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Dimanche matin, je suis allé marcher avant même le petit déjeuner. La neige tombée la veille était encore d’un blanc étincelant. Le mercure stagnait à moins 5 degrés. Mais ce n’était pas vraiment frisquet, car il faisait soleil. Contrairement aux derniers jours aussi, il n’y avait pas de vent. C’était bien agréable, d’autant que les oiseaux, revenus en grand nombre, chantaient. Tout le contraire d’hier. Regarder la neige tomber du 12e étage n’était pourtant pas déplaisant. Mais j’ai rechigné toute la journée à mettre le nez dehors.

J’ai jeté un œil aux températures pour les prochains jours. Pas mal de soleil. Mardi, on devrait franchir la barre des dix degrés. Juste à lire les prévisions, je me sens revivre. Je suis heureux que le printemps arrive enfin. Non pas que l’hiver ait été particulièrement difficile. Mais comme vous le savez, ce n’est pas ma saison favorite. Quand les oiseaux partent pour le sud et que la bise arrive, je fais le dos rond et j’attends que ça passe. Quatre mois, c’est quand même un peu long.

Une des raisons pour lesquelles je n’aime pas tellement la saison froide, c’est que je marche moins. Quand il vente froid, j’ai zéro plaisir à marcher. Que du déplaisir ! La glace sur les trottoirs ou dans les sentiers me fait peur aussi. J’ai beau m’être muni d’une panoplie de crampons, je crains toujours la chute. D’autant qu’à mon âge, les risques de blessure sont plus élevés.

Or la marche est essentielle à ma santé. Physique bien sûr, mais aussi mentale. Pour être en bonne forme dans sa vieillesse, il n’est pas nécessaire de courir le marathon ou sa version courte, le demi (21 km tout de même). Marcher demeure le mode d’exercice le plus simple, le moins risqué et peut-être le plus efficace.

Une méta-analyse publiée en août 2023 dans le European Journal of Preventive Cardiology conclut que pour chaque tranche de 1000 pas par jour, les risques de mortalité sont réduits de 15 % et ceux d’une mortalité liée à une maladie cardiovasculaire de 7 %. « Les résultats indiquent que seulement 4000 pas par jour sont nécessaires pour réduire de manière significative le risque de mortalité », écrivent les auteurs.

Selon une autre étude, rapportée par le New York Times, les effets bénéfiques de la marche apparaissent déjà après onze minutes. Bien entendu, c’est limite. Vaut mieux en faire davantage. On parle souvent de 10 000 pas. Mais il semble que, statistiquement, l’état de santé n’est pas vraiment meilleur si l’on fait 10 000 pas plutôt que 7 000. Sept mille pas, c’est environ cinq kilomètres ou quelque 60 minutes de marche.

Pour ma part, mon objectif quotidien est de 7 500 pas. Les jours de paresse, je me contente de 5 000, quelquefois moins. Quand je suis vaillant, j’atteins, voire je dépasse les 10 000 pas. Les jours de farniente sont malheureusement plus nombreux l’hiver, comme en témoigne mon (plus ou moins) petit bedon.

Dans Walking with Sam, récit de voyage sur le chemin de Compostelle, Andrew McCarthy rappelle cette affirmation d’Hippocrate, le pionnier des médecins, selon qui « la marche est la meilleure médecine de l’homme ». « Si vous êtes de mauvaise humeur, disait-il, allez faire une promenade. Si vous êtes toujours de mauvaise humeur, allez faire une autre promenade. » La marche, note McCarthy, nourrit non seulement le corps, mais apaise l’esprit tout en brûlant les tensions et en faisant disparaître nos problèmes.

Le philosophe Soren Kierkegaard renchérit : « Je ne connais pas de pensées si lourdes qu’on ne puisse s’en éloigner en marchant. » Le romancier Charles Dickens écrivait pour sa part : « Si je ne pouvais pas marcher loin et vite, je pense que j’exploserais et périrais. »

McCarthy ajoute de nombreux témoignages selon lesquels « une bonne randonnée alimente la créativité ». Les écrivains Virginia Woolf, William Blake et William Wordsworth ne juraient que par la marche. Tout comme Thomas Mann pour qui « les pensées viennent clairement lorsqu’on marche » ou J.K. Rowling, selon laquelle « rien de tel qu’une promenade nocturne pour vous donner des idées ».

Jean-Jacques Rousseau, l’auteur des Rêveries du promeneur solitaire, estimait qu’il y a quelque chose « dans la marche qui anime et active les idées ». Quant à Friedrich Nietzsche, il soutenait que « toutes les grandes pensées sont conçues en marchant ». À Èzes, dans le Midi, un sentier porte le nom du célèbre philosophe. C’est en y déambulant qu’il aurait conçu Ainsi parlait Zarathoustra.

J’ai moi-même emprunté ce beau sentier à quelques reprises lors de mes séjours hivernaux à Nice. Je n’ai pas écrit Ainsi parlait Zarathoustra pour autant. N’est pas Nietzsche qui veut. Mais la plupart de mes carnets sont conçus en marchant. Parfois, l’idée d’un texte survient. Parfois, la formulation d’un article en chantier se précise. Les jours de grâce, les phrases deviennent si claires que, revenu à la maison, je n’ai plus qu’à les retranscrire sur mon ordinateur.

Comme le disait si bien un autre écrivain, René Daumal, il vaut mieux marcher avec la tête que penser avec les pieds.

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