Le mois d’avril-ne-te-découvre-pas-d’un-fil, c’est un peu moche au Québec.
Quand j’ai annoncé triomphalement la fin de notre quarantaine, un ex-collègue m’a lancé : « Tu vas voir, il n’y a pas une grande différence entre la quarantaine et le confinement. » C’est vrai. Mais il y en a une, et pour nous elle est fondamentale : nous pouvons aller marcher au grand air. J’espère que personne n’aura la mauvaise idée de nous l’interdire, comme le fait tristement l’Espagne, qui ne s’en porte pas mieux. Et ne nous attaquons pas aux joggeurs, comme le fait Paris. Ils ne propagent pas la peste. Ils vont un peu plus vite que nous, c’est vexant, mais de là à les condamner à l’immobilité.
Dès le premier jour post-quarantaine, que dis-je, dès la première heure, sitôt levée, Lise a chaussé ses runnings pour aller marcher le long du canal de Lachine. Elle s’en rendue jusqu’au marché Atwater. Pour ma part, j’ai attendu que sonnent les dix heures et je me suis arrêté à la rue Charlevoix. Aller-retour, ça fait tout de même cinq kilomètres. Pour le moment, ça me suffit.
Pour notre première journée, nous avons eu la chance d’un soleil éclatant, même si le temps était un peu frisquet. Le lendemain, Lise, toujours matinale, est partie avant la pluie. Quand je suis sorti, il pleuvait un peu, mais pas assez pour arrêter un homme qui n’a presque pas marché depuis un mois. Le plus désagréable, en fait, ce fut un vent de face, au retour, qui soufflait le froid du Nord. Et ce matin, il pleuvait vraiment ; nous sommes restés au chaud et au sec dans l’appartement.
Il faut dire qu’il y a deux mois à peine, je déambulais sous le soleil de la Costa del Sol, où le mercure dépassait fréquemment les 25 degrés, où il y avait plein de fleurs et où on sentait le parfum des orangers. Ici, c’est à peine si les bourgeons sont sortis. Le mois d’avril-ne-te-découvre-pas-d’un-fil, c’est un peu moche au Québec, parole de snowbird.
Pour le reste, nous avons repris notre vie de confinement, laquelle, il est vrai, a des allures de quarantaine. Yoga, méditation, repas, soins corporels, lecture, musique, série télé, dodo. Parfois, apéro virtuel avec des proches. Tout cela n’est pas désagréable du tout.
Cependant, on s’ennuie de certaines activités. Lise, grande adepte de la biodanza, a pu en faire une séance grâce à la plateforme Zoom. Mais le contact avec les autres danseurs lui a manqué.
De mon côté, mes dîners italiens du vendredi sont différés pour une période indéfinie. Fini les « ciao, come stai ? » Pour ce qui est de mes rencontres de conversation anglaise, elles ont repris, mais sur une plateforme virtuelle. L’ennui, c’est que je n’ai pas très envie de parler à des gens que je ne verrai même pas. Alors, pour garder bien vivantes mes langues secondes, je regarde « Un posto al sole », un feuilleton italien, cinq fois par semaine, et des séries en anglais sur Netflix.
Pour ce qui est de l’espagnol, j’ai laissé tomber. De prime abord, je n’ai pas l’intention de retourner en Espagne ou d’aller visiter les pays hispanophones du Sud. Et puis, mon cerveau vieillissant rechignait à faire une quatrième place à l’espagnol, condamnant Cervantes à jouer du coude avec Dante pour occuper la troisième. Les mots tournaient dans ma tête comme des moulins à vent. C’était l’enfer !
Bon, j’exagère un peu. Mais ça engendrait un sabir italospagnol pas très joli. J’ai donc décidé de m’en tenir à la langue de la Grande Botte, que je pratique depuis 25 ans et à laquelle je tiens beaucoup.
Je ne regrette toutefois pas d’avoir consacré quelques mois à l’apprentissage de l’espagnol avant le voyage, car nombre d’Espagnols ne parlent pas anglais, même dans les villes touristiques. Ainsi, pour acheter une carte SIM à Torremolinos et à Granada, il m’a fallu sortir mon petit espagnol, personne ne connaissant la langue du business international chez Orange. À Granada, notre logeuse ne parlait que sa langue ; pas très commode au téléphone. Et à Cordoba, la jeune femme qui nous a accueillis se débrouillait en anglais « solo un poco ». Bref, mon espagnol, si rudimentaire soit-il, m’a tiré d’embarras à bien des reprises.
Lise vous fait ses amitiés. Je vous embrasse de loin (il paraît que la distanciation va durer tout l’été). Faudra s’y faire.