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Soixante et onze ans

paul-marché

L’an dernier, j’ai fêté mes 70 ans en Baja California. Le chiffre me donnait un peu le vertige. Soixante et onze ans, c’est moins impressionnant. C’est juste une année de plus. Il me reste encore neuf années avant d’atteindre les 80 ans. Un âge vénérable que j’ai de bonnes chances d’atteindre si l’on en croit les dernières statistiques sur l’espérance de vie des Québécois.

Dans le sud de la Floride où les côtes de 10 mètres sont des pics, je ne peux pas vraiment me tester en montagne. Mais physiquement, je ne suis toujours pas trop détérioré.

Côté apparence, je continue à surveiller ma perte de cheveux. C’est devenu une obsession. La faute en revient aux satanés miroirs de la salle de bains de notre Grande bleue. Vue des miroirs de face, ma chevelure paraît encore abondante. Mais les miroirs de côté révèlent brutalement le dessus du crâne, de plus en plus dégarni. C’est pourquoi je préfère maintenant être entouré de gens plus petits que moi.

Les poches sous les yeux gagnent aussi du terrain. L’affaissement mollasson de chaque côté du menton ne s’est évidemment pas résorbé, mais j’ai renoncé à la barbichette pour le dissimuler. Je trouve qu’une barbe grise me vieillit.

Sur le plan intérieur, je me sens plus serein que l’an dernier face au vieillissement. Balade avec Épicure, de Daniel Klein, m’y a aidé. Je n’hésite pas à conseiller cet ouvrage à tous ceux qui vieillissent. Ce philosophe américain est allé réfléchir au grand âge sur une île grecque, où il a relu le sage Épicure, qui fait l’apologie des plaisirs simples et sains.

Klein nous met en garde contre la tentation de ce qu’il appelle le «toujours jeune», cette obsession de la jeunesse qu’il considère comme un miroir aux alouettes. «Derrière chaque objectif que l’on s’est imposé d’atteindre avant de mourir, écrit-il, s’en cache un autre, puis un autre encore. Et, bien évidemment, l’horloge tourne – assez bruyamment à vrai dire. Et nous n’avons plus le temps d’apprécier avec calme et recul, les années de notre crépuscule, par de longs après-midi exquis, passés à rester assis avec ses amis, à écouter de la musique ou à méditer sur l’histoire de notre vie. Et nous n’aurons jamais une autre chance de le faire.»

Klein oppose au «toujours jeune» la lenteur, dont il fait l’éloge. Si ce philosophe fréquentait les campings, il trouverait sans doute de nombreux adeptes de ce beau farniente. J’ai notamment repensé à ses conseils en voyant ce voisin du Naples Resort en train de lire, confortablement allongé sur une chaise longue, son chien bien installé sur son ventre. Je pourrais aussi citer ce couple du Jolly Roger dont la femme marchait lentement appuyée sur sa canne, l’autre main dans celle de son mari voûté, l’un et l’autre suivis de leur vieux toutou claudicant. Ils n’en semblaient pas moins heureux.

Il est vrai, en effet, qu’il vaut mieux éviter, en vieillissant, de chercher à rivaliser avec les jeunes, car on aura beau faire du jogging, pratiquer le yoga, tenter de cacher ses rides et ses cheveux blancs, aller de lifting en liposuccion, suivre les grandes tendances, courir les restaurants à la mode ou regarder les émissions au goût du jour, on finira inévitablement par se sentir vieux à ce petit jeu. Les jeunes resteront toujours plus jeunes et plus beaux. C’est normal, c’est de leur âge.

Cela dit, il appartient à chacun, je crois, de choisir ses objectifs en vieillissant. Un ex-collègue m’écrivait récemment qu’un voyage de quelques semaines chaque année lui suffisait. Lui et sa femme en reviennent contents. Pour notre part, Lise et moi avons passé plus de temps sur les routes que chez nous depuis cinq ans. On ne cherche pas pour autant à rester éternellement jeunes. On peut être heureux en jouant à la pétanque ou aux cartes avec des amis. Mais on peut aussi l’être en apprenant une nouvelle langue ou en écrivant enfin le roman qu’on a porté toute sa vie.

L’important, c’est de faire ce qui nous convient. Et l’important surtout, c’est de devenir vieux sans se sentir vieux.

Lise vous fait ses amitiés. On se revoit samedi en huit.

P.-S. Vous pouvez laisser un commentaire ci-dessous ou m’écrire à paul.roux@live.ca. Je n’ai pas toujours le temps de répondre, mais je prends toujours le temps de vous lire.

Commentaires sur: "Soixante et onze ans" (5)

  1. J’ai tellement hâte de le lire ce roman.

  2. Tu as les 71 ans pas mal philosophiques, cher Paul.
    Alors nous te souhaitons, Marie-Paule et moi, cette sérénité, et cette simple mais profonde satisfaction d’être que tu décris ainsi dans le carnet de cette semaine. Ce à chacun des jours qui te restent, à parcourir notre belle planète.

    Amitiés à toi et Lise

  3. Oussama Muse a dit:

    Chauve qui peut, à l’âge vénéré voire vénérable, de lièvre, voici ma petite philosophie de vie, voire d’envies …

    https://oussamamuse.wordpress.com/2014/05/22/le-temps-de-vivre-le-temps-dune-vie/

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