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Archives de janvier, 2024

L’indice de qualité de vie

Paul et Lise en arrivant à Yosemite.

Lise et moi à notre arrivée à Yosemite.

Dans ses chroniques sur la vieillesse, Patrick Lagacé se préoccupe beaucoup de l’espérance de vie en santé, estimée à 68,9 ans. Mais le chroniqueur reconnaît que le chiffre dépend de la façon de calculer. La méthodologie n’est en effet pas sans importance. Elle soulève la question : qu’est-ce que la santé ? Et ce n’est pas si simple d’y répondre.

Ainsi, je suis suivi par un cardiologue pour cause d’arythmie, mais mon problème est maîtrisé. Je dois aussi voir une ophtalmologiste parce que la pression des yeux a tendance à être trop élevée. Mais je n’ai pas développé de glaucome et ma situation n’est pas préoccupante. Alors, suis-je en bonne santé ? Il me semble que oui. Mais des spécialistes diraient peut-être le contraire. Ce dont je suis certain, en revanche, c’est que ma qualité de vie reste bonne.

Selon ma compagne, le plus important n’est pas l’espérance de vie, ni même l’espérance de vie en santé, mais l’indice de qualité de vie. Comme la plupart des gens de mon âge, j’ai des bobos. Mais aucun ne peut m’empêche de mener une vie de retraité heureux.

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La vie commence à 69 ans

Paul et Lise au parc Fanning Springs.

Lise et moi dans les sources chaudes du parc Fanning Springs.

Patrick Lagacé vient de signer une chronique où il répète qu’il se verrait « bien mourir à 69 ans… pour éviter les naufrages de la vieillesse ». Selon le chroniqueur de La Presse, 68,9 ans, « c’est à peu près l’espérance de vie en santé pour un homme dans ce pays ».

Sa première chronique sur le sujet avait provoqué la colère de « lecteurs approchant de cet âge – ou l’ayant dépassé – et qui se disaient en pleine forme ». La nouvelle mouture risque de provoquer du mécontentement aussi, même si elle est moins affirmative. En apprenant que l’auteur « multiplie le cardio et double ses portions de légumes et de fruits », on se dit que, peut-être, il commence à douter de sa résolution.

Pour ma part, je ne veux pas critiquer Patrick, ne serait-ce que parce que je l’aime bien. Il n’est d’ailleurs pas le seul, après le général de Gaulle, à voir la vieillesse comme un naufrage. Les écrivains ne sont pas tendres eux non plus à l’égard du grand âge. Didier Van Cauwelaert le voit comme « un lent travail de rouille en cale sèche » et Abel Castel, comme « une inondation ». Pour Philip Roth, « ce n’est pas une bataille, c’est un massacre » et pour Éric Marchal, c’est « la seule guerre perdue d’avance ». Rien pour vous donner l’envie de vivre jusqu’à 100 ans.

Je peux très bien comprendre qu’un journaliste-vedette de 52 ans, au sommet de sa carrière, craigne le vieillissement et ses misères. Je viens quant à moi d’avoir 79 ans. Il y a 10 ans, le jour même des 69 ans fatidiques, je me suis baigné à Fanning Springs, au cœur de janvier, dans les eaux chaudes du parc. Avant d’aller souffler mes 69 bougies autour d’une bouteille de Pouilly-Fuissé avec mon amoureuse et un couple d’amis.

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Montréal s’allophonise-t-il ?

montreal

Je suis allé mardi dans une boutique du centre-ville. À la caisse, les deux vendeurs parlaient anglais entre eux. Mais dès que j’ai dit « bonjour », ils m’ont répondu en français. Qui plus est, en bon français. Ce comportement est tellement courant que je ne devrais même pas en parler. Mais je le souligne pour répondre à Marie-France Bazo qui, dans La Presse cette semaine, s’est réjouie qu’une vendeuse soit arrivée à baragouiner avec elle dans notre langue. À ma connaissance, la chroniqueuse ne vit pas à Montréal. Moi, j’y habite depuis 32 ans, dont 20 au centre-ville. Je peux témoigner qu’il n’est pas si difficile de se faire servir en français rue Sainte-Catherine. Le contraire est même plutôt rare.

L’inquiétude de Bazo repose sur la langue parlée à la maison. On sait, en effet, que plus de 50 % des gens ne parlent pas français chez eux à Montréal. Cette statistique alarmiste, qu’on répète à l’envi, fait bien sûr l’affaire des nationalistes identitaires, qui y voit le signe inquiétant de la louisianation de la métropole.

Mais plusieurs spécialistes ont montré les limites de ce chiffre, qui décrit mal la réalité linguistique complexe de la grande ville. Par exemple, beaucoup de Maghrébins et de Haïtiens ne sont pas considérés comme francophones parce qu’ils disent parler arabe ou créole à la maison lors du recensement. Mais dans les faits, les uns et les autres peuvent s’exprimer couramment en français. D’autres familles passent d’une langue à l’autre chez eux, dont le français. Mais on ne les retrouve pas, non plus, dans la colonne des francophones.

Quand Bazo répète comme un perroquet que Montréal s’anglicise, ce n’est pas davantage exact. Il faudrait plutôt dire que la ville s’allophonise. Mardi, en faisant mes courses, j’ai tendu l’oreille attentivement. J’ai entendu parler anglais, évidemment. Mais pas tant que ça. J’ai reconnu l’arabe, l’espagnol et le chinois notamment. J’ai aussi entendu d’autres langues que je n’ai pas pu identifier. Cette ville, l’immigration aidant, est de plus en plus multilingue.

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Qu’est-ce que l’« extimité » ?

Image1Paul

Savez-vous ce qu’est l’extimité ?  Le mot a été forgé par Jacques Lacan en 1969 en opposition au terme intimité. Le psychanalyste définissait cette notion comme l’« extériorité intime ». « Elle visait initialement, peut-on lire dans Le Monde, à souligner l’absence de rupture entre espace public et espace privé. »

Aujourd’hui, le terme a été repris pour décrire le dévoilement de « son espace intime sur les réseaux sociaux ». Depuis 2007, par exemple, je raconte ma vie dans les Carnets de Paul Roux. Récemment, j’ai parlé de notre anniversaire de vie commune, à Lise et à moi, ainsi que de mes 79 ans. En faisant ainsi part de mon intimité à mes lecteurs, je fais de l’extimité.

Bonne nouvelle : s’exposer sur Facebook, Instagram ou TikTok peut avoir des effets thérapeutiques. C’est ce que prétendent, en tout cas, certains psys. Cela permettrait d’assumer sa personnalité face aux normes sociales. Selon le psychiatre Serge Tisseron, le désir de se raconter serait en effet inhérent à l’humain ; il pourrait notamment améliorer l’estime de soi.

Après 17 années de carnets, j’ai tendance à le croire. J’ai l’impression d’avoir beaucoup gagné en confiance.

Bien entendu, cette quête d’authenticité, pour être bénéfique, ne doit pas tomber dans l’artificialité ou la superficialité.

Eh oui ! 79 ans déjà !

paul79

Je soufflerai en ce lundi mes 79 bougies. Façon de parler, bien sûr, car il n’y a pas de gâteau assez grand pour en contenir autant. Et il me paraît peu probable que mon souffle parviendrait encore à toutes les éteindre.

Quelques petits malins de mon entourage se sont fait un plaisir de me souligner que j’entreprendrai du coup ma 80e année. La chose est incontestable. Cela dit, pour fêter mon entrée dans le quatrième âge, j’attendrai à l’an prochain, si vous le voulez bien. Non que cette arrivée dans le grand âge me fasse peur ; je serai prêt. Mais laissez-moi encore un an parmi les septuagénaires, le temps de boucler une décennie que j’ai beaucoup aimée. Ce fut même la plus belle de toute ma vie.

Bien sûr, comme je l’ai souligné dans mon bilan de fin d’année, j’ai trouvé l’actualité bien lourde en 2023, avec ses guerres sanglantes et une accélération du dérèglement climatique. À tel point que je me suis parfois senti coupable d’être à ce point heureux. Les nouvelles étaient si mauvaises !

Malheureusement, je ne m’attends pas à ce qu’elles soient bien meilleures en 2024. Ma boule de cristal ne voit pas toujours pas de fin à la guerre en Ukraine et le siège de la bande de Gaza risque d’être encore bien long. En revanche, la boule laisse voir très clairement feux de forêt, canicules, inondations, ouragans, sécheresses, tornades et typhons. Dans ces conditions, l’optimisme m’apparaît comme un déni de la réalité, comme un jovialisme qui nous aveugle. Tout compte fait, je préfère le « gai désespoir » du philosophe André Comte-Sponville, qui nous invite non pas à espérer, mais à agir.

Pour ma part, j’aspire cette année à retrouver plus de légèreté. Grâce à l’humour, bien sûr. Grâce à l’amour, assurément. Grâce à la méditation, évidemment, Grâce à la musique aussi.

J’écoutais récemment l’Adagio du concerto pour clarinette de Mozart. Wolfang, dont c’était le dernier opus, nous amène haut, très haut. J’ai l’impression de me retrouver dans l’œil du puissant télescope James Webb, qui nous a révélé un univers de 13 milliards d’années. Notre Terre paraît soudain si minuscule. Ce n’est qu’une petite planète qui tourne autour d’une étoile comme il en existe entre 200 et 400 milliards, juste dans notre galaxie. Or des galaxies, on en compte au moins 2000 milliards, et ce recensement date de Hubble, avant Webb. Bref, l’univers est tellement grand que j’en ai le tournis. Trop grand en fait pour que je puisse, avec ma petite tête d’homme, en saisir l’immensité.

Le catholicisme de mon enfance nous mettait au centre de l’univers. Les images de Webb rendent cet « astrocentrisme » ridicule. Nous sommes plutôt des poussières d’étoiles, comme le disait si bien le grand Hubert Reeves, mort l’an dernier. Des poussières d’étoiles filantes, auraient ajouté les Cowboys Fringants.

Ces poussières, il me plaît de les imaginer légères, si légères. Et tellement lumineuses !

45 ans d’amour !

lise et paul 1

En janvier, Lise et moi fêtons plusieurs anniversaires. Celui de Lise, dès le premier. Le mien, le 15. Et le 12, celui de notre rencontre. En fait, nous nous sommes connus le 6 janvier 1979, dans un groupe sur les énergies subtiles, où nous avons fait de nombreux exercices ensemble. Nous nous étions tout de suite plu. Mais Lise était mariée et mère de deux enfants. À la fin du stage, je l’ai vue disparaître dans une tempête hivernale. Je ne pensais pas la revoir un jour.

Lise et Paul 1990Puis surprise ! Dès le vendredi suivant, je reçois un coup de fil. C’était Lise. Elle avait réussi à obtenir mon numéro. Il était tôt. Enfin, tôt pour moi. Elle ignorait que je me couchais au petit matin. Elle s’est tout de suite rendu compte qu’elle venait de me réveiller. « Préfères-tu que je te rappelle ? » m’a-t-elle demandé d’une voix hésitante. « Non, non ! » ai-je aussitôt répondu, craignant qu’elle ne me rappelle jamais. Nous avons convenu de dîner ensemble. Quand je suis allé la prendre à son travail, il y avait au moins un pied de neige sur le toit de mon auto, que je n’avais pas pris la peine de déneiger.

Nous avons passé tout l’après-midi ensemble. Avant de partir, elle m’a demandé s’il y avait une « petite place » pour elle dans ma vie. J’ai dit oui. Rapidement, la petite place est devenue grande. Quarante-cinq ans plus tard, elle l’est toujours. Prochain cap : cinquante. Et soixante ? Pourquoi pas ! Quand on est heureux, le temps passe si vite !

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lise et paul 3

Quarante-cinq ans ! Une rencontre qui a bouleversé ma vie et celle de mon mari du moment (Jacques) et nos deux jeunes enfants (Antoine et Étienne). Je dis toujours que l’arrivée de Paul dans ma vie fut un tsunami. Un tourbillon de changement fait de peur, d’espoir, de confiance, d’audace, de liberté, de force, de vulnérabilité… dans ce « oui, je me choisis ». Toute cette puissance intérieure pour transformer cette réponse positive en tenant compte des peines infligées à mon entourage. Je suis fière de dire que Jacques et moi avons réussi, avec le temps, à vivre notre séparation dans un respect de soi et de l’autre. Nous avons été assez adultes pour éviter les pièges de la haine et des accusations. Nos enfants ont navigué dans ce tourbillon avec le plus de sécurité possible. Ils se savaient aimés.

lise et paul -egoportraitMa vie avec Paul fut une broderie de mille émotions et transformations. Quarante-cinq ans d’une route amoureuse… il y en a des couleurs dans cette vie du « je » et de « nous ». Quarante-cinq ans plus tard, moi qui ai osé lui demander une petite place, je vis en toute légèreté et liberté cet amour que nous avons su nourrir et préserver. Je suis toujours amoureuse ! J’aime ma vie à ses côtés ! J’aime prendre soin de moi et qu’il prenne soin de lui ! J’aime nos espaces personnels ! J’aime nos espaces à nous !

La petite place demandée s’est agrandie en symbiose avec le cœur qui s’agrandit continuellement et inconditionnellement. Je suis aimée ! J’aime !

Je suis enchantée de vieillir avec Paul, mon vieux complice, mon amour et mon ami.

lise et paul - arche 2014

Kidnapper et « brief du Monde »

Un grand pourfendeur d’anglicismes a reproché à France Beaudoin d’avoir employé « kidnapper ». La populaire animatrice s’est défendue en alléguant que ce verbe se trouve dans les dictionnaires. Je suis d’accord. Ce mot, il est vrai, est dérivé de l’anglais to kidnap. Mais il est employé depuis près d’un siècle comme synonyme de « enlever (une personne) ». Pourquoi pas, d’autant qu’il s’intègre bien au français !

En matière d’anglicismes, je ne suis pas un puriste. Je n’encourage pas les traductions du type gazouillis pour tweet, gaminet pour T-shirt ou coup d’écrasement pour smash (au tennis). Ces tentatives, souvent infructueuses, m’agacent. Pourquoi chercher à remplacer des mots qui sont solidement implantés dans l’usage ? Pourquoi s’attaquer au moindre emprunt à l’anglais, y compris à des mots francisés il y a parfois plus d’un siècle ?

Cela dit, je ne suis pas un laxiste non plus, contrairement aux auteurs de l’essai Le français va très bien, merci, pour qui notre langue serait capable d’accueillir une infinité d’emprunts. Pour ces linguistes, « la langue a le sens pratique, elle emprunte pour s’enrichir ». Admettons. Mais le français s’enrichit-il vraiment quand il remplace des mots français par des termes anglais qui disent exactement la même chose ? Notre langue se bonifie-t-elle, par exemple, quand elle parle des news plutôt que des infos ou des nouvelles ? Avez-vous perçu là une nuance que je n’ai pas saisie ?

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