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bataille

J’ai évidemment regardé avec grand intérêt le nouveau documentaire de Francine Pelletier, « Bataille pour l’âme du Québec ». Quand on voit que plus de trois sur francophones quatre s’apprêtent à voter pour des partis identitaires cet automne, il saute aux yeux que le nationalisme québécois est devenu profondément conservateur.

Comme la plupart des Québécois francophones de ma génération, je n’ai pas échappé au nationalisme. J’ai même plongé dans l’indépendantisme très tôt, en lisant le Pourquoi je suis séparatiste, de Marcel Chaput. En 1966, quand j’ai voté pour la première fois, j’ai tracé mon X sur le RIN de Bourgeault.

Je ne suis pas sûr que mon nationalisme ait été aussi progressiste que j’aimerais le croire. Il y avait chez moi, comme chez beaucoup de militants, une méfiance certaine à l’égard de ceux qu’on appelait les Anglais, et parfois même les maudits Anglais. Je me souviens aussi qu’on ne tenait pas en haute estime les Italo-Québécois à l’époque de la bataille de Saint-Léonard.

En revanche, le nationalisme défendu par des politiques comme René Lévesque et Gérald Godin n’était pas conservateur, mais pluraliste et inclusif. Ce nationalisme, comme le montre le documentaire de Francine Pelletier, s’est beaucoup perdu, d’abord sous l’assaut de la Charte des valeurs du PQ, puis avec le duplessisme de la CAQ.

Pour ma part, j’ai quitté le navire indépendantiste après le premier référendum. Il faut dire que, si j’ai voté pour le Oui en 1980, c’était déjà sans trop y croire et sans trop souhaiter sa victoire non plus. Aussi n’ai-je pas été trop déçu quand le résultat, sec, est tombé.

Je ne suis jamais devenu pour autant un Canadien fier de vivre « dans le pluss beau pays du monde ». J’avais plutôt découvert les identités multiples. J’étais resté Québécois, mais cela ne m’apparaissait plus incompatible avec le fait d’être Canadien. Quand je me suis établi à Montréal, j’ai ajouté l’identité montréalaise. Maintenant d’ailleurs, je m’identifie plus volontiers comme un Montréalais que comme un Québécois ou un Canadien.

Je suis devenu allergique à tous les discours identitaires. Être un Québécois, c’est faire sa vie ici, prendre part à la vie d’ici, contribuer à la vie d’ici, d’où que l’on vienne. Il n’y a pas « nous », les vrais Québécois, et « les autres », des citoyens de seconde classe. C’est pourquoi je ne réserve pas le terme « Québécois » aux seuls « pure laine », car les gens issus de l’immigration sont également d’authentiques Québécois.

Bien sûr, il y a dans la Belle Province une culture dominante, celle des francophones. Mais elle est suffisamment forte et dynamique pour ne pas être menacée par la diversité culturelle. Au contraire, elle s’en enrichit.

Il y a également une langue commune, le français, qu’il faudra toujours protéger, mais qui se porte bien mieux qu’on le dit. Ce n’est pas parce que des allophones, bien intégrés au Québec, continuent à parler leur langue maternelle à la maison que notre propre langue rétrécit dans l’espace commun.

Bref, la théorie du « grand remplacement » n’est pas plus crédible que l’épouvantail de la Louisiane brandi récemment par le premier ministre Legault.

Contrairement à Francine Pelletier, je n’ai pas été ébranlé quand Jacques Parizeau a lancé, après le second référendum, qu’on avait été battu par « l’argent et le vote ethnique ». Non seulement n’étais-je plus souverainiste, mais je n’étais même plus nationaliste.

Je ne dirai pas que je suis un citoyen du monde : c’est un cliché qui ne veut rien dire. Je peux affirmer toutefois, comme la philosophe Hannah Arendt, que je n’aime aucun peuple. Mais je n’en déteste aucun non plus. Le mot « peuple » est pour moi trop chargé, trop querelleur, trop belliqueux, trop guerrier. Le seul amour que je connaisse et le seul en lequel je crois, disait Arendt, c’est celui des personnes.

Je n’aime donc pas le peuple québécois, pas plus que le peuple canadien, le peuple français ou le peuple italien. Mais j’aime des Québécois, comme j’aime des Canadiens, des Français ou des Italiens.

Cela me suffit amplement !

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