La photo a été restaurée et colorée par mon frère Gilles.

L’été suivant, on m’a permis d’avoir un chien. Il était entendu cependant que le chien ne nous accompagnerait pas à la ville, pas plus que le chat de l’année précédente. L’été terminé, un cultivateur des environs avait accepté de le garder. C’était un arrangement bancal, mais j’avais dit oui, tellement heureux de voir exaucé enfin un de mes vœux les plus chers .

Le choix du toutou n’avait pas été facile. J’avais d’abord jeté mon dévolu sur un cocker, mais la chienne des Laliberté avait accouché trop tard. Un matin de forte pluie, l’oncle Eugène, qui savait que nous étions à la recherche d’un clébard, est arrivé avec un grand chien de chasse très énervé et très mouillé. Pendant que l’oncle faisait son éloge, sur la galerie du chalet, ma mère ne lui ayant pas permis d’entrer, la bête n’arrêtait pas de sauter au bout de sa laisse. J’avais tellement hâte d’avoir un compagnon que j’aurais quand même dit oui. Mais ma mère, très fermement, a dit non et son beau-frère, piteux, est reparti sous la pluie avec pitou.

Quelques jours plus tard, nous avons appris qu’un cultivateur du rang avait un jeune chien à donner. C’était un petit bâtard, pas particulièrement beau, mais très futé. Sa mère était un boston-terrier. Le rejeton n’en avait pas la tête ; c’était plutôt celle d’un cocker. Mais il avait conservé la couleur de la mère : noir avec une tache blanche sur la poitrine. Nous l’avons donc baptisé Noiraud. Ce n’était pas très original, j’en conviens, mais le nom lui allait bien.

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Mes amis les chiens

Paul et Rex.

Paul et Rex, dans une colline de Santa Ruffina, en Italie.

Du côté de la rue où j’ai grandi, il y avait peu d’enfants, et la plupart étaient trop vieux pour moi. Heureusement, quelques voisins avaient des chiens. Il y avait le cocker noir des Laliberté et le petit chien sans race de Jacques Le Ramancheur (c’est ainsi qu’on appelait ce rebouteur chez qui les gens venaient, parfois de loin, se faire replacer des os disjoints ou sortis de leur emplacement). Je me souviens aussi, mais très vaguement, d’un gros chien de chasse. Le voisin, un Anglo, était très surpris, m’a-t-on raconté, que j’ose m’en approcher sans crainte.

Je n’ai jamais eu peur des chiens, même quand ils étaient gros, jusqu’à ce que, au début de la trentaine, je me fasse mordre par un colley. Depuis, je suis plus méfiant. Mais dans ma tendre enfance, je n’aurais jamais cru qu’un clébard puisse me faire du mal. C’étaient mes amis.

Après notre déménagement sur le boulevard Saint-Louis, je n’ai eu de cesse de réclamer un chien. Mes parents étaient réticents. Cependant, quand la chienne des Laneuville a été engrossée par le cocker des Rousseau, leurs voisins, j’ai réussi à les convaincre : nous adopterions un des rejetons. C’est ainsi qu’un petit bâtard blond, plutôt mignon, né de l’accouplement inopiné de deux chiens du voisinage, est arrivé chez nous.

J’étais aux anges, mais pas pour longtemps. Les parents avaient décrété que le chien serait placé la nuit dans la salle de chauffage au sous-sol. Ça ne lui avait pas plu, bien sûr, même si on lui avait aménagé un beau petit parc. La chaudière était bruyante et le lieu inhospitalier. Toutes les nuits, les plaintes de notre toutou tenaient la maison réveillée. Mon père lui a rapidement trouvé un autre foyer et j’ai continué à vivre dans une maison sans chien.

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Ostéopathie et psychanalyse

Au Masters de Monte-Carlo.

Au Masters de Monte-Carlo.

À 40 ans, je me suis remis au tennis sérieusement. Quand je dis sérieusement, je ne veux pas dire ligues et tournois. Pour moi, la compétition à ce niveau-là, c’était bel et bien fini.

C’est une amie et collègue, Louise Lemieux, qui m’avait convaincu de reprendre ma raquette. Au début, je jouais avec plaisir, en rigolant beaucoup et sans prendre le jeu trop au sérieux. Mais assez rapidement, à mesure que mon niveau de jeu se rapprochait de ce qu’il était jadis, j’ai recommencé à vouloir gagner et à fuir la défaite.

Il y avait au Soleil un grand nombre de joueurs de tennis. Le vendredi matin, nous étions assez nombreux pour louer la moitié des courts du club Avantage. Nous faisions une heure de simple et une heure de double. J’étais tellement emballé par ce retour au jeu que je trouvais des partenaires pour jouer deux à trois fois chaque semaine.

La plupart de mes adversaires avaient une dizaine d’années de moins que moi, voire une quinzaine. J’arrivais à jouer à leur niveau et même à les battre à l’occasion, sauf un qui était au-dessus du lot, mais je devais beaucoup m’employer pour le faire. C’est sans doute pourquoi j’ai été blessé souvent. C’est le bas du dos qui lâchait. Tous les trois ou quatre mois, je me retrouvais avec un lumbago qui me contraignait à stopper pour quelques semaines. C’était souffrant et frustrant.

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Un joueur passionné

crise

Il m’arrivait de faire une piètre imitation de John McEnroe et de fracasser ma raquette (photo Pinterest).

L’été suivant, j’ai changé de club de tennis. Mes copains et moi, nous nous sommes retrouvés à L’Aiglon. Côté filles, ce n’était pas un progrès. C’était même un saut périlleux arrière. C’est le tennis qui nous avait amenés là. Je pouvais maintenant jouer dans deux ligues et affronter des adversaires d’un solide niveau.

J’avais maintenant 16 ans. J’avais commencé à jouer l’année précédente, déjà trop vieux pour débuter dans ce sport exigeant. Cela demeure un de mes grands regrets. Non pas que j’aspirais à faire carrière. De toute façon, pour un Québécois dans les années cinquante et soixante, réussir au tennis était quasiment mission impossible. Mais j’aurais aimé atteindre un meilleur niveau et j’y serais sans doute parvenu si j’avais commencé à taper la petite balle jaune plus tôt.

Quoi qu’il en soit, j’ai tout de suite vu que le tennis serait mon sport. À l’époque d’avant les géants qui tutoient les deux mètres, je faisais 1 m 80, une bonne taille pour ce sport, j’étais assez léger pour bien me déplacer sur un court, j’avais de bons réflexes et j’aimais la compétition, même si elle me stressait par moment. De plus, en tant qu’intellectuel, j’aimais ce jeu où la stratégie est très importante et où il faut penser vite.

L’été, je jouais tous les jours où il ne pleuvait pas et l’hiver, j’étais sur les courts deux à trois jours par semaine. Quand je suis devenu suffisamment bon, j’ai commencé à jouer dans des ligues et dans des tournois. Je pratiquais le tennis avec enthousiasme et passion.

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Le tennis et les filles

Paul et tennis

Au party de fin de saison du club Saint-Sacrement.

Enfin loin du chalet familial, l’été de mes 15 ans fut merveilleux. J’avais convaincu mon père, avec l’aide inestimable de ma mère, de ne pas retourner passer les vacances à la campagne. En échange, je devais travailler à l’usine familiale, ou j’ai été bien accueilli, les employés ne me traitant pas comme le fils du patron.

J’avais une excellente raison de préférer les journées à la boutique, si exigeantes soient-elles, aux journées au chalet : le soir, je mettais le cap sur le club de tennis Saint-Sacrement.

Mes amis Daniel, Denis, Hamel et Ti-Lou avaient quelques années d’avance sur moi. Ils jouaient donc beaucoup mieux. C’était frustrant pour quelqu’un d’aussi compétitif que moi. Mais ce retard avait un immense avantage : en jouant contre des adversaires nettement supérieurs, je progressais vite. Je m’améliorais d’autant plus rapidement que je pouvais m’appuyer sur toutes ces années de ping-pong, où j’avais aiguisé mes réflexes.

De plus, cet endroit, ce n’était pas qu’un club de tennis. C’était en quelque sorte un club de rencontres. J’y retrouvais les copains, évidemment, mais aussi des filles de notre âge, en très grand nombre. Beaucoup étaient mignonnes. La plupart en fait. Quelques-unes étaient même des beautés. Comme Proust, j’étais à l’ombre des jeunes filles en fleurs. Elles avaient tout pour émouvoir un adolescent qui fréquentait un collège de garçons et qui avait passé ses derniers étés à la campagne.

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L’intello qui aimait les sports

base

Mon premier gant de baseball.

J’avais beau être un enfant introverti, grand amateur de lecture, j’ai toujours aimé les sports. Mais sans y briller nécessairement.

Prenez le hockey, notre sport dit national. J’ai reçu ma première paire de patins, vers quatre ou cinq ans. C’était des patins à deux lames. Ils m’ont permis de faire mes premiers pas sur la glace de Freddy, un voisin. J’aurais dû les garder, car je n’ai jamais vraiment appris à patiner autrement que sur la bottine. J’ai eu beau m’exercer autant comme autant sur la patinoire des Rheault, je n’ai jamais su glisser avec grâce sur une surface glacée. D’où mon admiration peut-être pour les belles gracieuses du patinage artistique.

Difficile donc de briller au hockey. Je me rappelle le dernier match auquel j’ai participé. L’entraîneur m’a envoyé sur la glace. J’ai couru après la rondelle pendant une minute ou deux sans jamais y toucher. Sans me rendre compte non plus que l’entraîneur, tout énervé, me rappelait sèchement au banc. J’y suis finalement revenu et je n’en suis plus ressorti. L’entraîneur avait cependant remarqué que j’avais un beau hockey neuf. Il l’a prêté à l’un de ses bons joueurs, qui venait de casser le sien. J’ai assisté à la fin du match assis sur le banc froid, sans bâton mais avec un sentiment de nullité totale. Ce fut la fin de ma courte carrière. Je devais avoir 12 ans.

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Projets et pandémie

Paul et Lise au parc de Bryce Canyon.

Au parc de Bryce Canyon. Lise et moi avons l’air heureux sur ces « cartes postales ».

Ayant renoncé au caravaning, on est tombés, Lise et moi, dans une frénésie de changements, dans l’espoir de changer d’air sans doute. On s’est mis à visiter des condos. Il n’y a pas un projet de Griffintown ou de Ville-Marie que nous ne sommes pas allés voir. On a même fait quelques offres, qu’on a rapidement annulées. On a fini par acheter un nouvel appartement, avant de demander au promoteur, quelques mois plus tard, de le remettre en vente. En fait, nous étions un peu perdus.

Finalement, après bien des remises en question et des hésitations, nous avons décidé de rester au centre-ville et de voyager en Europe quelques mois chaque année. Ce que nous avons fait jusqu’à ce que le Covid-19 nous attrape en Espagne, à l’hiver 2020, quelques semaines avant que nous nous rendions à Bordeaux, puis à Paris.

Ibis

Au Ibis de Madrid, pendant le premier confinement.

Pendant deux semaines, nous nous sommes retrouvés coincés dans une chambre d’hôtel. Ou plutôt dans deux, car notre Ibis a fermé ses portes, nous forçant à traîner nos valises jusqu’au Tryp Alameda. L’armée patrouillait dans les rues et il était interdit d’en sortir. En principe, nous n’avions même pas le droit de nous promener dans les corridors ; mais nous avons triché un peu. Les restaurants étaient, bien entendu, fermés. Nous recevions nos repas dans un sac placé devant la porte. À l’intérieur, on y trouvait des sandwiches trois fois par jour.

Mais le pire, c’était l’incertitude quant au vol de retour. Nous avions réussi à obtenir de nouveaux billets. Mais impossible de joindre Air Transat pour obtenir une confirmation du jour du vol. Comme plusieurs centaines de Québécois, nous nous rongions les ongles et nous nous croisions les doigts dans l’espoir que le transporteur ne nous laisse pas en Espagne, où tous les hôtels étaient sur le point de fermer. J’ai noté le numéro de téléphone du consulat du Canada au cas où nous nous serions retrouvés à la rue. Nous avons finalement pris le dernier vol Madrid-Montréal avant que les avions ne soient cloués au sol.

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Le caravaning

Paul dans une halte routière en direction de Whisters.

Dans une halte routière en direction de Whisters.

En 2010 et en 2011, nous avions fait une expérience de caravaning qui nous avait beaucoup plu en partageant une autocaravane avec un couple d’amis, Daniel et Louise. Nous avions notamment fait un voyage de deux mois et demi dans le Sud-Ouest américain, que nous avions adoré. Mais au retour de ce périple, nous avions décidé de laisser tomber le caravaning parce que l’Europe nous manquait. C’est ainsi qu’à l’automne 2011, nous étions allés à Paris, et au printemps 2012 et au printemps 2013, à Nice.

C’est là que le caravaning s’était mis à nous manquer. Comme je l’ai raconté dans Deux itinérants en Mercedes, on ne s’y attendait pas, mais on aurait dû se méfier. Depuis deux ans, chaque fois qu’on voyait passer une autocaravane, chaque fois qu’une photo de nos pérégrinations apparaissait sur l’écran de mon ordinateur, Lise et moi avions un petit pincement au cœur. Les souvenirs heureux de nos voyages sur la route remontaient aussitôt à la surface.

Le déclic s’est finalement produit un vendredi soir de mars, au cours d’un épisode passionnant de Thalassa. L’émission avait pour thème « Partir ». On y voyait notamment un couple, dans la soixantaine comme nous, qui passait dix mois par année à naviguer sur les océans du vaste monde. On ne connaissait rien à la voile et l’eau n’est pas notre élément. Mais on a tout de suite vu qu’on était animés par le même goût de voyager et qu’on pourrait le faire, mais sur les routes.

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La Grande Botte

Santa Rufina 2006

En 1996, nous avons fait notre première expérience de caravaning. À bord d’une petite autocaravane louée, nous sommes partis pour Cape Cod avec notre chienne Onyx. Malgré un pépin avec le réfrigérateur, qui n’a jamais fonctionné, nous avons adoré ce voyage. Tout nous plaisait dans ce type de séjour.

Il a fallu une quinzaine d’années toutefois pour que nous reprenions la route en autocaravane. C’est que, l’année suivante, nous avons découvert l’Italie. Ce fut le coup de foudre. Pendant plusieurs années, la Grande Botte nous a fascinés.

Nous avions décidé de faire ce voyage en 1996 en buvant une bouteille de vin italien au Festival de jazz. J’avais alors dit à Lise que, lorsque nous serions en Italie, je parlerais italien. Et j’ai tenu parole. J’ai acheté la méthode Langue pour tous, qui nous promettait de parler italien en 40 leçons. J’y consacrais de 15 à 30 minutes par jour. Un an plus tard, je n’aurais pu, certes, disserter sur La divine comédie, mais j’étais en mesure de me débrouiller dans la langue de Dante. De fait, pendant tout le mois que nous avons passé en Toscane, je n’ai pratiquement jamais eu besoin de parler anglais pour me faire comprendre.

Nous avions loué un appartement à Sienne pour un mois, sans auto. Quand nous quittions la ville pour aller visiter Florence, Pise, Lucca, San Gimignano, Volterra ou Montalcino, c’était en train ou en autocar.

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