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Archives de juillet, 2022

Un meurtrier prolifique ?

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Luc Picard dans Confessions (Photo : Éric Myre)

J’avais décidé récemment de ne plus écrire sur le français, en particulier pour critiquer certains usages. Mes premières fiches linguistiques datent de l’époque où j’ai été nommé directeur de la section de révision et de correction du Soleil, il y a 50 ans. Cela ne me rajeunit pas. Et ne me passionne plus.

Cela dit, quand j’entends répéter ad nauseam « le prolifique tueur à gages Gérald Gallant », mon sang d’ancien conseiller linguistique ne fait qu’un tour. Je me fais un sang d’encre. Ce qui me turlupine, c’est que cet adjectif décrit habituellement une qualité. « Prolifique » s’emploie pour décrire quelqu’un « qui produit beaucoup ». On peut dire, par exemple, que Balzac était un auteur prolifique ou que Gretzky était un buteur prolifique. Mais peut-on dire d’un tueur à gages qu’il est prolifique ? Cet emploi me gêne. Il faut se garder de faire d’un tueur un héros, fût-il le personnage principal d’un film. Je dirais plutôt que Gérald Gallant était le tueur à gages le plus meurtrier ou le plus funeste du Québec.

Par ailleurs, je n’ai pas encore décidé d’aller voir « Confessions ». Pour être honnête, je ne suis pas un fan de Luc Picard, ni comme comédien ni comme réalisateur ; or dans ce thriller, il est l’un et l’autre. Mais les échos que j’en ai sont favorables. Qui plus est, ils viennent de personnes en qui j’ai confiance. Alors, peut-être me laisserai-je finalement tenter.

Deux excellents films !

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Voir deux films forts dans la même semaine, c’est rare, pour ne pas dire rarissime, particulièrement l’été. C’est pourtant ce qui m’est arrivé la semaine dernière.

Le premier, « En corps » n’est pas une surprise. J’aime beaucoup le cinéma de Cédric Klapisch. Même ses œuvres un peu moins réussies sont intéressantes. Et parfois, comme dans cet opus merveilleusement tourné sur la danse, ce réalisateur français touche au sublime.

« En corps », c’est l’histoire d’une danseuse qui se blesse gravement, au point où sa carrière est compromise. C’est une histoire de courage, de résilience, d’espoir. C’est aussi un film sur la beauté qui naît de l’art et qui nous nourrit.

Marion Barbeau (ci-dessus), qui faisaient ses premiers pas au cinéma, est lumineuse dans ce rôle exigeant où elle doit passer de la danse classique à la danse contemporaine. Le charme de ce film, dont on sort heureux et ébloui, lui doit beaucoup.

De « Lignes de fuite », en revanche, on sort plutôt abasourdi, sonné. Ce film tiré d’une pièce de Catherine Chabot, excellente tant comme comédienne que comme scénariste, commence pourtant sous des dehors de comédie. On rigole beaucoup jusqu’à ce que la rencontre entre trois copines du secondaire et leurs conjoint(e)s, qui devait être une fête, tourne carrément au vinaigre. Là, quand on rit encore, c’est qu’on rit jaune. Le vernis de l’amitié craque vite quand ces trois couples dépareillés sont confrontés à leur vision de l’avenir.

Ce film québécois m’a fait penser à « Parasite », ce film coréen oscarisé où tout aussi dégénérait sur fond de tempête. Brillant et saisissant !

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« Vox pop » ou « micro-trottoir » ?

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La dame de la publicité de la CAQ.

Je ne reviendrai ni sur la banalité des propos qu’en entend dans la publicité préélectorale de la CAQ ni sur l’exploitation de la vieille dame qui les a tenus. Sinon pour dire que cela ne nous promet pas une campagne électorale d’un haut niveau.

Je retiendrai seulement qu’on a parfois désigné le témoignage de la dame comme un « vox pop ». Selon Le grand dictionnaire terminologique, il s’agit de la forme abrégée de « vox populi », mots latins signifiant « voix du peuple ». L’expression désigne chez nous un sondage rapide et officieux, effectué dans la rue et utilisé par les médias sur un sujet d’actualité. Soit dit en passant, c’est rarement passionnant, même si les chefs de nouvelles en réclament sans cesse.

Dans son dictionnaire, l’Office ne condamne pas « vox pop », mais donne comme synonyme « micro-trottoir », terme qu’ont utilisé quelques médias pour parler de la publicité de la CAQ. Le mot est si peu clair que les journalistes devaient expliquer son sens. Qu’est-ce qu’un micro-trottoir, en effet ? Un trottoir minuscule ? Un microphone tendu sur le trottoir ?

Il est vrai que « vox pop » est un emprunt à l’anglais. Mais faut-il bannir systématiquement tous les anglicismes ? Non, bien sûr. Qu’il s’agisse d’un emprunt direct, d’un calque ou d’un faux ami, il faut se demander si l’anglicisme comble un besoin, s’il s’intègre bien au français ou, au contraire, s’il concurrence une locution ou un mot pour lequel notre langue possède déjà un ou plusieurs équivalents.

Dans le cas qui nous occupe, les réponses sont simples. Le français n’a pas de mot pour désigner ce type de sondage improvisé. « Vox pop » comble donc un besoin. De plus, son origine latine fait qu’il s’intègre bien au français. Alors, pourquoi vouloir lui substituer un terme venu de nulle part, que personne ne comprend ? C’est du pur purisme, non !

« Presque » : pour se sentir léger

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Alexandre Jollien et Bernard Campan dans « Presque ».

Nous n’étions que trois pour voir « Presque » au Quartier Latin, et c’est bien dommage, car on ressort de ce petit film plus serein, plus heureux. C’est ce que les Américains appellent « a feel-good movie ». Alors, si le sujet vous intéresse, courez voir ce « road movie » (autre expression presque intraduisible), car il ne restera pas longtemps à l’affiche.

L’intrigue est construite autour d’Alexandre Jollien, qui joue dans « Presque » un personnage qui lui ressemble beaucoup dans la vie. Ce philosophe est né infirme moteur cérébral, « un handicap qui affecte la motricité de son corps et la fluidité de son langage ». Petit avertissement au passage : à moins que vous n’ayez l’ouïe très fine, il est possible que vous ayez un peu de mal à comprendre Jollien, même s’il s’efforce de bien articuler.

Ce philosophe est bien connu depuis qu’il a participé, en compagnie du moine Matthieu Ricard et du psychiatre Christophe André, aux entretiens de « Trois amis en quête de sagesse ».

Dans « Presque », Jollien joue le rôle d’un livreur de produits bio qui poursuit sa quête de sagesse en s’inspirant des philosophes. Cette recherche le mène de Lausanne à Montpellier à bord d’un corbillard, en compagnie d’un croquemort et de deux morts. Ne vous inquiétez pas, ce n’est ni glauque ni morbide. Au contraire, on rit beaucoup, on a parfois les larmes aux yeux et on en ressort léger, léger, prêt à s’envoler.

Un Zemmour venu d’Égypte

Au cours d’une promenade dans le Vieux-Port, nous arrêtons, ma compagne et moi, sur un banc pour faire une pause. Un homme s’approche de nous et la conversation s’engage. Nous apprenons qu’il est arrivé à Montréal, depuis l’Égypte, pendant l’année de l’Expo. Une belle époque, nous dit-il, dont il éprouve la nostalgie.

Sa remarque nous interpelle. Il nous arrive aussi de regretter cette période où le Québec de la Révolution tranquille s’ouvrait au monde. La Belle Province était alors bien plus progressiste qu’identitaire. Mais nous découvrons rapidement que, si notre interlocuteur s’ennuie du Montréal des années soixante, ce n’est pas pour les mêmes raisons. Au contraire, il s’agit d’un admirateur d’Éric Zemmour, ce polémiste d’extrême droite qui a presque réussi à faire passer Marine Le Pen pour une modérée, pendant la dernière élection présidentielle en France.

Je le soupçonne de faire partie de cette minorité chrétienne qui a quitté l’Égypte de Naser, où elle n’était plus la bienvenue. Bingo ! J’ai raison. Pour lui, il y a les bons immigrants, ceux de l’après-guerre, issus justement de pays chrétiens, et les mauvais immigrants, ceux d’aujourd’hui, venus de pays musulmans. En quelques minutes, nous entendons tous les préjugés sur l’islam : « Ces gens-là ne s’intègrent jamais, ce sont des profiteurs, ils vont finir par nous remplacer, vous verrez ! » Sans compter cet incontournable : « Les infidèles doivent être égorgés ; si, si, c’est écrit dans le Coran. ! »

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Quinze jours à Wimbledon

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Elena Rybakova embrassant le trophée de la championne.

Non, je n’étais pas vraiment à Wimbledon. Et pourtant si, car grâce à la télé, je me suis installé au All England Club tous les jours depuis deux semaines, de 9 h le matin jusqu’au milieu de l’après-midi. Je n’ai fait que deux petites exceptions : pour me rendre à mon groupe de conversation en italien. Je ne suis pas allé au cinéma. J’ai peu écrit, peu lu, peu écouté de musique. Pendant ces grands tournois où je reste scotché devant le téléviseur, ma compagne se définit comme une « veuve du tennis ».

Au moins, contrairement à ce que j’avais fait pendant Roland-Garros, j’ai continué à marcher. Les matchs du jour terminés, je mettais mes chaussures de marche, je prenais mes bâtons et je partais vers le Vieux-Port.

Pour les drogués du tennis, la télé est devenue addictive. Je me souviens de l’époque lointaine où, en dehors des fins de semaine, il fallait se contenter d’un résumé de trente minutes en fin de soirée sur NBC. Maintenant, la télé est présente du début à la fin, chaque jour. Pire encore : sur une chaîne comme TSN, on ne vous offre pas que le match en cours sur le central. On vous propose trois ou quatre autres rencontres, voire davantage. La première semaine d’ailleurs, je ne m’en prive pas. Je regarde deux ou trois matchs en même temps, en me baladant d’un à l’autre.

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