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Archives de Mai, 2023

Martha et le mythe de l’éternelle jeunesse

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L’octogénaire Martha Stewart est devenue la personnalité la plus âgée à se retrouver à la une du numéro spécial de maillots de bain du magazine Sports Illustrated. Faut-il s’en réjouir ?

Deux éditorialistes de La Presse en ont discuté amicalement dans le numéro de dimanche. Alexandre Sirois applaudit ce coup de marketing, alléguant qu’il s’agit « d’un pied de nez fait à une industrie médiatique où les personnes âgées sont sous-représentées et trop souvent associées à des stéréotypes négatifs ». Nathalie Collard, au contraire, s’en inquiète, voyant là un message pernicieux : « ne lâchez pas, mesdames, soyez sexy jusqu’au cercueil, c’est là votre valeur suprême ».

Spontanément, je suis d’accord avec Nathalie. D’autant qu’être aussi sexy à 81 ans n’est pas à la portée de toutes. Il faut être bien coiffée, bien maquillée et bien fringuée, par les meilleurs professionnels, il va sans dire. Les crèmes anti-âge sont utiles, mais elles ne suffisent pas, tant s’en faut ! Pour avoir l’apparence de la célébrissime Martha sur les photos de Sport Illustraded, il faut sans doute être passée sous le bistouri en plus de s’être fait injecter Botox et acide hyaluronique pour lisser ou combler les rides. Les pommettes ont peut-être été retouchées et les seins siliconés. Et tout cela ne suffirait pas sans les fines retouches de Photoshop, qui auront effacé les moindres défauts de ces clichés réalisés dans des conditions parfaites. L’ensemble donne un air figé, qui manque de naturel.

Je ne veux rien enlever à Martha, qui reste assurément une belle femme. N’empêche que son exploit devrait être marqué d’un astérisque, comme celui des sportifs dont les records ont été réalisés grâce à des produits dopants. Comme le dit Nathalie, ces photos sont « un pastiche de la femme de 20 ou 30 ans en maillot de bain ». À tout prendre, je préfère admirer les jeunettes.

J’ai commencé à écrire un ouvrage sur le vieillissement, dont le titre de travail temporaire est : Y a-t-il une vie après 65 ans ? La réponse est oui, bien sûr, mais à la condition de ne pas chercher la fontaine de jouvence. La vieillesse ne doit pas se donner des airs de jeunesse.

Comme je l’écris dans mon nouveau livre, le vieil âge n’est pas une tragédie, mais un art de vivre où l’on peut gagner en joie, en gratitude, en liberté et en sérénité. « La vieillesse complique la vie physique, écrit la journaliste Laure Adler, mais simplifie la vie morale. » Il est possible de devenir vieux sans se sentir vieux. D’accepter son âge sans pour autant devenir un vieux croulant. De se tenir en forme sans pour autant se prendre pour une jeunesse. Tout l’art de vieillir réside dans cette tension, dans cet équilibre délicat, entre reconnaître et accepter son état sans pour autant se laisser écraser par son âge.

Le vieillissement nous offre des années bonus, des années qu’on aurait très bien pu ne pas vivre. Mieux encore, on est surclassé. On poursuit sa route en première classe, délesté de l’obligation de gagner sa vie, de réussir sa carrière ou d’élever ses enfants. La vie nous donne un dernier rôle : celui de vieille ou de vieux. Ne le boudons pas. C’est un grand rôle. Le rôle ultime !

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Mon carnet a inspiré à une amie, Louise Prégent, le commentaire suivant :

Martha Stewart, comme toutes les femmes, peut faire ce qu’elle veut avec son corps. Si elle fait de l’argent avec celui-ci, tant mieux pour elle. Si elle peut paraître rajeunie, réellement ou avec artifices, c’est bien pour elle aussi. Cependant, nous, les femmes plus vieilles, ne sommes pas dupes : le corps vieillit et nous finirons en cendres dans pas grand temps. Si d’ici là on veut poursuivre encore la course à la beauté illustrée par la publicité pour nous vendre des produits, des soins, des chirurgies, allons-y. Si on a compris qu’on n’y arrivera pas malgré tout l’argent qu’on y a enfoui, on laisse ça à d’autres, c’est encore notre choix.

Devra-t-on sortir dans la rue pour revendiquer le droit au vieillissement et à ses signes? On en serait bien capables, on a l’expérience du combat pour la défense de nos droits.

Mon opinion est donc que les deux éditorialistes ont raison, mais je penche pour l’opinion de madame Collard : lâchez-nous!…

Notre bipolarité nature-civilisation

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L’an dernier, à la même époque, quand nous nous installions sur le balcon de notre appartement, notre plaisir était gâché par la musique crachée par la terrasse du restaurant h3, juste en face, de l’autre côté de la cour. Au début de mai, on y avait fait de tests de sonorisation tellement forts que l’administration du complexe Humaniti avait dû s’en excuser. Par la suite, comme chaque été, la musique commençait à 11 h et se prolongeait jusqu’à 23 h. Je n’ai pas besoin d’ajouter que ce n’était pas du Mozart ; vous vous en doutiez. À force de protestations, j’avais obtenu que le volume sonore soit réduit le jour. Mais à partir de 18 h, nous avions l’impression de vivre à côté d’une discothèque, comme je l’avais écrit dans La Presse.

Après deux étés de luttes incessantes et peu fructueuses, j’ai dit à Lise : « Je n’en supporterai pas un troisième. » Je fais sans doute partie de ces personnes sensibles au bruit, dont parle un récent reportage de L’Actualité. Ces gens-là perçoivent le tintamarre « comme une agression dont elles n’arrivent pas à se défendre », « comme une atteinte à leur intégrité ». Selon les experts de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), les sources de bruit sont d’ailleurs « de plus en plus nombreuses et puissantes » et laissent « de moins en moins de périodes calmes sur 24 heures ». Et cela, un peu partout, y compris parfois à la campagne.

île6Cette année cependant, quand nous nous installons sur notre balcon, face au fleuve, ce sont les vocalises des cardinaux, les trilles des carouges ou la mélodie des merles qui parviennent à nos oreilles. Fini la musique criarde, fini également les autos survoltées dont les moteurs pétaradent en filant rue Viger, les voitures de police, sirènes hurlantes, qui se lancent à la poursuite des contrevenants, les poids lourds qui font un bruit d’enfer en passant dans des nids-de-poule que la voirie, en deux ans, n’a toujours pas comblés. Fini aussi les ambulances et les camions de pompiers. Juste le chant des oiseaux, juste le murmure des feuilles dans les arbres ! L’endroit est si calme que je m’y assois maintenant pour méditer. (suite…)

Petit retour sur l’accord du participe passé

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Image par muntazar mansory de Pixabay

On peut être pour ou contre la réforme de l’accord du participe passé. Cela se discute. Mais il y a des arguments de la vice-présidente de l’Association des profs de français, Alexandra Pharand, qui m’insupportent. À commencer par le fait que le français, répète-t-elle sur toutes les tribunes, est une langue vivante. Qui dit le contraire ? Chaque année, des mots apparaissent alors que d’autres tombent en désuétude. C’est pourquoi les dictionnaires sont régulièrement réédités.

En revanche, la grammaire et la syntaxe changent peu. Pourquoi ? Parce que ce sont les bases d’une langue, quelle qu’elle soit. Elles restent généralement inchangées, ce qui permet, notamment, de se comprendre entre générations et de pouvoir lire les œuvres du passé.

Je ne dis pas que la grammaire ne peut pas évoluer. Depuis mon enfance, l’usage du subjonctif, par exemple, a beaucoup changé. On n’utilise presque plus le subjonctif passé, remplacé dans la majorité des cas par le subjonctif présent, bien plus facile à manier. L’évolution s’est faite progressivement, sans véritable opposition, si ma mémoire est bonne.

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