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Archives de novembre, 2023

Ru : bouleversant ou ennuyant ?

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Si vous allez voir Ru, il est bien possible que vous trouviez ce très beau film touchant et plein de tendresse. Mais il n’est pas impossible non plus que vous jugiez cette adaptation du roman de Kim Thuy longue et ennuyante. Un spectateur averti en vaut deux.

Pour ma part, je fais partie de la première catégorie. Souvent pourtant, je suis déçu par les longs métrages tirés d’un livre. Ce n’est pas le cas ici, peut-être parce que le film est très différent de l’œuvre initiale. Non pas que les scénaristes aient modifié les faits. L’histoire racontée est pour l’essentiel la même : c’est celle d’une famille vietnamienne riche qui a dû fuir Saïgon en catastrophe et qui est venue refaire sa vie dans une petite ville du Québec après une traversée en mer périlleuse et un séjour atroce dans un camp de réfugiés.

Mais le réalisateur Charles-Olivier Michaud et son scénariste Jacques Davidts ont tiré de ce récit autobiographique un film qui s’est affranchi du livre. Ils ont réussi l’adaptation d’une œuvre qu’on disait inadaptable en y restant fidèle, mais sans en demeurer prisonniers. C’est un exploit rare.

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Karl, la voix d’une nation ?

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Il y a quelques jours, quand j’ai appris la mort de Karl Tremblay, j’ai bien senti que quelque chose de grave se passait. « Comme des centaines de milliers de Québécois de tous les âges, de toutes les conditions, a écrit Marie-France Bazzo avec un peu d’enflure, de battre mon cœur s’est arrêté. Les larmes coulaient, inépuisables, sorties de nulle part. »

Je dois avouer que je n’en ai versé aucune. De toute ma vie (78 ans tout de même au compteur), je n’avais entendu au complet qu’une chanson des Cowboys Fringants. Il s’agissait de Toune d’automne, qui m’avait paru un brin xénophobe et que je n’avais pas particulièrement aimée.

Devant l’ampleur de l’événement, j’ai cependant essayé de me rattraper. J’ai ouvert Spotify pour découvrir les chansons les plus connues du groupe. Je ne vais pas me mettre à écouter en boucle tous les disques des Cowboys de Repentigny. Mais j’ai quand même ajouté huit titres à ma liste d’écoute de chansons québécoises. Ma sélection comprend, bien sûr, Sur mon épaule et L’Amérique pleure. Ma préférée : Les étoiles filantes. J’en ai même regardé cinq enregistrements, qui vont du Gala de l’Adisq en 2008 (avec Robert Charlebois au piano) au spectacle sur les Plaines l’été dernier (1).

La poésie de Jean-François Pauzé est simple, mais touchante. Quant à la mélodie, sans fioritures elle aussi, elle est harmonieuse. Je saisis mieux maintenant l’enthousiasme suscité par le groupe depuis 27 ans et la douleur provoquée par la perte de son soliste. On ne peut qu’être bouleversé de voir le cancer faucher dans la force de l’âge un homme aussi attachant.

Cela dit, il me paraît exagéré d’entendre que Karl Tremblay était la voix de la nation. Car ce n’est pas la nation québécoise diversifiée, haute en couleur, multiethnique et plurilingue que chantent les Cowboys. C’est plutôt celle issue de la colonisation blanche et française. Je ne le dis pas pour choquer ; je constate tout simplement. Le « nous » des Cowboys ne me semble pas très inclusif.

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Sans rendez-vous : désopilant !

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Magalie Lépine Blondeau, éblouissante dans « Sans rendez-vous ».

Après un mois passé en compagnie du clan Pearson de This is Us, nous nous sentions un peu orphelins, Lise et moi. Comme je l’ai dit hier, la deuxième saison d’Avant le crash n’avait rien pour nous consoler. La solution : une série comique.

Aussi sommes-nous retournés à Sans rendez-vous, dont l’Extra d’Ici.Tou.Tv diffuse la troisième saison. Nous avions adoré la première mouture de cette comédie de situation qui se passe dans un centre de santé sexuelle. Un peu moins la deuxième, moins inspirée, il me semble. Mais la troisième nous a ravis. C’est la meilleure. Elle est si drôle, si loufoque, si désopilante, si audacieuse que nous en avons regardé ses dix épisodes en une seule soirée. Cela fait tellement de bien de rire autant.

Magalie Lépine Blondeau, que je n’avais pas beaucoup aimée dans Simple comme Sylvain, est ici éblouissante en infirmière-sexologue lesbienne. Cela dit, toute la distribution est remarquable. Et les textes de Marie-Andrée Labbé (qui avait aussi écrit 39 épisodes de Trop, une autre excellente série) sont géniaux.

Si vous n’êtes ni prude, ni homophobe, ni anti-woke, ni en titi, Sans rendez-vous devrait beaucoup vous plaire.

Sans rendez-vous ****1/2

This is Us et Avant le crash

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Nous venons de terminer les 106 épisodes de This is Us, une brillante série américaine diffusée sur NBC de 2016 à 2022 et maintenant offerte par Netflix. Nous avons avalé les six saisons en moins d’un mois, à raison de trois, quatre, voire cinq épisodes par soir. Je n’irai pas jusqu’à dire, comme je l’ai lu, que « c’est tout simplement la plus belle série que j’ai pu voir dans ma vie ». Il y a çà et là des longueurs et des redites qui freinent un tantinet mon enthousiasme, en particulier dans les deux dernières saisons. N’empêche que This is Us vient s’ajouter à ma liste des grandes séries.

Ce feuilleton raconte la vie de deux frères et d’une sœur, Kevin, Randall et Kate. nés le même jour et surnommés le « Big Three » par leurs parents, Jack et Rebecca Pearson, dont on suit aussi la trajectoire. Le récit n’est pas linéaire. Au contraire, on retourne constamment dans le passé des enfants, pendant leurs premiers mois, puis à cinq, à dix ou à seize ans. Parfois même, on nous dévoile des brides du futur. En général, ce va-et-vient est habilement ficelé. Il faut en féliciter les nombreux scénaristes. Loin de se perdre dans ces méandres, on y trouve des éléments pour mieux comprendre le présent. Mais il faut le dire, il y a des téléspectateurs que ces allers-retours indisposent.

D’autres reprochent à ce feuilleton conçu par Dan Fogelman de dégouliner de bons sentiments. Il est vrai que les personnages, dans l’ensemble, font preuve d’empathie et de bienveillance. Mais le scénario n’est pas pour autant fleur bleue, mièvre, gnangnan, à l’eau de rose ou cucul la praline. Les histoires racontées ne sont pas simples, encore moins simplistes. Les affrontements sont fréquents, parfois même durs, tant dans la fratrie que dans les couples. On s’aime certes, mais on s’affronte, voire on se sépare. Les difficultés de la vie ne sont pas escamotées, bien au contraire.

Au final toutefois, c’est toujours l’amour du clan Pearson qui sort gagnant. En cette période où les bruits de guerre nous parviennent tous les jours de Palestine comme d’Ukraine, où un leader d’extrême droite vient d’être élu en Argentine, où Trump est donné gagnant dans les sondages, où les cibles de réduction des gaz à effet de serre sont ratées les unes après les autres, où la CAQ offre avec désinvolture 5 à 7 millions de beaux dollars à un club de hockey milliardaire, il est réconfortant de regarder une série où les gens se soucient les uns des autres.

série2Après This is US, nous nous sommes lancés dans la deuxième année d’Avant le crash. Après trois épisodes, nous n’étions plus capables de supporter ces personnages ambitieux et égoïstes, qui, au contraire, ne pensent qu’à eux-mêmes. Bien sûr, le scénario reste solide et les acteurs sont excellents. Rien à redire. Mais après un mois passé en compagnie de la chaleureuse famille Pearson, le retour aux financiers implacables et sans scrupules d’Avant le crash nous était insupportable. Nous y reviendrons peut-être, mais pas tout de suite.

Faire son pain comme à la campagne

Je me suis remis à faire du pain. Comme avant. Enfin, pas tout à fait comme dans le bon vieux temps, car au lieu de faire mon pain à la main, j’ai acheté un beau bidule qui porte le joli nom de robot-boulanger. Malgré mes 78 ans, on ne peut dire que je ne sois pas techno. Pour la recherche de mes carnets, je me sers de ChatGPT, et pour pétrir, de ma nouvelle machine.

paul-pain1Quand en 1982, ma compagne et moi, comme beaucoup de granos (des babacools, pour les amis français), avons cédé à l’appel de la campagne, je pétrissais moi-même mon pain, une tâche pas si facile, mais que je maîtrisais assez bien. Si ma mémoire n’embellit pas trop la réalité, mon carré de blé était plutôt bon.

Il faut croire que, le temps passant, je suis devenu moins rustique ou plus paresseux. Avec le robot, en tout cas, faire son pain est nettement plus facile. Vous mettez dedans l’eau, le sel, la ou les farines, puis la levure. Ensuite, il ne vous reste plus qu’à sélectionner le programme, le poids du mélange, le degré de bronzage de la croûte avant d’appuyer sur la touche Marche. Le tour est joué.

Enfin, pas tout à fait. Le robot, il est vrai, fait presque tout lui-même. C’est assez fascinant, quand on regarde par le petit hublot, de le voir mélanger et pétrir les ingrédients. Au bout de quelques minutes apparaît une jolie boule ronde, qui doit ensuite gonfler et cuire.

N’empêche que le premier résultat n’était pas tout à fait à la hauteur de mes espérances. Oui, le pain était plutôt mignon, sa couleur était belle, mais il était difficile à trancher, trop compact et plutôt mastoc. Le goût ? Pas si mal. Mais j’aurais aimé, je dois l’avouer, un produit plus souple, plus onctueux.

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Le cinéma québécois en net progrès

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Sophie Desmarais dans Les jours heureux.

J’ai dû visionner plus de films québécois au cours des trois derniers mois qu’au cours des cinq dernières années. Il fut un temps, pas si lointain, où je n’allais jamais voir un long métrage made in Québec avant qu’au moins cinq personnes dignes de confiance ne me l’aient vanté. Et je n’incluais pas les critiques parmi eux, les soupçonnant d’être trop proches du petit milieu du cinéma d’ici.

Je voyais peu donc de films du cru, ce qui ne m’empêchait pas d’être souvent déçu. Je vous paraîtrai peut-être sévère, mais j’estimais à quatre ou cinq les films valant le déplacement dans une année. En 2022, par exemple, ma liste de films québécois aimés se limitait à Babysitter et à Lignes de fuite.

Je dois avouer également que je me suis longtemps laissé rebuter par le niveau de langage de nos longs métrages. Comme beaucoup de gens, habituellement de ma génération (des vieux boomeurs quoi !), j’en avais marre d’entendre sacrer sur nos écrans. J’étais aussi rebuté par la pauvreté du vocabulaire. Il me semblait, pour donner un exemple parmi les pires, que les dialogues d’un film comme Souterrain se résumaient à une centaine de mots, une fois les jurons enlevés. De plus, l’accent, notamment au retour de séjours de quelques mois en France, me tapait sur les nerfs (non, je ne suis pas un maudit Français, juste un maudit Québécois).

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