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Archives de octobre, 2023

Les jours heureux : exigeant et réussi !

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Sophie Desmarais dans Les jours heureux.

Le dernier film de Chloé Robichaud n’est pas un film sur la musique. C’est d’abord l’histoire d’Emma, jeune et talentueuse cheffe d’orchestre qu’on découvre au cours d’une période-charnière de sa vie. Mais la musique, qui va de Mozart à Malher en passant par Schoenberg, témoignera de son évolution.  La jeune femme progressera sur le chemin de son autonomie en s’attaquant à des œuvres aux émotions fortes et violentes.

Dans le rôle principal, Sophie Desmarais, une comédienne à l’aise dans tous les genres, est encore une fois remarquable. On raconte qu’elle s’est entraînée fort avec Yannick Nézet-Séguin pour incarner une cheffe d’orchestre crédible. Mission accomplie. L’actrice pousse le souci du détail jusqu’à être capable de dissocier la gestuelle de ses deux mains, comme le font les vrais chefs. Le reste du rôle n’en est pas moins terriblement exigeant, Emma devant évoluer dans une liaison amoureuse compliquée et une relation parentale toxique, notamment avec son père. Encore là, mission accomplie.

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Être ou ne pas être « woke » ?

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Une scène du film « Testament », où une fresque jugée offensante pour les Premières Nations est couverte de peinture.

Il est amusant de constater que le mouvement anti-woke occupe un large spectre, allant de l’extrême droite, pour qui le wokisme est le mal absolu, jusqu’à englober une partie de la gauche. C’est ainsi qu’on voit Mathieu Bock-Côté (dans le champ droit) et Frédéric Beigbeder (dans le champ gauche) être invités un peu partout, en France comme au Québec, pour dire qu’ils ne peuvent plus rien dire. Pour des penseurs condamnés au silence, il me semble qu’ils parlent beaucoup.

Pour ma part, je n’hésite pas à me définir comme woke dans la mesure où je suis sensible aux injustices et aux discriminations subies par les minorités. Je suis notamment touché par le racisme systémique qui frappe, chez nous comme ailleurs, les communautés autochtones, noires ou arabes. Être woke, c’est d’abord être éveillé, conscientisé, engagé. Je m’efforce de l’être.

En revanche, je ne suis pas facilement offensé. Je suis plus enclin à l’ironie et à la moquerie qu’à l’indignation et à la colère. J’essaie de comprendre avant de m’enflammer. Et j’ai du mal à me mobiliser si je décèle de l’intransigeance dans les luttes pour combattre les inégalités.

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Vers un avenir radieux ? Ah bon !

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J’hésite un peu à vous l’avouer, car j’aurais bien aimé vous dire le contraire, mais je me suis plutôt ennuyé en allant voir Vers un avenir radieux. Bien sûr, comme toujours, j’ai adoré entendre parler italien (et on parle beaucoup dans le dernier Moretti). J’ai bien aimé aussi revoir Barbora Bobulova, une actrice slovaque qui fait carrière en Italie, excellente ici dans le rôle de Vera, l’enthousiaste adjointe du maire communiste.

Le sujet ne manque pourtant pas d’intérêt. Un cinéaste en fin de carrière, qui peine à réaliser son nouvel opus, s’interroge sur l’avenir de son art, menacé par les plateformes à la Netflix. Sa femme, qui est aussi sa productrice, se questionne plutôt sur les lendemains de son couple.

Moretti dit s’être inspiré du Fellini de Huit et demi. Mais n’est pas Fellini qui veut. Là où son grand devancier a réussi un chef-d’œuvre en jonglant avec l’amour et le cinéma, Moretti a plutôt produit un long métrage bavard et confus. Certaines scènes sont interminables, en particulier celle où le vieux cinéaste intervient sur le tournage d’un jeune collègue, lui reprochant le dénouement hyperviolent de son film. Je veux bien croire que l’on est ici dans la fantaisie, mais la scène est peu crédible et le propos est cliché.

Les critiques québécois ont accusé Denis Arcand d’être réactionnaire avec Testament. À tort, à mon avis. Mais je ne crois pas me tromper en affirmant que Moretti se montre ringard et passéiste dans Vers un avenir radieux. Comme le dit un blogueur sur Allociné, le réalisateur ressasse des obsessions qui étaient charmantes à l’époque de Journal intime, mais qui sont devenues depuis agaçantes et énervantes.

La scène finale (attention, je suis en train de la divulgâcher) est surprenante et peu convaincante elle aussi. Après nous avoir fait traverser bien des crises, le film soudainement les surmonte. « Grâce au cinéma, nous dit le réalisateur, qui a le pouvoir magique de nous faire redécouvrir la légèreté et l’envie d’être heureux ». Ah bon ! On a beau être dans un film italien, c’est un peu fort de café.

Vers un avenir radieux **1/2

La candidate triomphe !

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Catherine Chabot est éblouissante dans La candidate.

J’aime bien regarder une série en rafale. C’est pourquoi, par exemple, j’attends avant de me lancer dans la saison 2 d’Avant le crash, même si je piaffe d’impatience. Un épisode par semaine, ce n’est vraiment pas mon rythme.

Pour La candidate cependant, l’attente n’était pas nécessaire puisque l’Extra de TOU.TV nous l’offre en primeur. Ma compagne et moi avons donc dévoré les dix épisodes en trois jours, et il a fallu se retenir pour ne pas le faire en deux tant cette série nous a emballés.

Cette belle réussite s’appuie d’abord sur le solide scénario d’Isabelle Langlois, qui s’est inspirée du parcours inusité de Ruth Ellen Brosseau. Cette candidate-poteau avait tellement peu de chances d’être élue qu’elle n’a jamais fait campagne. Elle était même en vacances à Las Vegas le jour des élections. Mais surprise : à la faveur de la vague orange qui a vu 59 députés néo-démocrates élus au Québec en 2011, cette gérante de bar à Ottawa, qui parlait peu français, avait enlevé la circonscription de Berthier-Maskinongé.

La candidate ne raconte pas exactement son histoire. Mais Isabelle Langlois s’est servie de ce scénario inusité pour créer un personnage de candidate dont on voulait seulement « la belle face sur les pancartes », mais qui se retrouve, contre toute attente et malgré elle, à l’Assemblée nationale. La minisérie raconte les péripéties rocambolesques de la première année de son mandat.

L’autre ingrédient fort de cette minisérie, c’est son actrice principale, Catherine Chabot. J’avais découvert, et remarqué, cette superbe comédienne dans les films Lignes de fuite et Le guide de la famille parfaite. Dans La candidate, elle est éblouissante. Difficile de ne pas tomber sous le charme. Qui plus est : elle donne le la à une distribution remarquable, où apparaissent notamment Valérie Tellos, en cheffe de cabinet déjantée, et Christian Bégin, en vieil écrivain alcoolo.

La série ne se maintient pas toujours au niveau du premier épisode, un petit chef-d’œuvre, mais elle ne s’essouffle jamais.

La candidate ****1/2

la-petite-vieL’Extra offre aussi en primeur La petite vie 30 ans après, au grand déplaisir de son auteur, rappelons-le. Dans ce cas, l’intérêt de regarder les six nouveaux épisodes en rafale est moins grand. C’est comme trop de crème glacée, ça finit par tomber sur le cœur. L’humour de cette série est si atypique, si absurde que je suis incapable d’en absorber trop à la fois. D’ailleurs, si j’avais adoré les deux premières saisons, il y a une trentaine d’années, j’avais décroché au cours des deux dernières. À mon avis, l’effet de surprise disparu, les épisodes finissaient par se ressembler.

C’est un peu le cas ici. Les comédiens ont 30 ans de plus, mais les personnages n’ont pas changé. Pour le meilleur et pour le pire. Cela dit, ils restent tous très bons. Pour ma part, j’ai un faible pour Diane Lavallée (Thérèse) et pour Marc Messier (Réjean). Quant aux répliques, elles continuent de fuser, plus folles les unes que les autres. Il y a là des trouvailles, des perles, des traits d’esprit, de l’inattendu, où l’on reconnaît le génie de Meunier. J’ai parfois ri de bon cœur. Dans l’ensemble toutefois, j’ai plus souri que rigolé.

Cela dit, les nouveaux épisodes s’intègrent bien à cette série-culte, dont la popularité, loin de se démentir depuis 30 ans, devrait durer des décennies encore.

La petite vie ***1/2

Un an de bonheur à L’Île-des-Sœurs

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D’ici quelques jours, nous fêterons notre premier anniversaire à L’Île-des-Sœurs. Nous ne regrettons pas notre choix, bien au contraire, tant ce fut une année de pur bonheur. S’il y a un regret, c’est de ne pas nous y être installés plus tôt. Nous aurions dû choisir l’île quand nous avons vendu notre condo de Griffintown, au lieu d’aller crécher entre le Palais des Congrès et la Caisse de dépôt et placement.

En 2014, quand nous avons séjourné quelques mois dans la vallée de l’Okanagan, nous avons souvent rencontré des gens qui nous disaient vivre au paradis. Nous, c’est dans cette petite île, à deux pas du centre-ville de Montréal, que nous avons trouvé notre coin de paradis. Nous ne sommes pas les seuls à adorer y vivre. Juste dans notre immeuble, nous avons croisé plein de gens qui se trouvent chanceux d’habiter à L’Île-des-Sœurs.

Cependant, nous avons aussi entendu des insulaires, notamment sur le Forum de L’Île-des-Sœurs, se plaindre de ce que l’île est devenue. En 1990, quand nous sommes venus y visiter quelques copropriétés, avant d’opter finalement pour le Plateau, il est vrai qu’il y avait moins de tours.

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À la défense de « Testament »

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J’ai toujours aimé l’humour corrosif de Denis Arcand, car il fait des trous dans nos certitudes et nos croyances. Avec l’âge, l’ironie du réalisateur de 82 ans est devenue encore plus décapante. Ses œuvres ressemblent de plus en plus à des comédies à l’italienne, où l’auteur s’amuse, non sans malice, des travers de notre société.

On ne sera donc pas surpris que j’aie adoré son dernier film, Testament, celui-là même que la critique se plaît à éreinter.

Je ne reproche pas aux journalistes d’étriller le dernier opus d’Arcand. En tant qu’ex-critique de cinoche, je reconnais à chacun le droit d’aimer ou pas un film. En revanche, le choix des mots employés pour démolir sa nouvelle réalisation me fait tiquer. Avec une belle unanimité, on reproche au patriarche du cinéma québécois d’avoir des idées réactionnaires. Je vois là une forme d’âgisme certaine. On n’est pas loin du « vieux réac ». L’accusation est grave, mal étayée et fort injuste.

On emploie habituellement le terme réactionnaire pour qualifier quelqu’un de droite, voire d’extrême droite, d’antiprogressiste, de conservateur, de passéiste. Arcand ne mérite aucune de ces épithètes.

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À la défense de l’Extra de Tou.Tv

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Invité à Tout le monde dit n’importe quoi, dimanche dernier, Claude Meunier a critiqué vertement la décision de Radio-Canada de présenter les six nouveaux épisodes de La petite vie à l’Extra d’Ici Tou.Tv avant de les diffuser à la télé publique. L’auteur-comédien n’est pas le premier à critiquer la priorité parfois accordée à cette chaîne en continu. En tant qu’abonné un brin agacé par ces attaques, j’aimerais présenter un point de vue différent.

Je ne connais pas les chiffres exacts, mais nombreux sont ceux qui, tout comme moi, abandonnent le câble, préférant la diffusion en flux, mieux connue sous l’appellation streaming. Sans doute pour ne pas laisser tout le monde s’envoler vers Netflix ou Crave, Radio-Canada a créé sa propre plateforme : Ici Tou.Tv, dont l’Extra offre quelques primeurs. On peut s’y abonner pour 6,99 $, une fraction de ce que demandent les autres diffuseurs. Bref, c’est le meilleur rapport prix/qualité sur le marché.

Est-ce que cette modique somme fait de nous des privilégiés, en marge du grand public ? Si privilège il y a, il est bien relatif. Je tiens à préciser, en effet, que je ne voyage pas en jet privé (je n’ai même pas pris l’avion depuis plus de trois ans). Je ne suis pas invité aux soirées de Bill Gates ou de Jeff Bezos. Je ne vais pas non plus chasser ou pêcher dans le Grand Nord en hélicoptère. Je n’ai même pas d’auto.

Rappelons le prix : 6,99 $, l’équivalent d’un cappuccino dans nos cafés chics. Est-ce si terrible ? Ne mérite-t-on pas, à l’occasion, une primeur ? Moi, en tout cas, j’aime bien en profiter. J’ai vu en trois jours les dix épisodes de La candidate. Un bijou de série ! Et les sept nouveaux chapitres de Lupin terminés, en deux jours, je m’apprête à me lancer dans La petite vie. J’ai bien hâte. Je vous en reparle bientôt.

Changement ou dérèglement climatique ?

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Image par Gerd Altmann de Pixabay

Dans son nouveau texte consacré à l’environnement, le pape François parle du dérèglement climatique. Cette expression me paraît beaucoup plus juste que « changement climatique », qu’on entend habituellement.

En français, le mot « changement » est neutre. Il décrit simplement le fait de changer, de se modifier. On peut changer en bien ou en mal. Un changement, si l’on se fie au Grand Robert, peut se traduire par une augmentation comme par une diminution. Il peut engendrer une amélioration comme une détérioration, un renouvellement comme un bouleversement, une innovation comme une altération.

Qu’on utilise la location au singulier ou au pluriel, les changements qui affectent notre « maison commune », comme l’appelle le pape, n’ont rien de positif. « Nul ne peut ignorer, écrit François, que nous avons assisté ces dernières années à des phénomènes extrêmes, à de fréquentes périodes de chaleur inhabituelle, à des sécheresses et à d’autres gémissements de la Terre qui ne sont que quelques-unes des expressions tangibles d’une maladie silencieuse qui nous affecte tous. »

C’est pourquoi « Laudate Deum » parle du dérèglement climatique, expression plus dramatique sans doute, mais beaucoup plus vraie. C’est celle que j’emploierai désormais.

Soit dit en passant, je ne suis plus catholique depuis fort longtemps. Je ne suis donc pas plus catholique que le pape. Mais je partage son combat en faveur de l’écologie.